Emmanuel Carrère, lauréat du Prix littéraire du Monde 2014

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Royaume
Emmanuel Carrère, Royaume

Emmanuel Carrère, auteur du Royaume (POL), est le lauréat du Prix littéraire du Monde 2014. Le Prix littéraire du Monde, dont la première édition s’est tenue en 2013, récompense un roman choisi parmi les titres parus au cours de l’année écoulée, à la fois pour ses qualités littéraires et pour la vision du monde qu’il propose. Pour cette deuxième édition, 9 des 607 romans de la rentrée littéraire faisaient partie de la sélection. Signés par des auteurs confirmés ou de jeunes talents, tous ont été écrits en langue française.

Le jury, présidé par Gilles van Kote, directeur du Monde, est composé de journalistes de l’équipe du « Monde des livres » et de journalistes du Monde ayant à coeur de célébrer la diversité des sensibilités, des regards et des expériences. Sont ainsi membres de ce jury : Jean Birnbaum, responsable du « Monde des livres », Raphaëlle Rérolle, responsable de « Culture & idées », François Bougon, rédacteur en chef adjoint du Monde, Denis Cosnard, Clara Georges, Vincent Giret, journalistes au Monde, Raphaëlle Leyris, Florence Noiville, Macha Séry et Catherine Simon, journalistes au « Monde des livres ».

L’oeuvre d’Emmanuel Carrère s’est imposée lors de la dernière délibération parmi les ouvrages suivants :

– Faux nègres, de Thierry Beinstingel (Fayard)
– Dans les yeux des autres, de Geneviève Brisac (L’Olivier)
– Viva, de Patrick Deville (Seuil)
– La Condition pavillonnaire, de Sophie Divry (Noir sur Blanc)
– Mécanismes de survie en milieu hostile, d’Olivia Rosenthal (Verticales)
– Tristesse de la terre. Une histoire de Buffalo Bill Cody, d’Eric Vuillard (Actes Sud)
– Le Royaume, d’Emmanuel Carrère (POL)
– Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive, de Christophe Donner (Grasset)
– Tram 83, de Fiston Mwanza Mujila (Métailié)

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Le Royaume raconte l’histoire des débuts de la chrétienté, vers la fin du Ier siècle après Jésus Christ. Il raconte comment deux hommes, essentiellement, Paul et Luc, ont transformé une petite secte juive refermée autour de son prédicateur crucifié sous l’empereur Tibère et qu elle affirmait être le messie, en une religion qui en trois siècles a miné l’Empire romain puis conquis le monde et concerne aujourd’hui encore le quart de l’humanité.

Cette histoire, portée par Emmanuel Carrère, devient une fresque où se recrée le monde méditerranéen d’alors, agité de soubresauts politiques et religieux intenses sous le couvercle trompeur de la pax romana. C’est une évocation tumultueuse, pleine de rebondissements et de péripéties, de personnages hauts en couleur.

Mais Le Royaume c’est aussi, habilement tissée dans la trame historique, une méditation sur ce que c’est que le christianisme, en quoi il nous interroge encore aujourd’hui, en quoi il nous concerne, croyants ou incroyants, comment l’invraisemblable renversement des valeurs qu il propose (les premiers seront les derniers, etc.) a pu connaître ce succès puis cette postérité. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que cette réflexion est constamment menée dans le respect et une certaine forme d’amitié pour les acteurs de cette étonnante histoire, acteurs passés, acteurs présents, et que cela lui donne une dimension profondément humaine.

Respect, amitié qu’Emmanuel Carrère dit aussi éprouver pour celui qu il a été, lui, il y a quelque temps. Car, comme toujours dans chacun de ses livres, depuis L’Adversaire, l’engagement de l’auteur dans ce qu il raconte est entier. Pendant trois ans, il y a 25 ans, Emmanuel Carrère a été un chrétien fervent, catholique pratiquant, on pourrait presque dire : avec excès. Il raconte aussi, en arrière-plan de la grande Histoire, son histoire à lui, les tourments qu il traversait alors et comment la religion fut un temps un havre, ou une fuite. Et si, aujourd hui, il n est plus croyant, il garde la volonté d interroger cette croyance, d enquêter sur ce qu il fut, ne s épargnant pas, ne cachant rien de qui il est, avec cette brutale franchise, cette totale absence d autocensure qu on lui connaît.

Il faut aussi évoquer la manière si particulière qu’a Emmanuel Carrère d’écrire cette histoire. D’abord l’abondance et la qualité de la documentation qui en font un livre où on apprend des choses, beaucoup de choses. Ensuite, cette tonalité si particulière qui, s’appuyant sur la fluidité d une écriture certaine, passe dans un même mouvement de la familiarité à la gravité, ne se prive d’aucun ressort ni d’aucun registre, pouvant ainsi mêler la réflexion sur le point de vue de Luc au souvenir d’une vidéo porno, l’évocation de la crise mystique qu a connu l’auteur et les problèmes de gardes de ses enfants (avec, il faut dire, une baby-sitter américaine familière de Philip K. Dick…). Le Royaume est un livre ample, drôle et grave, mouvementé et intérieur, érudit et trivial, total.

Broché: 640 pages
Editeur : P.O.L (28 août 2014)
Collection : Fiction
Langue : Français
ISBN-10: 2818021189
ISBN-13: 978-2818021187