Le travail de Sylvie Tubiana, orienté principalement vers une réflexion sur l’intime et notre façon d’être au monde, se tourne depuis quelques années vers une rencontre avec des cultures et des civilisations différentes. Après le Japon (résidence d’artiste) et un travail avec des communautés turques, elle se tourne naturellement vers l’Éthiopie.
« L’Éthiopie, pays dans lequel j’ai vécu enfant puis où je suis retournée adolescente, pays dont mon père enseignait la langue à l’Ecole Nationale des Langues Orientales – Paris et enfin pays d’un grand-père adoptif, ce grand-père Abba Jérôme Gebre Muse, informateur de Michel Leiris dans l’Afrique fantôme. »
En 2007, après le décès de son père elle a réactivé cette mémoire éthiopienne en introduisant dans la bande son plurilingue (9 langues) de « Jardin secret » une traduction du poème de Sylvie Le Scouarnec en amharique (langue officielle éthiopienne) lu par un éthiopien, vieil ami de son père. Puis, dans le même esprit que la série « estampes – 2008 », elle envisage de réaliser un travail, à partir des peintures éthiopiennes accrochées aux murs de la maison de ses parents, aussi bien en couleur qu’en noir et blanc. La réflexion sur ce projet intitulé « incarnations éthiopiennes » l’a conduite à entrer en relation avec les Musées de Charleville-Mézières (ville jumelée avec Harar en Éthiopie) et son conservateur Alain Tourneux. Cette rencontre fructueuse a posé les jalons d’une résidence de travail à Harar dans la Maison Rimbaud et dans d’autres lieux: une ferme, un haras, les bains de Fassilidas à Gondar en janvier 2012.
Nouvelle étape de cette rencontre la programmation pour 4 mois de l’exposition « Incarnations Ethiopiennes » au Musée Rimbaud de Charleville- Mézières sur deux niveaux et la publication d’un ouvrage intitulée ETHIOPIE, LES REGLES D’UN NOUVEAU JE, par les éditions SEPIA. Textes d’Anne-Marie Garat, de Bérénice Geoffroy-Schneiter, de Michel Perret et de Joseph Tubiana.
L’exposition est en grande partie axée sur Rimbaud et Harar avec des photographies couleur grand format et deux installations vidéos in situ, mais elle permettra aussi de découvrir la peinture ancienne éthiopienne ainsi que des objets anciens et contemporains liés à la vie quotidienne: manuscrits, croix, vanneries, tissus provenant d’Ethiopie … et le travail d’un sculpteur contemporain d’origine éthiopienne Mickaël Bethe-Selassié.
« En scénographe de la mémoire, Sylvie Tubiana a donc refait à sa manière le voyage vers l’Éthiopie… Comme un théâtre d’ombres et de lumières, son travail s’affranchit ainsi des strates du temps, traverse le miroir des apparences, fait se réconcilier le passé et le présent. De « l’Afrique fantôme » au « poète fantôme » la plasticienne a jeté un pont aussi léger qu’une moustiquaire, aussi fragile qu’un souffle de vent » … Bérénice Geoffroy- Schneiter
Ce projet de création pluridisciplinaire associe la mémoire, l’intimité et la civilisation éthiopienne, il est placé sous le signe de la filiation, du regard, de l’écoute et du respect de l’autre, en continuité avec la globalité de son travail de création depuis 1984.
SYLVIE TUBIANA
– Née en 1959 Vit et travaille à La Rochelle site web : http://www.sylvie-tubiana.com
MICKAËL BETHE-SELASSIE
Je suis né le 15 février 1951, à Diré-Dawa, petite ville à l’est de l’Ethiopie. Cadet de trois enfant je passe mon adolescence à Addis-Abeba. Je fais mes études secondaires au lycée Guebre Mariam. Arrivé en France à l’âge de vingt ans, je suis des études de physique-chimie pendant trois ans. Autodidacte, je fais de la sculpture depuis l’âge de trente ans. Mon travail trouve sa source dans la réalité. J’attache de l’importance au balancement et à l’équilibre.
En construisant l’armature, je ne sais pas encore à quoi peut ressembler la sculpture. Je ne m’impose pas de contrainte, laissant entière liberté à mes mains. Ce qui me permet de déformer la réalité, lui donnant un caractère fantaisiste.
L’armature est le squelette, la pâte à papier la chair de ces créatures qui, habillées de couleurs chaudes, exhaltent un parfum de mystère. Mes oeuvres représentent un univers personnel, rêvé. Elles se présentent sur pied, sous forme murale. Elles se situent, du point de vue temps / espace, nulle part. Rois mages, scribes, patriarches, déesses, animaux fantastiques, totem, font partie de l’imaginaire de chacun.
Je souhaite que le spectateur fasse sa propre projection, son histoire, se retrouvant dans ces oeuvres.
En tant que sculpteur je transforme la matière. Mes sculptures sont faites en papier mâchéjournaux trempés dans l’eau et pétris à la main. Mélangée à de la colle cellulosique la pâte obtenue est une matière végétale que j’applique sur l’armature fabriquée au préalable. Si l’armature est le squelette de la sculpture, la pâte en est la chair. La couleur est ce qui habille mon monde imaginaire et mes créatures végétales.
Je ne fais jamais d’esquisse, mais j’improvise au fur et mesure. Dans ma création, je rends magique le réel en le caricaturant. Les formes sont rêvées dans l’espace puis ramenées à la réalité à l’aide de rotin et de baguettes de bois. La matière rigide – le bois comme le rotin – possède ses propres lois ; et ne se plie pas toujours à la volonté de l’artiste. Le processus de création d’une sculpture est pour moi un jeu subtil entre l’imagination et mon action sur la matière.
- Exposition du 1 juin au 29 septembre 2013
Musée Rimbaud
Quai Arthur Rimbaud
08000 CHARLEVILLE-MEZIERES