L’exposition qui a pris place le 29 avril 2015 au Centre Pompidou propose de découvrir trois cents oeuvres consacrées à l’artiste « Le Corbusier ». Commémorant le cinquantenaire de sa disparition , cette exposition-événement entend éclairer le public sur la complexité et la richesse de son œuvre, sur sa pensée et son humanisme.
Architecte reconnu, Le Corbusier demeure néanmoins assez méconnu quant à ses talents de peintre et de sculpteur qui font pourtant forte impression sur les visiteurs qui, interrogés à la sortie du musée par l’équipe d’ « artsixmic », sont enthousiastes et unanimes : l’exposition est géniale !
Marie, 50 ans, qui a déjà visité la fondation Le Corbusier est impressionnée :
« Extraordinaire ! Très très riche ! Pleins de découvertes, on le connaît en tant qu’architecte mais pas en tant que peintre, et ça c’est une vrai découverte, parce que toute la première partie parle de ça. Ses oeuvres font penser à celles de Picasso. Donc ça fait des renvois sur tous les autres mouvements de l’époque, c’est passionnant. J’ai fait la fondation le Corbusier auparavant, mais je redécouvre l’artiste. Je reste très surprise, parce que c’est très complet ! Je suis ravie, je la conseille ! »
André, 60 ans, amateur d’art, qui pensait connaître le Corbusier sort du centre Pompidou, bluffé par la rétrospective :
« C’était vraiment bien et très impressionnant ! C’est incroyable toutes les choses qu’on peut y voir ! On apprend que l’artiste est très polyvalent, et est vraiment doué dans toutes les formes d’art ! »…
Pas étonnant donc, que le visiteur soit invité à entamer l’exposition avec les peintures de Le Corbusier et son attrait pour le minimalisme. On y découvre un vrai peintre, qui joue sur l’espace, la lumière, l’intensité dans ses compositions. Dans sa période « minimaliste » le Corbusier aime peindre des objets du quotidien aux formes simples : des pipes, des verres, des carafes, des bouteilles de vin, des guitares. Il représente et décline à l’infini ces objets aux couleurs briques , supprime les lignes, la notion de profondeur, préférant jouer sur les ombres, la transparence, les reflets et la géométrie.
Sa période puriste, qui débute en 1923, est intitulée « 15 années de travail silencieux ». Cette fois, ce sont des natures mortes que le Corbusier reproduit, toujours agrémentées d’objets de la vie courante. Ces natures mortes sont pour lui un prétexte lui permettant de travailler les couleurs et la géométrie. Un travail minutieux, où il façonne des teintes aux tons pastels qui s’imbriquent parfaitement les unes aux autres. Ces reproductions sont presque identiques, elles ont toutes un esprit industriel, mécanique, scientifique. Dans une démarche obsessionnelle, il n’opère que d’infimes changements d’une toile à l’autre jusqu’à obtenir une harmonie parfaite.
En 1911, lors d’un voyage en Orient, le Corbusier est frappé par la perfection du Parthénon. Ce monument deviendra une référence majeure dans son oeuvre dont on perçoit l’influence sur son travail.
Vient ensuite, « l’esprit nouveau ».
Ici, les débuts de l’architecte sont mis en avant.
Le Corbusier va créer beaucoup de maquettes, et débuter une réelle réflexion sur l’habitat dont l’ idéal, pour lui, a pour principe de concentrer beaucoup d’appartements sur une très petite surface. Il se met alors à créer des « villes contemporaines » à l’heure de la mécanisation et de l’exode rural, choquant une grande partie de la population.
A l’époque, les moins septiques accepteront cette évolution architecturale. Quant aux autres, le Corbusier aiment leurs répondre et se justifier de ses choix en expliquant que « c’est dans la hauteur que réside la solution à la concentration urbaine ». Il crée le concept d’ « immeubles-villas » une nouvelle formule d’habitation des grandes villes et s’amuse avec son cousin Pierre Jeanneret, lui aussi architecte, à proposer « un idéal » , un esprit nouveau, à la limite du cubisme.
Le Corbusier va également penser des « espaces privés » et créer des immeubles où le confort sera égal à celui d’une villa bourgeoise. Les façades de ses immeubles seront colorées. Il dira que ses villas sont « Limpides claires et souriantes ». A partir de cette époque, il deviendra le symbole international de l’architecture moderne.
L’époque la plus surprenante de son oeuvre est intitulée « La figuration des corps ».
Ici, les oeuvres rappellent celles de Pablo Picasso.
Les couleurs changent, elles sont à l’opposé de celles qu’il affectionnait pendant sa période puriste. Ici, du rouge, du vert, du jaune, des couleurs chatoyantes, le corps des femmes aux courbes rondes viennent égayer ses toiles.
Une référence universelle en matière de déco
La cellule d’habitation pensée par Le Corbusier est petite mais pratique car à l’échelle humaine ; dans une démarche semblable, le mobilier qu’il va créer sera flexible afin de suivre les mouvements du corps.
Le mobilier de Le Corbusier est un mobilier sobre et standard opposé à l’ornementation art déco des années 20, alors à la mode. Il est ergonomique, s’adapte parfaitement aux manières de se mouvoir. Les matières sont nobles, sobres, tout confort. Ses objets deviennent alors des classiques et aujourd’hui encore, le Corbusier est copié par les designers. Ses casiers, ses rangements, ses chaises, ses fauteuils, ses tables et lits sont des intemporels qui, semble-il, ne se démoderont jamais. Tous ces meubles sont faits de pièces en métal tubulaire. Coup de coeur pour le prototype de la table LC7.
C’est dans la salle suivante intitulée « Le Modulor » que le public saisi toute l’œuvre du maître à travers la notion de proportion humaine. Ici, on comprend que le corps humain s’impose comme un principe universel définissant toutes les dimensions de l’architecture et de la composition spatiale.
Au cœur de l’exposition, la salle consacrée au Modulor présente près d’une cinquantaine de dessins ainsi que des objets. En 1944, Le Corbusier crée le « Modulor » un instrument métrique, une mesure purement abstraite organisant l’architecture selon une rationalité géométrique. Le modulor est donc un système de mesure à la taille de l’homme moyen : 183 cm – ou 226 cm le bras levé, une mesure harmonique à l’échelle humaine applicable universellement à l’architecture et à la mécanique, présenté comme une évidence philosophique, mathématique et historique, l’invention corbuséenne reprenant des systèmes classiques. Cette invention est une unité de mesure parfaite et sera la clé mathématique de toute son oeuvre qui lui a permis de bien penser et d’imaginer l’espace de ses habitations, utilisé entre autre pour construire le Palais des Congrès de Strasbourg.
Grâce à cette unité, le Corbusier va créer un maximum de logement pour une faible surface au sol, qu’il appelle des structures « casiers à bouteilles ». Une fois de plus, il sera autant critiqué qu’adulé et cette nouvelle structure lui vaudra la légion d’honneur.
La période acoustique de Le Corbusier débute avec les esquisses d’Ozon (1943) figurant une oreille que l’on retrouve dans de nombreux dessins et peintures et donnent lieu à une série de sculptures réalisées par Joseph Savina. Le Corbusier dira : « Il n’y a pas, je crois, d’œuvre d’art sans profondeur insaisissable, sans arrachement à son point d’appui, l’art est science spatiale par excellence. » Ainsi, par cette citation, on comprend que le concept de l’acoustique est directement lié à la notion d’espace indicible où tous les sens, le visuel, le sonore, le tactile résonnent ensemble dans un domaine unifié par l’harmonie des proportions.
Au début des années 1950, les autorités indiennes lui confient la conception de la nouvelle capitale du Pendjab, symbole de la liberté de l’Inde. Le Corbusier doit alors bâtir une ville de toute pièce, en prendre en charge l’urbanisme complet, construire les premiers bâtiments officiels et réaliser des résidences privées. Lui qui définit ses projets gigantesques comme des projets de « ville-humaniste » sera servi : Chandigarh s’impose comme la démonstration concrète de cette vision universaliste du monde. De son vivant, il ne verra cependant pas l’achèvement de sa réalisation et le Capitole sera érigé 20 ans après sa mort.
L’exposition se clôt sur la réalisation de Le Corbusier à la fois la plus personnelle et la plus emblématique de sa pensée : Le Cabanon. Pour cette « cellule d’habitation », construite sur un rocher de bord de mer à Roquebrune-Cap-Martin, Le Corbusier conçoit un espace minimum de vie de 15 mètres carrés. Le cabanon apparaît comme un paradoxe pour un architecte qui se sera imposé dans la démesure de grands projets urbains – celle d’une intense communication, d’une publicité savamment orchestrée, multipliant sans trêve la diffusion de son image – mais aussi dans l’aspiration au dénuement.
Avec le cabanon s’exprime sa volonté de vivre dans un espace minimum et minimal, fondé sur la simple physiologie du corps. Le Corbusier y vivra presque nu, et c’est en contrebas qu’il y disparaîtra lors de l’une de ses baignades quotidiennes en Méditerranée, en 1965.
Exposition jusqu’au 3-août 2015
Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou
Galerie 2C
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris
Centre Pompidou