Après Winnipeg, avant Séville et Providence, Manuel Ocampo nous fait découvrir Manille, ses artistes et ses paysages. Manille est une de ces mégapoles inhumaines qui ponctuent notre planète du XXIe siècle, un mélange improbable d’architecture imposante de verre et d’acier et de cabanes favélas, patchwork de tous les matériaux du monde. Manille abrite cet urbanisme sauvage fabriqué à la main avec les moyens du bord et qui est le plus universel des modes d’habitation. Elle est la cité qui se moque de notre imaginaire et de nos fantasmes, plus forte encore que nos rêves ou nos cauchemars les plus inouïs.
Manuel Ocampo est un artiste unique en son genre, comme on en rencontre rarement dans une vie. Son oeuvre « mêle » traditions religieuses coloniales, peinture figurative naïve et surréaliste, punk hardcore californien et tous les classiques européens de l’expressionnisme à toutes les figurations, son univers va bien au-delà de sa propre stratégie de carrière. Il aurait pu rester en Californie où il avait passé sa jeunesse dans une famille d’immigrés philippins, et travailler pour les plus grandes galeries nord-américaines, mais, fort de son succès, il préféra rentrer à Manille. Ainsi il s’attacha non seulement à construire une oeuvre forte et complexe qu’il diffuse à travers le monde, mais aussi à inventer et gérer des galeries et des espaces pouvant accueillir la création contemporaine des Philippines.
Une vision commune est née rapidement de notre rencontre. Nous partageons implicitement cette idée que l’artiste est aussi un activiste, qui ne doit pas vivre seul entouré de ses oeuvres, mais rendre réelles ses intuitions, ses émotions et ses engagements. Le Miam trace des lignes à travers le monde, tricotant les mêmes valeurs, ce même désir d’expérimenter, de vaincre la sclérose. Cette structure hors du commun créée il y a 13 ans semblait faite pour l’accueillir.
Dans l’exposition Manila Vice, des productions témoins du génie populaire de ces îles au carrefour du nouveau monde, ont été sélectionnées avec passion et dialoguent avec les oeuvres de 23 artistes philippins invités, ces oeuvres sont mises en scène par Manuel Ocampo spécialement pour le MIAM.
Nous sommes particulièrement fiers de montrer pour la toute première fois en France des oeuvres proprement époustouflantes, dont la fulgurance contraste avec l’apparente fragilité des jeunes artistes que j’ai rencontrés, des oeuvres pleines d’un humour noir désespéré, débordant de matières foudroyantes. L’artiste n’est pas un commissaire comme les autres, il nous montre ici ce qu’il aime et défend, mais surtout il nous offre son biotope intellectuel, esthétique, les oeuvres qui l’ont marqué et celles qu’il a initiées ! Le MIAM est le lieu pour ce type d’expériences, pour provoquer des rencontres jamais imaginées ailleurs, pour accueillir des artistes inconnus ici, pour oublier le temps d’une exposition les règles du marché et des Institutions et tenter de combattre la routine qui s’empare régulièrement de l’art contemporain.
Au MIAM, l’artiste est au centre du projet, il peut s’emparer de tous les rôles. Il peut concevoir, organiser, monter des expositions, réussir ou se tromper.
Avec l’intention de fédérer et de travailler en collaboration avec d’autres énergies, le MIAM s’est associé à Numa Hambursin et François Bebing pour qu’une exposition personnelle de Manuel Ocampo soit visible au même moment au Carré Sainte-Anne de Montpellier.
Embarquement immédiat pour Manille et ses images qui vont vous stupéfier ou vous déconcerter et en tout cas qui ne vous laisseront pas indifférentes.
Hervé DiRosa, février 2013
« Manille est la capitale des Philippines, un pays aux multiples crises identitaires en raison de sa longue histoire coloniale et de sa composition géographique. Divisée en sept mille îles, son éloignement du reste du monde en fait un lieu de villégiature idéal qui permet de vivre des aventures à moindre coût dans un environnement cosmopolite à l’apparence luxueuse. Tout cela favorise une fluidité globale et les échanges qui en découlent créent un concept de post-modernisme dans la capitale.
Manille est ainsi devenue le centre nerveux des activités culturelles des Philippines qui se développe sous le radar de contrôle des normes occidentales. À l’image de la vie ordinaire, les artistes filipinos pratiquent diverses disciplines qui leur permettent de préserver et de faire progresser ce qu’ils revendiquent dans une chaîne économique sur le fil du rasoir. Ainsi, il n’est pas surprenant de voir un artiste assumer de multiples tâches au-delà de ses pures compétences artistiques et devenir un créateur singulier qui établit des alliances avec des marchés officiels et flirte avec des marchés officieux. Ce sont couramment les opérations d’un soir, les opérations éphémères, un trafic à la marge … C’est la vie s’exprimant à la lisière des possibilités créatives de chacun. L’artiste doit donc savoir faire plusieurs choses simultanément, un peintre sera également vidéaste, galeriste, rédacteur, commissaire d’exposition, agent commercial, enseignant, etc …. Ces changements de rôles et cette polyvalence correspondent aussi au manque d’identité unificatrice qui est le drame de tout Philippin, ils sont comme le reflet de la nature fracturée de leur patrie.
Manila Vice rassemble les artistes contemporains qui reflètent la diversité d’une approche artistique forcément subjective en réaction aux changements matériels et culturels en constante évolution qui circulent selon les aspirations du pouvoir en place. »
- Exposition du 13 avril au 22 septembre 2013
MIAM Musée International des Arts Modestes
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