Pour sa rentrée de septembre 2012, la galerie Sit Down met à l’honneur la jeune création en accueillant pour la deuxième fois Nicolas Daubanes et Pablo Garcia. A 29 ans, les deux artistes ont déjà un parcours riche d’expositions et une reconnaissance de la profession qui ne cesse de s’affirmer.
Chacun à sa manière interroge la mémoire que ce soit à travers les événements de l’Histoire récente ou les faits sociétaux. A la galerie Sit Down, Nicolas Daubanes poursuit ses réflexions sur l’enfermement à travers la thématique de la prison tandis que Pablo Garcia oriente son regard sur les champs de bataille. Et, pour les deux, c’est à partir de photographies qu’ils choisissent de réinterpréter en dessin leur sujet.
Le silence n’est pas un oubli, référence à une chanson du rappeur Booba, résonne dans sa dimension poétique comme une revendication voire un acte politique. Chez Nicolas Daubanes, le silence, c’est le secret à préserver, l’absence de sons et de paroles pour ne pas trahir les plans d’évasion du détenu. Seul l’esprit reste en activité pour laisser retentir les mots d’une liberté à retrouver. Pour les oeuvres de Pablo Garcia, le silence, c’est le recueillement, le souvenir du drame passé. Une introspection pour ne pas oublier.
Nicolas Daubanes (1983) vit et travaille à Perpignan
Pour cette exposition, l’artiste alterne deux propositions de séries dont celle inédite sur les portraits des évadés célèbres. L’architecture carcérale, et plus particulièrement le panoptique, reste un leitmotiv et une source d’inspiration pour l’artiste qui présente, ici, des vues de la prison Kilmainham Gaol à Dublin. « Voir sans être vu » tel est l’objectif du panoptique préconisé au XVIIIe siècle par le philosophe Jérémy Bentham. Comme un contrepied à cette théorie de la surveillance, l’artiste réalise des portraits de prisonniers comme ceux de Jacques Mesrine et d’Antonio Ferrarra qui se sont enfuis de façon spectaculaire.
Pour ses dessins, Nicolas Daubanes a mis au point une technique particulière avec de la limaille de fer. Ainsi, il explique : « La limaille de fer (…) renvoie aux barreaux des prisons, mais aussi aux limes qui permettent l’évasion. Cette matière fine et dangereuse pour l’oeil se dépose par aimantation tandis que le moindre souffle peut faire disparaitre le dessin. Ce qui apparaît est fragile, il faut en prendre soin et savoir que tout est éphémère. »
Pablo Garcia (1983) vit et travaille à Montpellier
L’artiste expose pour la première fois cette série de gouaches intitulée « Paysages d’événements ». Après son voyage en Europe pour photographier les camps de concentration, Pablo Garcia a entamé un autre périple, celui de se rendre sur les zones de conflits. Des plages du débarquement de Normandie à Verdun, il saisit ces paysages transformés par les guerres passées. C’est à partir de ses propres clichés que l’artiste cadre son véritable sujet : les sols martelés par des obus. De cette façon, l’artiste crée un certain trouble dans la perception de ses images. En effet, il ne reproduit pas de paysages mais en recompose d’autres avec les trames induits par le cadrage. Pablo Garcia plonge ainsi son regard dans les entrailles de la terre pour en restituer les cicatrices impalpables des combats. Christine Blanchet. Historienne de l’Art
Nicolas Daubanes
« Je réalise des dessins avec de la limaille de fer. Je considère cet état de matière comme le symbole des traces d’une évasion : en limant les barreaux de la cellule, nous partirons les mains recouvertes de limaille.
Ces dessins représenteront des plans ou des vues intérieures de prisons utopiques, imaginaires. Les différentes étapes de réalisation de ce projet doivent être soigneusement suivies : le motif choisi doit être, dans un premier temps, découpé dans une feuille « magnétique » puis disposé sur une plaque. Ce n’est qu’après le dépôt d’une feuille de papier blanc sur le dessin en « découpe » dans la feuille « magnétique », que l’on peut répartir la limaille. Cette « poudre » vient alors se plaquer uniquement sur les surfaces de papier en relation avec les parties magnétisées.
Une fois mis à la verticale, le spectateur ne perçoit qu’une surface de papier sur laquelle un nuage de poussière ferreuse vient dessiner un tracé, une forme. Ce nuage peut être plus ou moins épais, plus ou moins épars suivant le mode d’application. L’aimantation pose le dessin en suspension, lorsque la feuille est séparée des aimants ce dernier disparaît, la poudre de métal tombe en ne laissant aucune trace sur le papier. De ce fait le dessin est par nature éphémère, comme si le motif représenté ne devait être visible qu’un temps donné. De plus l’aimantation se perd de quelques «pour cent» par ans, ce qui laisse pense que le dessin disparaitra dans plusieurs dizaines d’années, en laissant un dépot de poudre en bas du cadre.
Lorsqu’un détenu planifie son évasion, son projet doit rester uniquement dans son esprit pour demeurer totalement clandestin, aucune inscription ou gravure ne lui sont permises. Mon mode de représentation doit être en corrélation avec cet impératif. » ND
Pablo Garcia
« Mon travail se trouve à la rencontre d’une préoccupation pour l’utilisation de la mémoire d’événements historiques et d’un questionnement sur les utopies sociales et leurs mises en place. Ma démarche plastique consiste essentiellement à prélever des éléments du monde qui m’entoure. Je les fais dialoguer avec des dispositifs de monstration, et tente d’amener le spectateur à porter un regard autre sur son propre monde.
Une grande partie de ces dispositifs sont orientés vers une implication physique du regardeur : les images produites sont difficilement visibles ou lisibles au premier abord. J’ajoute aussi très souvent une composante temporelle à la révélation de mes images. L’origine de ces prélèvements naît de rencontres avec des lieux, des oeuvres, des livres… Je me pose en observateur à l’affût. Depuis peu, j’ai élargi cette idée de ponction à une mise en commun, confrontation de différents points de vue de collaborateurs de différents horizons dans des dispositifs évolutifs de diffusion de savoir. » P.G.
- Exposition du 8 septembre au 3 novembre 2012
SITDOWN – 4, rue sainte-anastase 75003 Paris