” Pourquoi j’ai pas mangé mon père ” Jamel Debbouze raconte ici son périple, d’acteur, de réalisateur, de scénariste, l’histoire d’une longue aventure humaine.
Comment a débuté l’aventure de ” Pourquoi j’ai pas mangé mon père “?
On m’a d’abord demandé de faire une voix sur un projet qui était déjà bien enclenché. J’ai imaginé deux ou trois phrases de dialogues qui ont fait rire et j’ai proposé quelques remarques sur la structure. Ils m‘ont proposé de travailler sur le scénario d’une adaptation du livre de Roy Lewis «Pourquoi j’ai mangé mon père». Je n’ai pratiquement rien gardé, excepté les personnages de Edouard et Vania en faisant d’eux des frères. J’ai également préservé l’univers et le ton du livre qui me plaisaient beaucoup. Après la voxographie, l’écriture, on m’a demandé finalement si je voulais réaliser le film. De fil en aiguille, cette aventure a été une vague de propositions qui m’a submergé. Ce n’est pas moi qui ai fait ce film, c’est ce film qui m’a fait. Entre le moment où je venais pour un simple doublage et aujourd’hui, il s’est passé sept ans. C’est la plus grande aventure de ma vie. Je n’ai jamais autant travaillé sur un projet, avec autant d’intensité et d’envie.
Quand aviez-vous lu le livre de Roy Lewis, à ce moment ou bien avant ?
Je l’avais lu quand j’étais à l’école, contraint et forcé. Mais le décalage entre la situation et le ton, c’est-à-dire que c’est vous et moi en singes, m’avait déjà beaucoup plu parce qu’il rendait l’histoire très accessible. En travaillant sur l’adaptation, j’ai décidé de ne pas rester collé à l’œuvre originale. J’avais vraiment envie de me l’approprier, d’incarner totalement cette histoire en y mettant ce que j’ai été et ce que je suis devenu.
Vous êtes Edouard, qui naît petit et qui le restera. Mordu par un animal, il va conserver de cette morsure un handicap au bras droit : difficile de faire plus dans l’incarnation dès les premières images pour présenter un personnage qui va très vite rire de ses malheurs… Puisque la performance capture avait été choisie comme technique de tournage et qu’elle restitue absolument tout, je savais que je ne pourrais tricher à aucun moment. Il fallait donc que ce soit moi tel que je suis dès l’écriture. J’y ai mis beaucoup de ma personne, tant sur la forme que sur le fond. Ce film n’est pas loin d’être une métaphore de mon existence.
Vous avez également travaillé sur le langage. Châtié et soutenu dans le livre, il est adapté à notre époque mais aussi à vous, avec vos vannes. C’était une nécessité ? La démarche est cohérente. Puisqu’il s’agit de moi, c’est comme ça que je vis, que je bouge, que je pense et que je parle. Il était très important de rester au plus proche de ma partition naturelle, c’est ainsi que je me trompe le moins.
Le changement de titre par rapport à l’original estil lié à une vision globale différente de l’histoire ?
On peut ne pas être d’accord, ce n’est pas grave, dit Edouard en substance. Mais lui, décide que manger son père est barbare et il est seul face à tous, comme j’ai pu l’être parfois. Maintenant, les défenseurs de l’évolution ont-ils toujours raison face aux autres ? Pas forcément. Regardez l’énergie atomique et la bombe, internet et ses dérives. Ce que je voulais raconter à travers Edouard c’est que, quoiqu’il en soit, nous devons faire l’effort d’être civilisés. Le respect, la politesse, la compréhension sont comme des muscles qui se travaillent. On devrait s’empêcher tous ensemble d’aller trop loin, au-delà de certaines limites, et décider ensemble du chemin à prendre. Les singes de mon histoire deviennent solidaires après la destruction de leur arbre, qui leur sert d’habitation. Faut-il vraiment attendre d’en arriver là ?
Edouard représente bien en tous cas « The Evolution Man » ( premier titre anglais du livre ), celui qui fait avancer l’espèce en découvrant la marche debout, en apprivoisant le feu.
Banni du groupe, il doit faire face. Il découvre malgré lui, par hasard, le feu, l’amitié, l’amour, mais pas seulement par hasard. Edouard est un optimiste qui invente aussi la musique et l’espoir. Son moteur c’est l’élan d’humanité. Il n’a pas d’a priori, ne juge pas, il reste positif en toutes circonstances parce qu’il est convaincu que la solution passe par l’homme et par la bonté.
Quels ont été pour vous les avantages de la performance capture ?
La possibilité de tourner quinze minutes sans s’arrêter – d’où le stress du disque dur- sans changements de lumières, sans repères à respecter, sans maquillage ou coiffure à rectifier. C’est une liberté incroyable puisqu’il n’y a aucune autre contrainte que le jeu.
Au casting du film, il y a également une journaliste. Qu’est-ce qui vous a décidé à choisir Mélissa Theuriau, votre épouse, pour tenir le rôle de Lucy ?
Rien n’a été prémédité. Au stade de l’écriture, j’échangeais beaucoup avec Mélissa. Elle lisait, je tenais compte de son point de vue féminin, elle me poussait dans mes retranchements, me forçant à creuser ma part de féminité, comme on dit. Parfois, nous nous mettions à jouer certaines scènes et petit à petit, dans ce ping-pong verbal, je me suis rendu compte que ça tapait fort de son côté, qu’elle renvoyait bien la balle et je prenais même quelques smashes. Bref qu’une actrice sommeillait en elle et que je venais de la réveiller. Je lui ai proposé de passer des essais. La production m’a immédiatement appelé après les essais: c’est bon, on a Lucy. Mélissa s’est emparé du rôle d’une manière remarquable. Elle est charmante et sauvage, on dirait la Belle et la Bête en une seule personne. C’est aussi elle qui fait sa voix avec ce léger accent brésilien. Finalement j’ai compris qu’elle avait toujours eu envie de jouer.
Et vous, humoriste, acteur, producteur, comment avez-vous vécu cette première expérience de réalisateur ?
J’ai kiffé d’une manière exponentielle, d’autant que j’étais entraîneur et joueur. Donner des directions aux acteurs, donner mon avis, communiquer ma sensibilité, faire des choix, j’ai l’impression d’avoir fait ça toute ma vie.
Il y a deux millions d’années, juste après le déjeuner, un jeune simien nommé Edouard (Jamel Debbouze) tombe de son arbre et se casse une patte de devant. Pour échapper à la mort, Edouard se redresse et invente la bipédie. Mais il est seul, au milieu des dangers de la savane. Pour convaincre les siens de venir le rejoindre, Edouard redouble d’ingéniosité et invente le feu, la chasse, l’habitat moderne, l’amour et…l’espoir.
Adapté de “Pourquoi j’ai mangé mon père” de Roy Lewis, paru dans les années 1960 en Angleterre, le livre s’est vendu à plus de 1,5 millions d’exemplaires en France et a été traduit en Italie, Espagne, Allemagne, Argentine, Brésil, Portugal, Danemark, dans tous les pays d’Europe de l’Est, etc.
Un film de et avec Jamel Debbouze, Mélissa Theuriau et Arié Elmaleh.
En salle le 8 avril 2015
Le site de “Pourquoi j’ai pas mangé mon père” :