Pour cette nouvelle grande exposition à parcourir jusqu’au 17 janvier 2016, l’Institut des Cultures d’Islam réunit quinze grands noms de l’art contemporain du monde arabe, en particulier d’Égypte, de Syrie, du Maroc, d’Iran et de Turquie autour de la question du kitsch. Ces œuvres, du domaine du rêve au deuil, du portrait au graffiti, des paillettes à la tapisserie, en passant par les fleurs en plastique ou les miniatures persanes, ces photographies, tableaux, vidéos et installations entretiennent des relations complexes avec le terme kitsch, catégorisation parfois méprisée voire rejetée, ou bien au contraire revendiquée, considérant le kitsch comme un art populaire, art de la jouissance.
“Les œuvres présentées dans cette exposition nous conduisent à réfléchir sur ce que nous nommons ainsi et sur les raisons qui nous conduisent à les qualifier de la sorte“, explique Victoria Ambrosini-Chenivesse, commissaire de l’exposition.
La plupart des artistes exposés ont connu des régimes totalitaires, et l’ironie est pour eux une arme de propagande leur permettant de se moquer et de critiquer le pouvoir. “Cette esthétique populaire permet à des artistes d’avoir un vrai discours politique”, souligne la commissaire de l’exposition qui ajoute :”Il y a une véritable inégalité sur le marché de l’art entre Occident et Orient. Ils s’opposent farouchement à l’élitisme du marché occidental en le détournant et en s’en moquant à leur manière”. Derrière le détournement et l’humour, c’est bien la remise en question d’une société qui est sous jacente. La légèreté les œuvres n’est bien souvent qu’apparente, le détournement de l’humour étant synonyme de remise en question de la société.
Ici, les anciens passeports recouverts de perles et de paillettes de la plasticienne iranienne Sissi Farassat, questionnent sur son assignation identitaire et sur la pertinence sociale et politique fondamentale dans l’Iran d’aujourd’hui, tandis que la tapisserie de la libanaise Lara Baladi, tissée à partir de la reproduction digitale d’un collage de photographies constitue une parodie pure et simple de la carte postale orientaliste.
Les sirènes, rois mages, fumeurs de chicha ou le lapin d’Alice au pays des merveilles qui se rencontrent dans un univers fantasmagorique remettent en question le mythe de la création. Quant aux photographies de l’artiste iranienne Shirin Aliabadi de la série “Miss Hybrid”, qui mettent en scène des femmes, perruques blondes, lentilles claires et pansement sur l’arête du nez, elles servent à leur auteur à explorer et critiquer les phénomènes esthétiques qui touchent aujourd’hui son pays. L’Iran connaît en effet le taux de chirurgie esthétique le plus élevé du monde. Dans les rues de Téhéran, nombreux sont ceux qui arborent fièrement un pansement sur leur nez, signe d’un recours à la chirurgie esthétique, véritable symbole de richesse dans une société iranienne où le féminin est pourtant sous carcan. C’est cette épidémie que Shirin Aliabadi a décidé, avec ce qu’il faut de dérision et d’excès, de pointer du doigt. Beau ou mauvais goût, ironie et exagération pour dénoncer voire critiquer ouvertement une réalité, le kitsch est un moyen d’opposition, un levier de contestation.
Photo : Lara Baladi, Oum El Dounia (détail) – (en arabe « La Mère du Monde » et une expression populaire qui fait référence à l’Egypte) Tapisserie créée avec à un processus digital lié à un métier à tisser et d’après un collage photographique commissionné par la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain. Soie et laine, 902 X 290 CM. © Lara Baladi 2007.
“Kitsch ou pas Kitsch”
Jusqu’au 17 janvier 2016
Institut des cultures d’islam,
56 rue Stéphenson / 19-23 rue Léon, 75018 Paris
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