La rentrée littéraire japonaise s’annonce cette année aussi originale que mouvementée ! Afin de marquer un point dans la guerre qui oppose les chaînes de librairies aux distributeurs en ligne, l’enseigne Kinokuniya, leader au Japon et l’équivalent de notre Fnac nationale, veut prendre de court son rival Amazon, présent dans l’archipel depuis 2010.
Kinokuniya vient ainsi de déclarer avoir acheté 90 % du tirage du prochain livre du célèbre écrivain Haruki Murakami, un essai intitulé « Romancier de profession » qui vient de sortir il y a quelques jours, le jeudi 10 septembre et dont le premier tirage a été fixé à 100 000 exemplaires. Dans ce nouvel ouvrage, l’auteur de “La ballade de l’impossible“, “Kafka sur le rivage” ou “1Q84“, aborde des thèmes tels que : “Quand je suis devenu romancier” ; “A propos de l’originalité” ; “Prendre le temps de rédiger un roman-fleuve” ; “Pour qui écrire ?“.
Comme partout ailleurs dans le monde, les cyberlibraires gagnent du terrain au Japon et représentaient 8,2 % de parts de marché entre les différents circuits de vente japonais en 2012, une part qui ne cesse de progresser.
L’enseigne Kinokuniya veut couper l’herbe sous le pied d’Amazon et va faire bénéficier les librairies de quartier en plus de ses propres points de vente des neuf dixièmes des 100.000 premiers exemplaires imprimés. “Cette action vise à mettre en exergue la crise du secteur” face à l’emprise croissante des vendeurs en ligne, a justifié le patron de Kinokuniya, Masashi Takai, dans un entretien accordé en fin de semaine passée au quotidien Nikkei.
En choisissant un livre de M. Murakami, l’un des romanciers les plus appréciés dans l’archipel et dont chaque nouveau titre constitue un événement littéraire, Kinokuniya veut frapper les esprits, donner un coup de pied dans la fourmilière et empêcher Amazon de capter toute la clientèle. Un très beau geste “de solidarité” envers les librairies ayant pignon sur rue et qui doit leur donner une bouffée d’oxygène puisque les acheteurs seront obligés de passer par eux pour acquérir le livre.
Chose rarissime, le célèbre écrivain, d’ordinaire très discret, a accepté de poser pour une photo noir et blanc, en tenue décontractée pour illustrer la couverture alors qu’il est connu pour refuser toute publication de son portrait et refuse la plupart des temps toute interview aussi bien japonaise qu’internationale.
Une action médiatique qui veut frapper les esprits à une époque où si le marché de l’édition demeure relativement conséquent au Japon (1.606 milliards de yens, près de 12 milliards d’euros, en 2014), il n’empêche qu’il a tout de même perdu 40% de sa valeur comparé au pic enregistré en 1996.
Il était donc grand temps de réagir pour tenter de contrer le géant américain Amazon.