« In a landscape », la toute nouvelle exposition d’Emmanuel Fillot, concrétise les relations multi-dimensionnelles que les poètes entretiennent avec le monde. Jusqu’au 18 juillet prochain, l’artiste nous entraîne à la découverte de paysages et tout spécialement des montagnes qu’il vient d’admirer lors de son récent voyage au Japon. Chacune d’elle révèle son âme, ses mystères, murmures et soupirs, secrets accumulés au cours de toutes ces années qui les ont façonnées et regardé vivre. Emmanuel Fillot sait écouter le silence, matérialiser les rêves, donner un sens à l’inexplicable ; « J’aime bien quand on ne sait pas » explique-t-il.
Le titre de l’exposition “In a Landscape” est celui d’un morceau de John Cage que le musicien dédia à une danseuse, Louise Lippold, qui dansait en silence, sans musique. Tout s’est fait dans le désordre ; la danse l’a inspiré, l’harmonie et les tonalités se sont imposées plus tard. Emmanuel Fillot se sent proche de John Cage, sa musique l’inspire, il admire les quelques dessins réalisés par le musicien qui est ainsi devenu au fil du temps pour le poète un compagnon de route. C’est pourquoi “In a Landscape”, ne se veut pas un hommage mais un compagnonnage , une union dans l’inspiration, une fusion aux mêmes dimensions poétiques.
Enfant heureux de vivre et d’exister au sein de la nature, étudiant en Arts Plastiques et ami des poètes, peintre, Emmanuel Fillot a trouvé sa voie en en ouvrant une nouvelle, la sienne, l’unique, celle qui puise ses racines dans sa constante recherche d’unir le monde et la poésie dans un espace indéfini. Dans cette optique, l’artiste réfute le titre de peintre et de sculpteur, se situant dans la frontière confuse et ambiguë des deux techniques. Emmanuel Fillot ne se revendique pas poète mais poétique, il nous dit la vie, sa vie : « L’expression poétique dans laquelle je me suis engagé a ceci de magnifique qu’elle ne vous explique peut-être rien mais vous montre quelque chose de très complexe, toujours de l’ordre de l’évidence, et de manière très rapide ».
« In a Landscape » est une exposition qui s’impose , non seulement pour apprécier les œuvres d’Emmanuel Fillot, comprendre cet artiste, sa recherche artistique emplie de son parcours intellectuel, mais parce qu’elle marque un tournant dans sa vie de créateur. Après avoir publié en 2009 un livre où il parlait du « souffle poétique de la culture japonaise » sans jamais s’être rendu au Japon dont il avait toujours rêvé mais sans oser franchir le pas du voyage de peur d’être déçu, Emmanuel Fillot y a séjourné l’an dernier, y vivant non pas « un dépaysement, plutôt un “ré-empaysagement”, ‘impression « de rentrer dans mon paysage mental ».
Emmanuel Fillot est entré en osmose avec le Japon et la poétique de sa culture, une symbiose qu’il a transcrit dans cette nouvelle exposition dont il présente lui-même les œuvres :
« Elles fonctionnent selon trois plans. Toujours l’espace stratifié. Il y a un plan que l’on pourrait appeler le fond, à la fois atmosphérique et évidemment paysager. Il est fait d’impressions photographiques des murs du temple Kasuga Taisha sur du papier à dessin, contrecollé sur aluminium.
Ensuite viennent les pierres que j’ai collectées sur mon chemin lors de ce voyage au Japon. Ce sont des laves, du granit, des grès… toutes ont la forme d’une montagne plate. Il y a une perception légèrement confuse entre la pierre et le fond. En se laissant aller à regarder l’une ou l’autre, chaque pierre semble sur le point de se fondre dans l’ensemble. Toujours à partir de cette ambiguïté, je voulais non pas créer l’illusion de la fusion mais montrer ce léger flottement où la pierre n’est pas encore intégrée à l’image, mais où elle pourrait l’être. Un moment indécis.
Vous nommez le troisième plan un “tablier opalescent”…
Cela vient aussi du Japon. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais de petits tabliers de tissu recou- vrent les pierres dans le temple. Il y a aussi ces officiantes d’un temple shinto au regard lointain et parfumé, qui portent une sorte de voilette de fleurs de glycine. C’est cette même forme, ce même signe, que j’ai repris pour dire la partie immergée des pierres. Dans les jardins japonais, on attache de l’importance à la manière dont les pierres sont enracinées dans le sol. Parfois, on n’en voit qu’une petite partie et il y a un énorme bloc dans le sol. On sent cela et c’est d’ailleurs mis en place de sorte qu’on le sente. Pour cette raison, chaque œuvre comporte une délimitation qui s’aligne sur l’horizon du fond : une partie supérieure, vers le ciel, et une partie enfouie qui est ici dévoilée au travers de ce tablier en acrylique opalescent.
La baguette portant ce “tablier opalescent” indique donc le niveau d’enracinement de la pierre… Elle délimite l’émergence de la pierre du sol. Il y a pour moi cette idée qu’en regardant une montagne – chaque pierre fait ici référence à une montagne – on peut la voir comme un arbre, et imaginer que, dessous, il y a autant de racines que de branches.
Enfin, sur ces tabliers opalescents, il y a des signes – des signes plutôt “d’avant les signes” – comme l’écriture du murmure des pierres. Ce serait comme les pré-signes archaïques d’une partition. Les pierres parlent comme ça, ou plutôt elles murmurent. Enfin, je crois. »
Emmanuel Fillot….Tout simplement subjuguant, LA dimension unique et nouvelle de la poétique…
In a landscape, 2014, technique mixte, 43 x 41 cm
Exposition jusqu’au 18 juillet 2015
Galerie Lélia Mordoch
50 rue Mazarine
75006 Paris
http://www.leliamordochgalerie.com