Loin d’être pornographiques, les xérographies d’Hudinilson Jr. évoquent les expériences érotiques homosexuelles d’un artiste voyeur de lui-même.
Collectionneur et marchand d’art moderne, expert en arts graphiques près la Cour d’Appel de Paris, et spécialiste de l’oeuvre graphique et pictural de Le Corbusier, Eric Mouchet a franchi le pas il y a quelques années en ouvrant sa propre galerie consacrée à l’art contemporain, au coeur de saint-germain-des-prés.
Ce qui fait le succès de cette jeune galerie est sa programmation contemporaine des plus variées, et en laquelle on peut avoir confiance puisque le galeriste expose occasionnellement des artistes, d’origines géographiques diverses, dont il collectionne lui même les oeuvres depuis des années et qu’il a sélectionnés pour la rigueur, la pertinence et la poésie de leur travail et qui s’expriment à travers toutes les formes de mediums, des plus traditionnelles aux plus actuelles.
Jusqu’au 23 juillet, c’est l’un des plus grands street artiste brésilien qui y est accueilli en la personne d’ Hudinilson Jr, décédé il y a quatre ans. Encouragé par sa mère à s’inscrire dans une école d’art, il fréquente durant quelques années la Fundação Armando Álvares Penteado de São Paolo mais préfèrent développer des relations intellectuelles avec ses professeurs et autres artistes.
Marqué durant sa jeunesse par le travail du peintre Lasar Segall (1891 – 1957), il commence par travailler la peinture et la gravure sur bois, puis fonde avec les artistes Rafael França (1957 – 1991) et Mário Ramiro (1957), le groupe activiste 3nós3 qui se rend célèbre en procédant à de nombreuses interventions dans les rues et les parcs de São Paolo.
Leurs « Ensacamentos » qui consistent à recouvrir les têtes des sculptures des héros de la nation de sacs-poubelle en plastique ont alors non seulement un très grand impact auprès d’une population qui n’a habituellement pas accès à l’art mais aussi une portée politique intense dans ce pays qui subit depuis 1964 une dictature qui pratique la torture afin de réduire tous les opposants au silence. Ces interventions urbaines qui seront complétées par d’autres opérations à l’aide de pochoirs, de graffiti et de xérographie, contribueront à faire d’Hudinilson Jr. l’un des plus grands artistes du street art.
Il a, à ce titre, participé à la première Biennale de la Havane en 1984, à la 18e Biennale Internationale de São Paulo en 1985, ainsi qu’à la troisième Biennale des arts visuels du Mercosul à Porto Alegre en 2001, a été le commissaire et a participé à l’exposition intitulée “Arte Xerox Brasil” à la Pinacoteca do Estado de São Paulo.
Pour la première fois à Paris, trente xérographies historiques (1979-1990) de l’artiste seront réunies pour l’exposition « Exercício de me ver / Exercice d’introspection ». Banalisé au Brésil au milieu des années 1970, le copieur Xerox au Brésil, medium révolutionnaire et d’usage peu couteux, devient le langage privilégié d’Hudinilson Jr. Il reproduit, agrandi, réduit et fragmente ses photographies érotiques ; son travail élimine toute nuance de gris, se limitant à un contraste entre le blanc et le noir ce qui inscrit ses œuvres dans un modèle iconographique pop contemporain, particulièrement représenté par Andy Warhol.
Dès la fin des années 1970, l’image du corps masculin, et plus particulièrement le sien, deviendront l’objet unique et quasi-obsessionnel des travaux d’ Hudinilson Jr. Son corps est une œuvre d’art dont la machine est l’extension. Avec elle, il le fragmente selon la norme industrielle qui impose ses dimensions à l’appareil photocopieur, et le recompose ensuite de manière sérielle. La production sur dix ans de ce corpus xérographique, successivement intitulée “Exercício de me ver”, « Narcisse » ou « Xerox Action », est parfois organisée en performances publiques, lors desquelles l’artiste se fait photographier alors qu’il simule une étreinte quasi-sexuelle avec la machine. Mais les xérographies d’Hudinilson Jr. ne se veulent pas pornographiques ; elles s’inscrivent dans le cadre d’expériences érotiques homosexuelles où l’artiste est son propre voyeur et dont l’image se noie dans la vitre du copieur tandis que le SIDA dissémine ses amis artistes… Une exposition en en collaboration avec la Galerie Jaqueline Martins de São Paolo.
Hudinilson Jr., Sem título / Sans titre, 80s – xerografia sobre papel / xérographie sur papier 29 x 22 cm chaque (6 pièces) – Courtesy Galerie Jaqueline Martins (São Paolo)
Informations pratiques :
Exercício de me ver / Exercice d’introspection de Hudinilson Jr
Exposition du 8 juin au 23 juillet 2017
Galerie Eric Mouchet
45, rue Jacob
75006 Paris