approchant, c’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir des lieux méconnus et donc de se souvenir de la demeure d’Alexandre Dumas. « Le Monte Christo », château faussement renaissance, avait été construit à la fin du XIXe siècle, en 1844 par l’architecte Hyppolite Durand à la demande du célèbre écrivain, au faîte de sa gloire, et qui voulait s’éloigner du tumulte de la ville et posséder un « paradis terrestre ».
Balzac en disait « Monte-Cristo ? “C’est la plus royale bonbonnière qui existe » ! Au-dessus de l’entrée, le portrait d’Alexandre Dumas. Plus haut, sa devise, “J’aime qui m’aime“. Sur les clochetons, ses initiales. Sculpté dans les façades, au milieu d’une profusion merveilleuse d’oiseaux, de végétaux, d’armes ou d’instruments, son panthéon: les visages de Chateaubriand, Virgile ou encore Dante. Et, gravés dans la pierre rose du Château d’If, les titres de ses romans.
Le domaine était idyllique. S’élevant sur les bords de Seine, l’écrivain au sommet de sa gloire y jouissait d’un parc foisonnant de ruisseaux, de grottes artificielles… L’éminent historiographe d’Alexandre Dumas, Claude Schopp, le qualifie d’ailleurs de «Panthéon du romantisme». Or, aujourd’hui le romantisme du château n’est plus que souvenir…Menacé par l’humidité et l’usure, il souffre de délabrement. Le toit se fissure, «il pleut à l’intérieur par endroits en cas de fortes pluies!», déclare la directrice des lieux, Frédérique Lurol. Il faut réparer les vitraux, les canalisations. Et surtout installer un système de drainage dans ce terrain gorgé d’eau, car l’humidité tue le château peu à peu: boiseries gonflées, peintures craquelées… Face au château Monte Cristo, dans le célèbre Castel gothique entouré d’eau, appelé «Chateau d’If», les fuites se multiplient, les lambrequins sont moisis… L’ancien cabinet de travail d’Alexandre Dumas nécessite une entière rénovation. Dans les trois hectares de jardins à l’anglaise, tout le système de fontainerie est à revoir.
Ces nouveaux travaux sont estimés à 921.000 euros. La moitié de cette somme environ est acquise, sous forme de subventions publiques. Pour le reste, le syndicat intercommunal qui gère le domaine a ouvert, en février, une souscription publique auprès de la Fondation du patrimoine, celle-ci ayant lancé un appel au don. Si elle rapporte au moins 5% du montant des travaux, la fondation apportera des aides complémentaires – mais, en sept mois, seuls 17 576 euros ont été récoltés. Il faudrait environ 70 000 euros de plus. Sinon, le syndicat devra s’endetter. Quelque 21 000 visiteurs ont admiré l’an dernier les façades de Monte-Cristo, son salon mauresque et le castel, classés monument historique. La vue sur la Seine dont jouissait Dumas est, elle, bouchée depuis longtemps.
Même du temps de Dumas, l’entretien de ce château s’était avéré si cher que, ruiné, il avait dû le vendre. Son délabrement ne date pas d’aujourd’hui ; déjà en 1970, le château Monte-Cristo, alors propriété d’une société immobilière et très dégradé, avait échappé de peu à la démolition Isabelle Safa, secrétaire générale de la Société des amis d’Alexandre Dumas raconte Monte-Cristo : On y trouvait toute une “ménagerie humaine et animale”, amis et admirateurs côtoyaient chiens, poissons, singes, perroquets, chevaux – Athos, Porthos, Aramis – et même Diogène, un vautour. On y croisait aussi de nombreux “parasites” venus chercher couvert et frisson mondain chez Dumas, lui qui disait laisser sur sa cheminée une coupelle remplie d’argent, relate Frédérique Lurol. Mais aussi des conquêtes: Dumas, qui “ne savait pas quitter une femme”, pouvait entretenir “plusieurs liaisons en même temps”.
Trop généreux, trop aventurier, Dumas est incapable d’épargner. Un véritable “panier percé”, décrit Isabelle Safa. En 1849, ruiné, il se résigne à vendre Monte-Cristo à un prête-nom pour une somme dérisoire. Il mourra vingt ans plus tard chez son fils, bien loin de son “paradis terrestre » aujourd’hui aux portes de l’abime…