PHOTO-ROMAN en mars à la Havas Gallery

Exposée pour la première fois lors de la semaine professionnelle des Rencontres de la photographie d’Arles en 2016, PHOTO-ROMAN s’installe dans la Havas Gallery à compter du 27 mars dans le cadre du Mois de la Photo du Grand Paris.

Mettre en images des mots résume assez bien la ligne directrice de cette collection qui présente 200 clichés dont l’ambition est de réaliser les photographies décrites dans des romans, des poésies ou des essais. Carte blanche a ainsi été donnée à des talents confirmés comme Les Guzman, Thierry Rajic, Jérôme Bonnet, Fulvio Bonavia, Luc Valigny, Anoush Abrar, Ronan Guillou…. ainsi qu’à de plus jeunes photographes comme Théo Gosselin, Paul Rousteau, Julien+Adrien, Akatre, Laura Bonnefous… qui ont imagé des descriptions de Charles Bukowski, Murakami, Charles Baudelaire, André Breton, Fédor Dostoievski Jean-Patrick Manchette, Jean Echenoz, Bret Easton Ellis, Georges Perec, Nathalie Rheims… soit une quarantaine de textes au total.

Après le cabinet de curiosités installé dans une remise de l’hôtel Nord-Pinus à Arles cet été, l’exposition – imaginée par Christophe Coffre, Président et Directeur de création de l’agence de publicité Havas Paris – investit cette fois le vaste espace aux dimensions exceptionnelles du groupe HAVAS. Cette curation d’un nouveau genre explorera les formats XXL ainsi que les supports numériques et vidéos pour offrir une expérience de l’image originale.

Table tactile, écran géant de 22m2, tirages de plus de 10m2 seront autant de formats réjouissants qui mettront en lumière le travail des 150 photographes d’horizons divers (reportage, publicité, street photography, mode, nature morte…) séduits par le projet. PHOTO-ROMAN est prolongée d’une expression vidéo. Trois acteurs de renom, Edouard Baer, Olivia Bonamy et Stéphane Freiss ont prêté leur voix à une série de modules (54×1’ ou 1×45’’) mêlant photographies, voix et sound design.

SÉRIE CHARLES BUKOWSKI
Un carnet taché de vin (1944-1990)
« L’une des photos l’avait achevée, celle où Nina, complètement déloquée, ses cheveux, sauvages et écarlates, coiffés en arrière, son visage tourné vers le plafond, et ses bras écartés, pissait partout. Plutôt stimulante comme photo en vérité, et même très stimulante. »

SÉRIE EDMOND ET JULES DE GONCOURT
« Journal »
« 15 novembre 1961 […] – Parfois, je pense qu’il viendra un jour, où les peuples modernes jouiront d’un dieu à l’américaine, d’un dieu qui aura été humainement, et sur lequel il y aura des témoignages de petits journaux : lequel dieu figurera dans les églises, son image non plus élastique et au gré de l’imagination des peintres, non plus flottante sur le voile de Véronique, mais arrêtée dans un portrait en photographie… Oui, je me figure un dieu en photographie et qui portera des lunettes. »

SÉRIE JEAN ECHENOZ
Envoyée spéciale (2016)
« La petite [enveloppe] contient en effet une petite photographie de Constance, la grande une grosse demande d’argent. Constance a l’air surprise sur la photo, elle esquisse un sourire incongru, son œil gauche est à demi fermé. […] La photo de Constance avait été prise juste après l’injecton de propofol, à l’arrière de l’utilitaire multi-services après qu’on l’eut garé dans un parking souterrain de l’avenue Foch. L’abaissement de la paupière gauche avant que le sujet perde conscience est un effet secondaire de cet anesthésique usuel, à brève durée d’action, la récupération rapide dudit sujet étant un autre effet. »

SÉRIE NICK HORNBY
« Funny Girl » (2014)
« Il était assis à sa table, en train de passer en revue une énorme pile de photos d’agence, représentant toutes de jolies jeunes filles pleines d’espoir.

“Elle est mignonne, dit Sophie en pointant du doigt le portrait qu’il venait d’éliminer.
– Je suis un mari comblé, répondit-il, sur la défensive.
– Je sais. Je disais ça comme ça. Elle pourrait vous rapporter de l’argent.”

Il reprit la photo, l’examina et fronça le nez.

“Qu’est-ce qui cloche, chez elle ? Elle a l’air d’avoir de l’esprit.” »

SÉRIE RYÛ MURAKAMI

Les Bébés de la consigne automatique (1980)
Cette photo de lui avait été prise par la police, cette veille de Noël où il avait tué sa mère, il s’en souvenait : ils l’avaient pris en photo après l’avoir traîné au commissariat, il hurlait, ne me touchez pas ! Laissez-moi tranquille ! Il s’était traîné par terre en pleurant, gémissant pardon, pardon des centaines de fois. Il avait vraiment une tête horrible sur cette photo. Des yeux pleins de larmes au regard vide, des lèvres molles, entrouvertes, entre lesquelles on voyait les dents. « Pitoyable, ta tête », murmura-t-il à la photo.

[…]. Hashi, lui, regardait une affiche à demi déchirée encore collée sous l’inscription « Programme de la semaine prochaine », ainsi qu’un paquet de photos de publicité du film, qui avait glissé dans un interstice du mur. […] Les photos représentaient un étranger brandissant un revolver, une femme blonde ensanglantée allongée par terre, un baiser en gros plan, deux silhouettes de femmes à cheval dans le soleil couchant. Hashi les regarda avec attention en essuyant le sable collé dessus. S’il n’essuyait pas tout doucement le sable avec un pan de sa chemise, les photos risquaient de se déchirer. Il y avait aussi dans le paquet une photo de femme nue, qu’il essaya de glisser dans sa poche, mais ce faisant, elle se déchira.