Un accord met fin au contentieux entre Google et les éditeurs français !
“C’est un accord historique”, a résumé le patron de Google, Eric Schmidt “Il vaut mieux avoir un accord qu’une loi, c’était la bonne approche”, a ajouté M. Schmidt
“Un accord historique” pour Google, “un événement mondial” pour François Hollande: l’annonce d’une entente sur la compensation financière par Google de l’utilisation de contenus produits par les éditeurs a été saluée par des superlatifs à l’issue de plusieurs mois de bras de fer.
“Ce n’est pas cet accord qui va sauver la presse, mais cela permet à tout le monde de faire la paix avec tout le monde”, explique à l’AFP Frédéric Filloux, directeur général en charge du numérique aux Échos, qui considère qu’il “faut travailler avec Google”.
Cet accord “va-t-il servir de modèle ou de référence. Nous le verrons mais il y a forcément une alliance à nouer entre les producteurs de contenus et les diffuseurs, c’est ce que nous avons été capables d’illustrer aujourd’hui”, a déclaré François Hollande.
“Nous nous félicitons de ce qui est une première mondiale pour les éditeurs de presse. C’est le premier pas d’un géant de l’internet vers les éditeurs et une nouvelle forme de collaboration”, a pour sa part réagi Nathalie Collin, présidente de l’Association de la presse d’information politique et générale.
Cet accord a abouti “sur le fil du rasoir” mais avec “une volonté très nette de Google de faire un vrai effort d’insertion dans l’écosystème”, ce qui est “un signal très favorable qui laisse espérer des collaborations fructueuses à l’avenir”, a pour sa part commenté Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’Economie numérique.
Le Spiil, qui regroupe des sites d’information et notamment des “pure players”, tels Mediapart, Atlantico, Slate, Rue 89 ou encore OWNI, se “félicite” de son côté que le principe de “droits voisins”, sorte de droits d’auteurs, n’ait pas été retenu comme mode de financement. Pour ce syndicat, une telle taxe ne tient pas compte de la spécificité d’internet. Pour autant, “nous avons beaucoup d’interrogations”, ajoute son président Maurice Botbol. “A quoi va servir ce fonds? Comment va se répartir cette manne?”, s’interroge-t-il, demandant à ce que le contenu de l’accord soit rendu public.
Pour Denis Bouchez, directeur de l’Association de la Presse IPG***, signataire de l’accord avec Google, l’intérêt de celui-ci “est surtout qu’il permet à ceux qui veulent faire quelque chose avec Google de le faire”, a-t-il dit à l’AFP.
Voilà ce que l’on peut lire aujourd’hui sur l’accord entre Google et le gouvernement français. A noter que la majorité des sites et des titres qui parlent de cet accord, on tous pour la plupart reprit la dépêche de l’AFP, sans aucun autre commentaire. François Hollande avait confirmé, le 16 janvier, qu’une “ disposition législative ou fiscale ” serait prise à l’égard des moteurs de recherche, dont Google, pour que “ceux qui tirent profit de l’information ” produite par la presse participent à son financement. ” Il est normal que ceux qui tirent profit de l’information produite par votre travail participent à sa prise en charge, ce sera le sens de la participation des moteurs de recherche au financement de la presse “, avait déclaré le chef de l’Etat, en présentant à l’Elysée ses voeux à la presse. Après trois mois de négociations entre les différents parties, placées sous l’égide de Marc Schwartz* le médiateur du gouvernement, un accord a été trouvé vendredi dernier pour régler la bataille entre les éditeurs de presse et Google. Le 1 févier, Eric Schmidt, le président de Google qui a été reçu comme un chef d’État, a annoncé que son entreprise allait verser 60 millions d’euros à la cause. Ouf !
Les Français n’était pourtant pas les seuls dans la bataille, au mois d’octobre un communiqué commun avait été publié avec les allemands et les italiens, réclamant la création de « relations économiques équilibrées entre les titulaires de droits sur les contenus d’information et les acteurs technologiques ». Cela aurait du peser aussi dans la balance. Mais en fait, ce que Google redoutait vraiment, c’est que la France lui impose une loi. Une loi qui aurait pu être copiée un peu partout en Europe. Google en acceptant de verser ses 60 millions d’euros, a une nouvelle fois fait un joli coup, d’une part en éloignant pour longtemps la création d’une loi contraignante, mais aussi en rendant encore plus dépendante la presse française de ses services. En outre, Google a évité de s’engager sur une dotation annuelle. Ouf !
Tout cela ressemble donc à un compromis, un simple compromis d’argent ! C’était pourtant maintenant qu’il fallait en profiter pour en demander beaucoup plus à Google, notamment dans sa manière de faire de l’argent et sa façon de payer ses impôts. De plus cet accord ne règle en rien les problèmes qui minent la presse française dans son arrivée à reculons dans le numérique. Google a effectivement affiché un léger profil bas. Mais sur le fond c’est lui qui a gagné, car en passant un peu à la caisse, il n’a pas été une seule fois obligé de remettre en question son mode de fonctionnement et a ainsi réaffirmé sa position de super dominant.
Aujourd’hui, je suis de nouveau ébahi, abasourdi, ahuri, déconcerté, ébaubi, éberlué, ébloui, ébouriffé, épaté, étonné, interdit, médusé, pantois, stupéfait, stupéfié, surpris, de voir comment nos vies, nos devenirs professionnels et nos outils de travail ne se rapportent qu’au pouvoir de l’argent et de quelques uns ! Car cette argent, nous indique t-on, sera attribué à des projets sélectionnés (la loterie ? les dés ? ) « selon leurs mérites en terme de transition vers le numérique », dit le président Hollande. Les projets seront choisis par le conseil d’administration du fonds, sans représentant de l’État, mais avec des émissaires de Google, accompagnés de représentants des éditeurs de presse ainsi que de personnalités ?. Ce qui veut d’ores et déjà dire que ceux sont les mêmes que d’habitude, qui vont en retirer les marrons du feu. En théorie et en théorie seulement, les 60 millions de Google pourrait se répartir entre 400 titres de presse, dont 150 sites internet.
Le Spiil a demandé que l’accord soit rendu public lorsqu’il sera définitivement établi. Le Spiil réclame aussi que le fonctionnement du fonds soit « transparent ». Mais l’accord final qui sera rédigé d’ici huit semaines restera secret ! ont annoncé les deux parties, par la voix de Marc Schwartz . Maurice Botbol, président du Spiil précise “Mais il nous paraît étrange que cet accord soit présenté comme une négociation entre deux parties privées, qui pourrait rester confidentielle, alors que l’exécutif en a été le pilote. ” et Marc Schwartz de nuancer cet argument :« L’accord a été voulu par l’État, mais n’a pas été négocié sous l’égide de l’État. Jamais l’État n’est intervenu dans la négociation, et j’ai gardé une confidentialité totale sur ses termes jusqu’au dernier moment. ». La photo montrant Monsieur Schmidt et du Président Hollande, côte à côte, comme si Google signait avec l’État français a tout de même présentée une certaine ambiguïté. « Il ne s’agit en fait que d’un accord entre une partie de la presse et un seul moteur de recherche », rappelle Maurice Botbol. Jean Marc Lebeaupin pour artsixmic
Les chiffres clés :
Google représente plus de 90% de la recherche sur Internet.
Google capte 45% du marché, et 97% de la publicité basée sur la recherche.
Les 60 millions d’euros que versera Google au fonds sont une paille par rapport au chiffre d’affaires de la presse en France (9,15 milliards d’euros en 2011), voir à son chiffre d’affaires numérique (280 millions d’euros en 2010 en additionnant publicité et vente de contenu, selon l’IPG). (Source BFMTV)
La somme est microscopique par rapport au montant des aides à la presse (1,2 milliard d’euros par an), et est à peine supérieure aux aides versées par l’Etat aux sites web (43,5 millions d’euros entre 2009 et 2011) via le fonds Spel. (Source BFMTV)
La somme est espsilonesque par rapport à la trésorerie de Google qui dort hors des Etats-Unis sans pouvoir être rapatriée (33,3 milliards de dollars à fin décembre, +34% en un an). Idem par rapport au chiffre d’affaires effectivement réalisé en France (1,25 à 1,4 milliard d’euros en 2011). Ou encore par rapport à l’impôt sur les bénéfices que Google paierait au fisc français si ce chiffre d’affaires était déclaré dans l’Hexagone (150 à 165 millions d’euros). (Source BFMTV)
Eric Schmidt le PDG de Google est classé 45ème sur les 400 plus fortunés des Etats Unis et est classé 138ème fortune au rang mondial
Chiffre d’affaires déclaré par Google en France
- 2004: 4,1 millions d’euros
- 2005: 10,6 millions d’euros
- 2006: 22,1 millions d’euros
- 2007: 33,1 millions d’euros
- 2008: 4,1 millions d’euros
- 2009: 39,9 millions d’euros
- 2010: 68,7 millions d’euros
- 2011: 138,5 millions d’euros
Source: comptes sociauxLe marché français de la publicité liée aux moteurs de recherche
- 2005: 273 millions d’euros
- 2006: 390 millions d’euros
- 2007: 592 millions d’euros
- 2008: 800 millions d’euros
- 2009: 880 millions d’euros
- 2010: 960 millions d’euros
- 2011: 1066 millions d’euros
Source: SRI, Cap Gemini, Vivaki
- Lire l’article de BFMTV qui explique de façon claire et précise ce qui vient de se passer : Accord Google-éditeurs de presse : qui sort vainqueur ?
*Depuis septembre 2010, Marc Schwartz est associé chez Mazars, en charge du conseil au secteur public et aux médias. En juin 2012, Marc Schwartz a été nommé responsable mondial du département « Secteur Public » du groupe Mazars.
** Spiil : Syndicat indépendant de la presse en ligne
***IPG: Association de la presse d’information politique et générale
- Voir aussi : les Déclarations conjointes à l’issue de la signature de l’accord avec Google et la conférence de presse dans sa totalité
- Voir aussi l’article sur Télérama : http://www.telerama.fr/medias/faut-il-vraiment-se-r-jouir-de-l-accord-entre-google-et-la-presse,93018.php