“Primaire” d’Hélène Angel, un film remarquable sur l’école de la république française.
L’école française et l’éducation en France sont une histoire sans fin, une affaire de procédure permanente à laquelle aucun ministre de l’éducation nationale n’a jamais réussi à donner clairement ses lettres de noblesses et à la libérer de ses chaînes. Aller à l’école, pour un certain nombre d’enfants de notre société, est plus souvent une gageure qu’une opportunité pour apprendre, alors que tant d’enfants dans le monde rêveraient simplement d’avoir un cahier.
La raison du pourquoi en est simple. Le film “Primaire” d’Hélène Angel qui sortira le 4 janvier dans tous les bonnes salles de France et de Navarre souligne tout ce qui fait ou ne fait pas une bonne école. Pendant deux années, cette réalisatrice a arpenté les bancs de différentes écoles pour découvrir tous les avantages et toutes les perversités de nos lieux d’éducation.
L’école est d’abord l’école de la vie, de la découverte du monde, du social et du sociétal. Mais l’école n’est pas juste ; elle devient différente selon le lieu où elle est installée et selon ses enseignants et directeur. Souvent, on regrette l’école une fois qu’on la quittée. Apprendre, ne pas apprendre ou bien apprendre telles sont les questions qui se posent à l’animal enfant qui vient presque de naître et qui ne sait toujours pas ce qu’il fera quand il sera grand. Etre enfant dans une école n’est jamais simple, tant les réponses pour chacun d’entre-nous sont différentes, mais c’est pourtant là que tout commence. Etre la progéniture du maître ou de la maîtresse est peut être l’une des solutions, comme le film le suggère gentiment, mais ce n’est pas non plus totalement la solution.
Il est vrai que la maîtresse dans le film, interprétée par la sublime Sara Forestier qui semble avoir enseigné toute sa vie, a tout d’une grande ! Juste aussi dans son rôle de mère et d’éducatrice, mais aussi de maîtresse de son fils, Sara Forestier, de par son jeu, répond à tous les points importants et à toutes les questions que le film pose. Primaire est un film de bon goût qui porte un regard franc sur ce qu’est aujourd’hui le monde de l’école, en un mot une école vieillissante, qui tourne en rond, qui n’admet toujours pas ses erreurs et où la culture et la création sont toujours absentes de l’éducation alors qu’elles devraient en être les principaux éléments fondateurs.
L’école peut-être à la fois un paradis et un cauchemar pour les petits comme pour les grands. Un seul enseignant peut non seulement changer la vie de tout un établissement mais surtout influer sur toute la vie d’un enfant. La Primaire devrait être le lieu où tout devient possible, où tout devient plus compréhensible, avant de se diriger ensuite bêtement vers un secondaire en ayant si peu de chances de s’y plaire. Primaire devrait être un film d’Ecole et devrait-être un film pour toutes les académies qui gouvernent parfois bien dangereusement nos vies !
Hélène Angel a réussi le pari bien difficile de parler de l’école sans que cela soit ennuyeux et rébarbatif. Les enfants sont tous bons dans leurs premiers rôles d’acteurs et Vincent Elbaz, dans son rôle de coursier à moitié père mais pas complètement encore, apporte de belles répliques à une Sara Forestier de génie.
Primaire un film à voir absolument !
L’histoire : Florence est une professeure des écoles dévouée à ses élèves. Quand elle rencontre le petit Sacha, un enfant en difficulté, elle va tout faire pour le sauver, quitte à délaisser sa vie de mère, de femme et même remettre en cause sa vocation. Florence va réaliser peu à peu qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre…
Photo : ©JC LOTHER
Photo : ©JC LOTHER
Questions à Hélène Angel
Comment avez vous bâti le scénario?Hélène Angel :
Une ligne dramatique simple, c’était notre mot d’ordre ! L’histoire d’une femme qui enseigne, d’une mère qui a son fils dans sa classe. Avec les scénaristes au départ, on ne s’est pas dit « Tiens on va faire un film sur l’école ». C’était plutôt « C’est l’histoire d’une femme très idéaliste dans son travail, mais dans sa vie, elle pourrait redoubler ! » Il fallait être simple, pour respecter l’équilibre entre le collectif et l’individuel. Parce que la matière était dense, les personnages nombreux, et les enjeux aussi. Parce que je tenais à garder la dimension collective de l’école, son côté ruche d’abeilles. Donc le parcours de Florence est simple et tendu : comme ses élèves, elle va passer du «primaire» au «secondaire». Elle accède à une plus grande conscience de la vie. Et pour ça, il faut passer par des renoncements. Celui de pouvoir sauver chaque enfant, celui d’être une mère parfaite, celui d’être indispensable à ses élèves. A la fin, ses élèves montent sur scène et deviennent des Hommes. Le spectacle qu’ils jouent le raconte : « Au début c’était le chaos, rien n’avait de forme dans l’univers. Et puis l’Homme est arrivé, unique, fragile et mortel ». Et Florence peut recommencer à enseigner. C’est à la fois peu et immense. Le film fonctionne sur ces choses très évidentes, initiatiques : le rituel de l’entrée en 6ème, du spectacle de fin d’année… Au montage il a fallu maintenir cet équilibre, cette tension, tout en laissant éclater le trop plein de vie des enfants.
Pourquoi un film sur un professeur des écoles ?
Hélène Angel : C’est une institutrice dévouée à ses élèves, et c’est aussi une mère qui se pose des questions. Le point de départ du film, ça a été l’émotion que j’ai ressentie quand mon fils a quitté son école, en fin de Cm2… Moi je pleurais parce que c’était la fin de l’enfance, lui il était excité par la vie qui s’ouvrait devant lui ! J’ai réalisé à quel point l’école marque nos vies, d’enfants et de parents, avec des étapes initiatiques. Le personnage de Florence doit passer une de ces étapes. Elle a beaucoup à apprendre aux autres, mais aussi des autres… elle l’a un peu oublié. Et puis on sait tous qu’un enseignant a quelque chose d’héroïque aujourd’hui. On lui demande de tout transmettre : savoir, valeurs, dans des conditions de plus en plus difficiles. Si c’est un héros, alors c’est un bon personnage pour un film ! Florence se débrouille comme elle peut à l’intérieur du système, parce qu’elle croie en l’école de la République, laïque, gratuite et obligatoire. Dans un monde régi par l’argent, ce sont des valeurs simples qui me touchent. Je voulais une héroïne traversée de questions morales et secouée d’émotions, qui se prend les pieds dans le tapis et doit malgré tout assurer. Dans un décor clos qui raconte le monde…
Vous avez voulu faire un portrait de femme ?
Hélène Angel : Je ne me suis jamais dit les choses comme ça ! Bien sûr, devoir tout mener de front – travail et vie privée – comme le fait Florence, c’est très féminin et contemporain… Bien sûr montrer une femme qui pense son travail, qui y réflé- chit mais qui a plus de mal avec les questions maternelles et amoureuses, ça m’amuse davantage que de montrer l’inverse… Mais les questionnements de Florence sur la vie, sur ce qu’elle veut transmettre, c’est juste humain. Homme ou femme on est tous pareils. D’ailleurs, avant la rencontre avec Sara, quand je n’étais pas sûre de trouver mon actrice, j’étais sur le point d’aller chercher un acteur, de faire de Florence un homme… je n’ai jamais défini mon personnage par son genre, mais par son idéalisme !
Et puis Sara Forestier est arrivée…
Hélène Angel : Oui, et j’ai eu le coup de foudre. Sara, c’est un animal sauvage ! En tant que femme, elle n’est pas dans des rapports de séduction codés. En tant qu’actrice, elle ne « fabrique » pas. Elle vibre, elle a donné force et souffle au personnage. Sara a la foi, c’est une passionnée, donc c’est totalement Florence. Elle a quelque chose d’enfantin aussi dans sa manière d’être et de croire, comme dans ses grands yeux ronds. Et puis Sara apporte beaucoup de modernité, c’est vraiment une jeune femme d’aujourd’hui. C’est ce qui lui a plu, d’ailleurs, dans ce rôle, être davantage femme, sortir des rôles de jeune fille.
Questions à Sara Forestier
Qu’est ce qui vous a séduite dans ce scénario et ce personnage ? Sara Forestier :
J’y ai senti une grande vérité et j’ai beaucoup apprécié la dimension dramatique, en crescendo. J’aime quand il y a un souffle tragique dans une histoire quotidienne : j’ai retrouvé ce feu dans le scénario d’Hélène Angel. Cette maîtresse d’école est une vraie héroïne qui transcende le quotidien. A travers elle, le film aborde de multiples thèmes : la maternité, la femme au travail, et, bien entendu, l’enseignement, ce véritable sacerdoce. D’ailleurs, je l’ai dit tout de suite à Hélène : si je n’avais pas été actrice, j’aurais aimé être institutrice.
Deux métiers qui ont des points communs ?
Sara Forestier : Ce sont deux métiers de transmission, c’est une notion galvaudée, décriée dans notre société alors que le rapport entre les générations est vital. Tout le monde veut être pareil, au même niveau : une société horizontale. Il faut retrouver la verticalité : savoir hériter des anciens et transmettre à notre tour aux générations suivantes. Cela me plaît dans le métier de comédienne : être dans cette quête de transmission. Mais l’actrice, quand elle transmet un savoir ou une émotion, n’a pas de retour direct. Elle ne sait pas si le public a bien reçu les émotions qu’elle voulait lui transmettre. Une institutrice a un retour direct avec ses élèves. Sa transmission est beaucoup plus concrète. Elle est un maillon essentiel de la société.
Que vous a apporté Primaire ?
Sara Forestier : J’étais dans une période d’interrogation par rapport à ma carrière. Je cherchais une motivation pour retrouver le bonheur d’être actrice. Et Hélène me l’a offerte : jouer avec des enfants, et incarner ce personnage qui donne au lieu de prendre, comme notre société de surconsommation nous y invite trop souvent. Ce personnage, la beauté de son implication, de sa volonté de donner, m’a redonné la foi dans mon propre métier de transmission.
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Informations pratiques :
Sortie : le 04 janvier 2017
Durée : 1h45
Réalisateur : Hélène Angel
Avec : Sara Forestier, Vincent Elbaz, Patrick d’Assumçao, Guilaine Londez, Olivia Côte
Genre : Comédie dramatique
Le dossier pédagogique du film : Cliquez-ici