Troy Henriksen : Interview sur “Let’s Get Wasted”

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    1947

    Troy Henricksen
    Troy Henriksen – Photo by Jean Marc Lebeaupin

    Américain d’origine norvégienne et pêcheur de métier, Troy Henriksen se réfugie dans la peinture alors qu’il nage en pleine dépression. À travers ses toiles, il découvre un nouveau langage capable d’exorciser ses pensées et de matérialiser son imaginaire. Une véritable thérapie pour Troy qui échappe in extremis au suicide. Une nouvelle vie s’offre alors à lui; celle d’un artiste « brut » et « instinctif » sans formations académiques. Proche de la figuration libre, il s’exprime dans un style bien à lui mêlant peinture, écriture, collage et photographie.

    Dans les rues de Paris, son chemin croise celui d’Éric Landeau (actuel directeur de la galerie W), un heureux hasard. Le galeriste est séduit par les œuvres mixtes et colorées de Troy. Il lui donne sa chance, lui trouve un atelier et l’encourage dans sa production artistique. Sa dernière exposition« Let’s get wasted » marque les 15 ans de cette proche collaboration mais aussi un nouveau tournant dans la vie et le travail de Troy. Pour la première fois, le plasticien a utilisé des photographies réalisées avec son fils comme matière première. « Ce travail en équipe, était pour moi une façon d’être parent, tout en poursuivant mon travail d’artiste (…) », précise Troy.

    Troy Henriksen,  Interview sur ” Let’s Get Wasted ” sa dernière exposition au sein de la galerie W, avec une introduction de Eric Landau, le directeur de la galerie W.

    Elise Jamoteau : Bonjour Troy Henricksen

    Troy Henriksen : Bonjour

    EJ :  Comment allez vous ?

    TH : Bien je vais bien

    EJ :   Une nouvelle  exposition ?

    TH : Oui, une nouvelle aventure

    EJ :  Il y a t il un lien entre votre précédente exposition et celle ci ou est ce un tout nouveau travail ?

    Je dirais qu’elle est à 90% différente, Il y a des similitudes d’une certaine manière mais cette fois-ci j’ai travaillé à partir de photographies auxquelles, j’ai ajouté de la peinture.
    Ma dernière exposition reposait plus sur la peinture, j’utilisais ensuite des photos et je réalisais du collage. C’est maintenant plus une rencontre entre la photographie et la peinture.

    EJ :   D’accord donc il y a une sorte d’évolution dans votre travail ?

    TH : Oui

    EJ :   Et les thèmes que vous abordez, restent les même ou pas ?

    TH : Les thèmes varient d’une pièce à une autre.

    Chacune d’elles raconte une histoire, une narration qui s’opère à travers un niveau simpliste de couleurs et formes comme le ferait une peinture ou bien n’importe quelle photographie.

    EJ :  Et ça ressemble à un petit film ?

    TH : Oui chaque tableau raconte une histoire, mon travail a toujours été dans ce sens, dans cet état d’esprit, j’aime que chaque peinture ou image raconte une histoire, sa propre histoire.

    EJ :   Quels genres d’histoires ?

    TH : Tout !

    Généralement les choses dont je parle, concerne ce que le monde nous donne à voir et nous indique la manière dont je le perçois, c’est comme ça que je conçois mon art, mes créations, mes tableaux.

    EJ :  Donc la photographie joue un rôle important ? Est elle au centre de votre travail ?

    TH : Non, cette fois ci , je veux dire, c’est une façon un peu différente de m’exprimer. Dans la plupart de mes travaux je mélange en permanence les références aux différents domaines que je pratique.

    Des fois, je vais peut être un peu plus jouer avec la peinture abstraite ou la peinture réaliste, j’essaie toujours de dépasser les limites de manières différentes et cette série utilise la photographie mais  je continue indifféremment  à faire de la peinture brut également.

    EJ :   Quelles étaient vos motivations pour cette exposition ? Etait-ce un besoin personnel pour exprimer de nouvelles choses, de nouveaux sentiments ? ou était -ce peut être juste une commande de la galerie ? 😉

    TH : Non, c’est plus une communication directe !

    J’ai pris des photos pendant environ 8 ans, en essayant vraiment de faire de bonnes photos, en étudiant puis j’ai commencé à m’en lasser.

    EJ :  Vraiment ?

    TH : Oui car j’avais l’impression que rien ne se passait dedans, peu importe leur qualité, leur beauté, elles n’étaient pas organiques et je voulais le sentiment organique propre à la peinture donc j’ai peins sur les photos tout simplement.

    EJ :  Pour ajouter quelque chose ?

    TH : Oui, avec des collages et en mélangeant tout ensemble avec Photoshop, ensuite je termine en travaillant directement sur le papier, c’est vraiment passionnant de sans cesse améliorer le résultat de l’ensemble.

     EJ :  Ce n’est pas la première fois que vous exposez dans la galerie W ?

    TH : Non, je suis ici depuis 1999

    EJ :  Et pourquoi avez vous choisi de rester ici ? Avez vous créez un lien particulier avec cette galerie ?

    TH : Oui, c’est mon quartier, je vis ici aussi.

    EJ :  Vous vivez ici ?

    TH : Oui je suis très proche de la galerie, d’Eric et d’Isabelle et de tout le monde.

    Je suis arrivé à Paris en 1989, et j’ai commencé à peindre dans la rue et Eric qui travaillait déjà à la Galerie W m’a à l’époque trouvé  un atelier.

    Maintenant que j’ai aussi un enfant ici, j’ajouterais que le travail que je réalise dorénavant m’implique vraiment aussi en tant que parent.

    EJ:  Vous vous considérez comme faisant partie de la Galerie ?

    TH : Non, je voulais dire, avoir un enfant à charge ne me permettait plus de peindre comme avant et quand j’en avais envie.  Alors une question s’est posée dans ma tête  “qu’est ce que j’allais faire avec cette enfant” ? Faire des photos, c’était en fait un moyen de m’exprimer tout en continuant à m’occuper de mon enfant.

    On pouvait sortir et faire des photos ensemble, on travaillait ensemble, on formait une équipe.

    Il savait quel genre de photos en général, j’apprécie. Il connaissait  la façon de se tenir et je pouvais facilement photographier quelqu’un à ses côtés en les laissant croire à la personne que je photographiais mon fils.

    Ce travail en équipe, était pour moi une façon d’être parent, tout en poursuivant mon travail d’artiste en étant plus seul, sans explorer les choses et sans me poser d’autres questions.

    EJ : Bon travail !

    TH : Mais une chose à propos de la photo, je l’ai toujours produite de cette manière mais quoi qu’il en soit j’ai le besoin de dessiner dessus, de la réinterpréter. La photographie est instantanée.  Je peux shooter la personne à un endroit, mais ensuite je peux peindre autour, c’est une combinaison de ces deux mondes, de ces deux médiums.

    Et j’aime ce cycle.

    EJ :  Aujourd’hui vous êtes internationalement connu, comment expliquez vous ce succès ?

    En travaillant tous les jours ! et en aimant ce que je fais.

    EJ : En travaillant tous les jours ? mais selon vous, qu’est ce qui plaît au gens dans votre travail ?

    TH : Je ne sais pas vraiment.

    Je pense qu’ils aiment mon travail !

    Mais dans mon cas, vous savez  j’étais un pécheur, et j’ai commencé à peindre alors que j’étais très déprimé.

    EJ :  Vraiment ?

    TH : J’étais suicidaire, une nuit j’allais me tuer et là j’ai décidé de peindre.

    EJ :  Peindre quoi alors ?

    TH : Tout… tout et rien

    EJ : Votre état d’âme ?

    TH : Mon état d’âme et tout le reste. La peinture m’a donné une seconde chance de vivre, de rester en vie. C’est ce que j’ai fais et  je suis juste chanceux que les personnes aiment ce que je peins.

    EJ :  pensez vous qu’acheter une de vos peintures, soit un bon investissement ?

    TH : Oui, bien sur ! un très bon investissement !

    EJ :  Très bon  ?

    Oui ! c’est maintenant ou jamais !

    EJ :  Et une question un peu française…intraduisible en anglais mais, en français on dit : la musique adoucit les mœurs, c’est comme « la musique rend les gens meilleurs » ou quelque chose comme ça. Alors, la peinture pour vous est elle capable de faire la même chose ?

    TH : Oui bien sûr, la peinture est un perpétuel enrichissement, un enrichissement pour la réflexion, pour le dialogue, pour la méditation. Tout le monde expérimente la peinture à sa manière, c’est toujours à la fois très personnel et très subjectif. La peinture nous remet en question, reflète ce dont est fait notre pensée, et tout ce que la peinture nous permet de faire et l’une des choses des plus  merveilleuses sur cette terre.

    Donc j’adore peindre !

    Propos recueillis pas Elise Jamoteau pour artsixmic

    Troy Henriksen  est représenté par la galerie W