Femme de lettres et résistante, le musée d’Art et d’Histoire d’Evreux nous fait découvrir une facette moins connue d’Elsa Triolet, celle de la créatrice de bijoux pour maisons de haute couture qu’elle fut entre 1929 et 1932. Romancière française d’origine russe, Elsa avait vu le jour à Moscou le 12 septembre 1896. Très jeune, elle fréquentait les milieux intellectuels de la capitale russe ainsi que le groupe futuriste puis épousa en 1919 un Français, André Triolet, qu’elle quitta presque aussitôt.
C’est en 1928, au café «La Coupole» à Paris, qu’elle rencontra Louis Aragon dont elle devint la muse, la femme et qu’elle ne quittera plus jusqu’à sa mort en 1970. Durant les années 1942 à 1944, ils seront tous deux résistants dans la zone Sud. Soutenant Aragon dans ses combats, elle n’a cependant jamais été membre du parti communiste. En 1945, elle devint la première femme à obtenir le prix Goncourt pour son recueil de nouvelles «Le Premier accroc coûte 200 francs» et dont le titre faisait référence au code utilisé par la BBC le 14 août 1944 pour annoncer aux maquisards le débarquement de Provence pour le lendemain.
Entre 1929 et 1932, afin de parvenir aux besoins de son couple, la jeune écrivaine Elsa Triolet réalisa donc des bijoux de mode pour la haute couture, et notamment pour les maisons Poiret, Vionnay ou encore Schiaparelli. Ses créations, colliers, bracelets et boucles d’oreilles étaient caractérisées par une grande originalité et une grande diversité des matériaux assemblés sous des formes souvent surprenantes, voire inattendues: noix de coco, os, pâte à papier mâchée, métal, strass, nacre, porcelaine et même boule de cotillon…
Elsa réalisa également à la même période un véritable travail ethnographique sur le monde de la mode au tournant des années 20-30, entre Années folles et déroute économique à l’ampleur sans précédent. Elle approcha ainsi les conditions de vie dramatiques de la classe ouvrière, rédigea son enquête en russe dans le but de la publier à Moscou, démontrant combien une société toute entière se révèle à travers une pratique somme toute anecdotique.
L’exposition présente 54 pièces de bijouterie, dont des prototypes et des créations, pièces qui conférèrent à l’atelier d’Elsa un grand succès. Louis Aragon, en 1981, offrit, en guise d’hommage, la collection de bijoux à la ville de Saint-Etienne-du-Rouvray qui fut la première ville à donner le nom d’Elsa Triolet à une bibliothèque publique, l’écrivain souhaitant rappeler également le rôle pionnier joué par son épouse dans “la bataille du livre”, mouvement en faveur de la création de bibliothèques en direction des milieux ouvriers et populaires.
“De rêve et de neige, les bijoux d’Elsa Triolet”
Exposition jusqu’au 14 février 2016
Musée d’Art, Histoire et Archéologie d’Evreux
6 rue Charles Corbeau, 27 000 Evreux.
http://www.evreux.fr/pages/bougera-evreux/culture/musee-dart-histoire-archeologie/expositions-3457
Entrée libre et gratuite
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