Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra vous propose une version débridée du Dom Juan de Molière, poursuivant ainsi une exploration du répertoire dans laquelle Gramblanc, le clown blanc de Jean Lambert-wild, s’empare du mythe.
Le rapport de Dom Juan avec les femmes mais aussi avec la mort, ont donné matière à Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra, avec la complicité de Catherine Lefeuvre, à voir et à entendre une relecture radicale et décalée du mythe de Don Juan.
Ce mythe tient en premier lieu de son rapport à la mort, illustré au travers de la figure du Commandeur, ce qui explique, dans un second temps et conséquemment, son rapport aux femmes. Ce rendez-vous avec la mort colore toutes ses actions et fait de lui un anarchiste à la fois amoureux et amoral, tout entier porté par sa fatale destinée.
Dans un cabaret à la fois drolatique et tragique, ce Dom Juan fardé de blanc sera entouré des acteurs-musiciens Suisses de la Compagnie l’Ovale, d’un Sganarelle incarné par Yaya Mbilé Bitang et de quatre des jeunes comédiennes et comédiens de l’École Supérieure Professionnelle de Théâtre – L’Académie de l’Union qui joueront tour à tour et en alternance Don Elvire, Charlotte, Don Carlos et le Mendiant.
La scénographie cosignée par Jean Lambert-wild et Stéphane Blanquet donnera une dimension onirique à ce mythe, magnifiée par l’usage de multiples effets décoratifs en porcelaine de Limoges dans le décor, cela grâce à la collaboration artistique renouvelée avec l’artiste porcelainier Christian Couty.
Qu’est-ce qui vous attire, Jean Lambert-wild, en Don Juan ?
Propos recueillis par Eugénie Pastor
Il est rare qu’une figure littéraire devienne un mythe et traverse ainsi les siècles. Comme souvent au début d’un projet, il y avait là quelque chose qui m’attirait, mais que j’étais impuissant à m’expliquer. Cela s’inscrit dans une continuité de choses qui pour certaines me dépassent et pour d’autres me conduisent, comme par exemple la coexistence d’un geste de tradition dans un mouvement d’innovation ou les invariants qui structurent un mythe et déploient l’imaginaire des signes et symboles dont un acteur peut faire son corps et sa voix.
Son rapport aux femmes est pourtant souvent ce dont on se souvient à son sujet…
J’ai toujours été déçu par les versions de Don Juan qui en font un cynique ou un jouissif débauché. Dom Juan n’est pas un Casanova. Ce qui est primordial, c’est son rapport au Commandeur, le rapport au mort, et donc à la mort. Sa relation avec la mort et avec le ciel définit sa relation avec les femmes : ainsi tout est éphémère, tout est vain, mais tout est aussi furieux et libre. Dom Juan n’est pas un être cynique ou désabusé. Il n’est pas déprimé : il y a quelque chose d’héroïque en Dom Juan, une partie amoureuse de la vie, amoureuse du théâtre, de la joie. Dom Juan est un stoïcien anarchiste : il se moque de tout, et il est en dehors de toute morale. Il n’a pas peur. C’est un chevalier. Il n’a pas le déshonneur de penser que le médicament fade d’une pensée moraline sauvera son existence.
Jean Lambert-wild
Poète, dramaturge, homme de théâtre, Jean Lambert-wild est aussi depuis janvier 2015, le directeur du Théâtre de l’Union – Centre Dramatique National du Limousin et l’Académie de l’Union – École Supérieure Professionnelle de Théâtre du Limousin.
Qu’est ce qui vous intéresse, Lorenzo Malaguerra, dans la figure de Don Juan?
Propos recueillis par Eugénie Pastor
Avec Don Juan, on a affaire à un homme, pas à un monstre, même si sa noirceur est extrême, son cynisme sidérant et son peu d’humanité flagrant. C’est un homme, car il a fait le choix d’être ce qu’il est, il n’est pas guidé par sa nature ou par sa rancoeur. Ce n’est pas un séducteur au sens où il aimerait ou désirerait l’objet séduit : il s’admire lui-même en séduisant mais avec la claire conscience du désastre qui s’annonce et avec la volonté de s’en moquer. C’est donc un personnage complexe – bien sûr ! – et je trouve intéressant de voir comment le clown de Jean Lambert-wild s’y frotte. On sent bien qu’on est là à la limite de ce que peut faire un clown. Je ne doute pas que la mélancolie, la cruauté, la légèreté du clown de Jean soient très bien adaptées à Don Juan, mais on voit aussi que le personnage résiste à un traitement particulier. Je suis donc très intéressé de voir comment cela va évoluer au fil des semaines de répétitions, car il n’y a aucune évidence avec ce personnage-là. Il va falloir en relever toute la bizarrerie, sa sexualité oscillante, son désespoir léger, sa fascination pour la mort.
Pourquoi avez-vous décidé d’adapter la pièce de Molière, et pas un autre texte?
La pièce de Molière déploie vraiment toute la complexité du personnage et elle est magnifiquement écrite. Il n’y a rien à faire : on est revenu sans cesse à Molière. Et notre version est tout de même remplie d’éléments atypiques – c’est peu de le dire. Il est donc important d’avoir une base textuelle et narrative solide afin de pouvoir développer les volutes qui nous amusent dans le spectacle.
Lorenzo Malaguerra
Depuis 2009, Lorenzo Malaguerra est le directeur du Théâtre du Crochetan à Monthey (Suisse). Il travaille régulièrement avec Jean Lambert-wild Il collabore également avec la compagnie de l’Ovale, dirigée par Denis Alber et Pascal Rinaldi.
Extraits “Dom Juan ou Le Festin de pierre” 12mn
Dom Juan ou le festin de pierre
Du 13 janvier au 15 Février 2020
Théâtre de la Cité internationale
17, boulevard Jourdan
75014 Paris
http://www.lambert-wild-malaguerra.com/fr/theatre/theatre-de-la-cite-internationale
Lundi, mardi, vendredi à 20h30
jeudi, samedi à 19h
Tarifs : de 7 à 23 euros
Durée 1h40
Spectacle tout public à partir de 14 ans
• Représentations sur le temps scolaire possibles pour les grands collégiens et lycéens
• Durée 1h40
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