Le Musée Guggenheim Bilbao présente “Oeuvres choisies” de la Collection du Musée Guggenheim Bilbao III , troisième édition d’un cycle qui, jusqu’en 2013, a pour but de montrer au public un choix d’oeuvres appartenant au Musée, mises en contexte autour d’une thématique de façon à permettre aux visiteurs d’avoir une vision d’ensemble de la collection.
Sélectionnées par Álvaro Rodríguez Fominaya, conservateur du musée Solomon R. Guggenheim de New York, les pièces représentent le legs d’artistes essentiels du mouvement Pop, ainsi que de créateurs proches, conceptuellement ou biographiquement, de cette branche historique de l’art contemporain. Par ailleurs, l’exposition souligne combien est ardue toute tentative de définir les caractéristiques fondamentales de l’art Pop à partir de plusieurs travaux qui brouillent les limites de ce mouvement.
Enfin, une série de créations vidéo et cinématographiques provenant d’autres collections et complétant certains travaux exposés, aidera le visiteur à appréhender la complexité de la démarche artistique de ces créateurs, bien au-delà du support pictural.
La présentation débute salle 103 avec les onze grands formats d’Alex Katz (Brooklyn, New York, 1927) qui composent sa série Sourires (Smiles , 1994), montrés pour la première fois ici depuis leur récente incorporation à la Collection.
Fils d’immigrants russes, Alex Katz est l’un des peintres les plus talentueux de sa génération. Il s’agit d’un ensemble de onze portraits féminins souriants sur un fond sombre et neutre, traités dans son style habituel, qui évite les volumes. Pour certaines des toiles du cycle, Katz utilise des modèles inconnues de son environnement le plus proche, comme sa femme Ada ou ses amies ; dans d’autres, on peut facilement y reconnaître des personnages célèbres habitués à être regardés par des spectateurs fascinés, comme l’actrice américaine Lauren Hutton. Bien que le nom de ces femmes apparaisse dans l’intitulé des pièces, Katz ne prétend pas, avec ces portraits, fouiller leur personnalité mais plutôt réaliser une réflexion plus approfondie sur la nature de la représentation et la perception des images. En reprenant chaque fois la même composition — figure et fond neutre — et la même expression — un sourire —, l’artiste attire notre attention, au-delà du sujet concret, sur l’expérimentation picturale autour de la figuration. OEuvres choisies de la Collection du Musée Guggenheim Bilbao III se poursuit salle 105 avec une sélection de pièces de Jean-Michel Basquiat, Gilbert & George, Sigmar Polke, Robert Rauschenberg et Andy Warhol. L’artiste américain qui a popularisé le graffiti Jean Michel Basquiat (Brooklyn, New York, 1960) est présent dans cet accrochage avec deux pièces clés pour comprendre le développement de sa peinture au cours des années quatre-vingt. Basquiat les a créées à un moment particulièrement important de sa trajectoire : après sa découverte comme artiste et avant que ne commence son époque de grande productivité. Moïse et les Égyptiens (Moses and the Egyptians , 1982) est une oeuvre qui renvoie à l’épisode biblique mais qui fait aussi allusion à l’histoire de l’Afrique. On peut y distinguer au centre de la composition le profil de Moïse, suggéré par quelques lignes blanches qui semblent surgies d’un élan instantané sans aucune préméditation. Cette même couleur non seulement enveloppe les gigantesques tables de la loi, mais aussi dégouline autour du profil du prophète sous forme d’expressives gouttes et de coulures de peinture.
L’humour, l’ironie et le primitivisme caractérisent L’Homme de Naples (Man from Naples , 1982), une toile pleine de force dont le titre reprend une phrase écrite sur la tête d’un âne de couleur rouge qui, entouré d’innombrables inscriptions, taches de couleurs, rayures et signes élémentaires, domine la composition comme une sorte d’image totémique.
En 1967, les Britanniques Gilbert & George (Dolomites, Italie, 1943 et Devon, Angleterre, 1942), deux artistes multidisciplinaires internationalement consacrés, se rencontrent et commencent à travailler et à vivre ensemble dans une fusion d’identités qui fait qu’il est impossible de penser à l’un sans penser à l’autre. Et ce d’autant plus qu’eux-mêmes ne font aucune distinction entre leur vie et leur art puisqu’ils sont leurs propres oeuvres d’art.
Au milieu des années soixante-dix, ils adoptent pour leurs créations photographiques le quadrillage, évocateur du premier art moderne, une pratique qui reste en vigueur dans leur travail actuel. Ce n’est qu’au début des années quatre-vingt qu’ils commencent à saturer leurs collages photographiques de couleurs criardes, s’inscrivant ainsi joyeusement dans la tradition des vitraux d’église. Dans le monumental Éveil (Waking, 1984), les artistes occupent le centre d’une image composée de figures de couleurs intenses, disposées symétriquement. Leurs visages sont des masques qui semblent exprimer toute l’horreur d’une angoisse existentielle : le passage de la jeunesse à l’âge mûr suggéré dans la répétition de leur figure dans trois échelles différentes.
Dans les années soixante-dix, le peintre et photographe allemand Sigmar Polke (Oels, Basse Silésie, actuellement Olesnica, Pologne, 1941), qui au cours de quarante ans a construit une oeuvre extrêmement complexe qui aura contribué à donner forme à l’art de son époque, réalise une série de photographies et de films à l’occasion d’une succession de voyages en Afghanistan, Brésil, France, Pakistan et États-Unis, clichés qu’il reprendra dans son travail des années quatre-vingt. À partir de l’utilisation de matériaux divers comme les tissus synthétiques transparents, les laques colorées et les produits chimiques hydrosensibles mélangés à la peinture, Polke commence à s’affranchir délibérément des règles picturales et à contester leur validité comme moyen de représenter la vie contemporaine. Nous avons ici un exemple de cette démarche avec L’Érection matinale de Kathreiner (Kathereiners Morgenlatte, 1969–79), où nous voyons un fade intérieur domestique sur des échantillons de tissus imprimés et d’images extraites des médias, métaphore formelle de la complexe superposition d’idées que nous trouvons dans le style postmoderne.
Robert Rauschenberg (Port-Arthur, Texas, 1925), est considéré comme le précurseur de pratiquement tout le mouvement artistique américain d’après-guerre à partir de l’Expressionnisme abstrait. En 1962, après avoir visité l’atelier d’Andy Warhol et vu les possibilités offertes par les sérigraphies commerciales, il commence à incorporer dans ses toiles des images réelles issues de ses propres photographies ou tirées de divers médias. Barge (Barge, 1962–63), une toile de presque dix mètres de large, est la plus grande des peintures sérigraphiées de l’artiste. Cette pièce monumentale en noir, blanc et gris répertorie un grand nombre de thèmes et d’images que Rauschenberg a abondamment repris dans ses 79 toiles sérigraphiées, comme le milieu urbain, l’exploration de l’espace, les moyens de transport et les chefs-d’oeuvre de l’histoire de l’art.
Ce travail est assortie d’un audiovisuel avec cinq performances exécutées par l’artiste entre 1963 et 1966 : Pélican (Pelican, 1963), Salle des cartes II (Map Room II ,1965), Entraînement de printemps (Spring Training, 1965), Linoléum (Linoleum, 1966) et Score ouvert (Open Score, 1966) dans lesquelles il explore divers médiums comme la danse, la technologie et l’improvisation. Après avoir abandonné son travail de peintre publicitaire à New York en 1960, James Rosenquist (Grand Forks, Dakota du Nord, 1933), considéré comme l’un des hérauts du Pop Art, incorpore à son oeuvre artistique nombre des techniques propres à la peinture de panneaux publicitaires. Fragmentant et recomposant les images publicitaires, utilisant de la peinture commerciale et travaillant à grande échelle, il s’oppose ainsi à l’Expressionnisme abstrait dominant. Tout le long de sa carrière, Rosenquist n’a cessé d’exprimer sa fascination pour les avancées technologiques et les explorations scientifiques en rapport avec l’espace et le cosmos. L’enthousiasme des premières explorations spatiales américaines le pousse à peindre Capsule flamant (Flamingo Capsule, 1970), dédiée aux trois astronautes morts dans l’incendie fortuit de l’Apollo I au cours d’une séance d’entraînement en 1967. La composition de 26 mètres suggère un « incendie dans un espace confiné » et des « objets flottant dans tout le vaisseau ». Sur un fond de rouges et de jaunes, on peut distinguer le tissu métallique froissé d’un uniforme marqué du drapeau américain, une poche de nourriture tordue et déformée et des ballons flottant dans l’air en formant un arc. Cette toile continue à être considérée par beaucoup comme une pièce anti-guerre. Considéré comme la grande figure fondatrice de l’art Pop, Andy Warhol (Pittsburgh, Pennsylvanie, 1928) reprend à son compte la culture de masse de son époque, par exemple en recourant le premier à la sérigraphie, une technique de reproduction mécanique, pour composer ses oeuvres à partir d’images imprimées prélevées dans les journaux, la publicité et les annonces. Un des grands formats de cette série, Cent cinquante Marilyn multicolores (One Hundred and Fifty Multicolored Marilyns , 1979), avec ses approximativement dix mètres de large, représente l’un des personnages célèbres les plus connus de l’artiste. Marilyn Monroe apparaît pour la première fois dans le travail de Warhol en 1962, année de la mort de l’actrice, dans de nombreuses peintures sérigraphiées qui reprennent la même photographie de la jeune et infortunée star, avec ses lèvres ouvertes et ses yeux aux lourdes paupières pleins de séduction, dans différentes configurations. La répétition constante de son visage dans l’oeuvre de l’artiste exprime très clairement le potentiel de la sérigraphie pour reproduire à l’infini cette image ou n’importe quelle autre. En même temps, l’inversion des images leur donne un caractère fantomatique et évocateur. Il flotte dans cette peinture une sensation de rétrospection caractéristique d’une grande part des créations tardives de l’artiste, de ses peintures inspirées de l’ombre à ses autoportraits et têtes de mort. A la même époque où il produit sa première Marilyn, Warhol se lance dans les Bouts d’essai (Screen Tests), une série de films en 16 millimètres d’une durée d’environ trois minutes chacun. Ici sont montrés douze de ces portraits en mouvement, réalisés entre 1964 et 1966, de personnages familiers de la Factory de Warhol comme Edie Sedgwick, Ultra-violet ou Nico, d’écrivains et musiciens de l’envergure de John Cale, Lou Reed ou Susan Sontag, d’artistes comme James Rosenquist ou Niki de Saint-Phalle, ou de l’acteur Dennis Hopper.
Une vision complète et unique d’un mouvement fondamental dans l’évolution de l’histoire de l’art, mais aussi essentiel dans la construction de la Collection du Musée Guggenheim Bilbao, qui comporte actuellement 124 oeuvres de 70 artistes.
- Date d’inauguration : 20 novembre 2012
Guggenheim Bilbao
- Avenida Abandoibarra, 2
- 48001 Bilbao
- www.guggenheim-bilbao.es/fr/