Eugène Delacroix (1798-1863) – Arabe couché (détail), 21,2 x 11,2 cm © Musées d’Angers, photo P. David
Le Conseil général des Hauts-de-Seine présente, au Château et au Petit Château du Domaine départemental de Sceaux, 100 dessins provenant du musée des Beaux-Arts d’Angers. Parmi les feuilles exposées, certaines sont d’une importance historique majeure et d’une qualité esthétique exceptionnelle : La Guérison des malades de Parmesan, Réunion des dieux de Nicoló dell’Abate, La Vierge à l’Enfant du Guerchin, Deux prisonniers enchaînés de Pierre Paul Rubens, deux Etudes pour le Serment des Horaces de Jacques-Louis David, Paysage de montagne de Caspar David Friedrich, Odalisque d’Achille Devéria, Arabe couché d’Eugène Delacroix, L’Appareillage d’Eugène Boudin… Les dessins exposés donneront un aperçu très généreux de l’évolution des styles entre les XVIe et XIXe siècles ainsi que des différentes techniques graphiques utilisées par des artistes français de renom, tels que Fragonard, Vernet, Vouet, Le Sueur, Poussin, Greuze, Gérard, Ingres, Lagneau, Devéria, Boudin, Blanchet… Et, pour les écoles étrangères : Parmesan, Rubens, Rembrandt, Van Dyck, Guerchin, Friedrich, Maratta, Romano, Solimena… Le commissariat de cette exposition est assuré par Dominique Brême, directeur du Domaine départemental de Sceaux et Ariane James-Sarazin, directrice des musées d’Angers.
La fin de la Renaissance
On désigne, sous le nom de « maniérisme », un ensemble de tendances ayant émergé en Italie, au lendemain de la mort de Raphaël (1520), et dont le dénominateur commun est d’avoir pris le contrepied systématique de tous les grands systèmes régulateurs ou normatifs patiemment constitués durant le XVe siècle, systèmes ayant visé à créer l’illusion efficace de la réalité sensible : perspective, anatomie, proportion, coloris… Durant tout le XVIe siècle, les artistes italiens s’ingénièrent ainsi à destructurer l’ordre du visible de la Renaissance classique, au profit d’expériences diverses où la subjectivité avait beaucoup à voir : dessin convulsif, proportions aberrantes, surabondance de formes réunies dans un espace inconsistant, coloris acidulés, délavés ou stridents, écriture coulante ou déchiquetée… La modernité interrogea ainsi pour la première fois « l’imagination en soi » et fit l’exercice immédiat de la part la plus mystérieuse de l’acte de création, celle d’un flux poétique indifférencié se dérobant au contrôle de la raison et réduisant à sa confusion originelle le champ de la représentation. Cette époque de grande expérimentation, en laquelle certains ont vu la décadence de la Renaissance et d’autres les premières manifestations de l’art baroque, est particulièrement bien représentée dans le fonds du musée des Beaux-Arts d’Angers. Les suiveurs immédiats de Raphaël ou les admirateurs de Michel-Ange y brillent par des œuvres d’une rare puissance et d’une grande originalité (Giulio Romano, Perino del Vaga, Nicoló dell’Abate), comme aussi celles des maniéristes de seconde génération (Pellegrino tibaldi, taddeo Zuccaro). une mention particulière doit être réservée à trois dessins de Parmesan, dont une Guérison des malades peut être considérée comme un absolu chef-d’œuvre.
La réaction classique et l’élan baroque
L’ivresse suscitée par la gratuité de l’extravagance maniériste, pour enrichissante qu’elle fût, ne pouvait satisfaire longtemps des artistes qui, désormais reconnus comme responsables du contenu de leurs oeuvres, voulaient participer à l’édification du monde et agir en raison sur la vie des formes. Certains, comme Annibal Carrache, redéfinirent donc l’esthétique classique du divin Raphaël, en l’habitant d’une puissance physique et d’un naturel qui, en quelque sorte, l’humanisaient, tandis que d’autres, tel Caravage, faisaient le choix de pousser à l’extrême, sous les apparences d’un réalisme cru mais purement compensatoire, le trouble subjectif introduit par l’époque qui s’achevait. De courte durée (1600-1630), l’épisode caravagesque devait être absorbé par les tenants du classicisme et les adeptes du baroque naissant, ce dernier transformant à son tour, en énergies régulées, la part supposée incontrôlée du geste créateur. On le sait, la tension entre classicisme et baroque fut, dès lors, l’un des ressorts essentiels de l’esthétique européenne durant trois siècles (jusqu’à la révolution cubiste) et les collections d’Angers, par leur diversité, permettent d’illustrer efficacement les enjeux de ce débat : avec l’Italie à nouveau, représentée par Lanfranco, le Guerchin ou Carlo Maratta puis, au XVIIIe siècle, par Solimena, Pannini ou Batoni ; avec la France baroquisante de Vouet, de Perrier, de Chaperon, de Blanchet, ou sagement classique de Poussin, de Le Sueur, de Boullogne ; avec les Flandres et les Pays-Bas, bien sûr, de Rubens – à qui l’on doit l’un des chefs-d’oeuvre de l’exposition –, de Van Dyck, de Rembrandt…
Les grands « ismes » du XIXe siècle
Les dessins du XIXe et XXe siècles – presque exclusivement français – constituent donc 94,5 % du fonds du musée d’Angers (pourcentage, il est vrai, artificiellement grossi par les fonds Turpin de Crissé, Bodinier et surtout David d’Angers…) et cette époque de grande émulation s’y exprime à travers les tendances dominantes qui se développèrent et souvent se combinèrent en mouvements plus ou moins identifiés, auxquels l’histoire de l’art a tenté de donner un nom : néoclassicisme, romantisme, orientalisme, réalisme… Après les derniers feux du Siècle des Lumières, portés par Fragonard ou Greuze, un néoclassicisme épique – qui alimentera aussi bien l’illustration de l’épopée impériale que, par la suite, la mélancolie passionnelle du romantisme ou l’imagerie colonialiste – se cristallise autour de Jacques-Louis David, représenté dans l’exposition par deux grandes feuilles, magistrales, préparatoires au fameux Serment des Horaces (1784). L’influence du maître a conditionné tout l’art français de la première moitié du XIXe siècle et les dessins de Meynier, Guérin, Girodet ou Ingres permettront d’en juger efficacement, de même que ceux des sculpteurs Moitte et David d’Angers. L’inflexion romantique se fera avec Géricault, Delacroix et – pour l’Ecole allemande – Caspar David Friedrich, dont le musée d’Angers a le privilège rare de posséder trois feuilles admirables. Delacroix jouera aussi son rôle dans la cristallisation de l’orientalisme, parenthèse exotique de l’exposition où se rencontrent les noms de Gérard, Vernet, Decamps, Clairin et Devéria. Enfin, le seul Eugène Boudin – représenté par deux dessins – annoncera les temps nouveaux de l’impressionnisme…
- Exposition jusqu’au 29 juin 2014
- Au Château et au Petit Château du Domaine départemental de Sceaux
Cours d’histoire de l’art au Petit Château
Les grandes écoles européennes de dessin, du XVe au XIXe siècle.
Les mercredis à 18h, au Petit Château, par Dominique Brême, directeur du Domaine départemental de Sceaux
- 14 mai : L’École française, de Fouquet à Fragonard
- 21 mai : L’École française, de David à Monet
- 4 juin : La Renaissance italienne
- 11 juin : L’Âge baroque en Italie
- 18 juin : Les Écoles du nord : Flandres et Pays-Bas
- 25 juin : Les Écoles anglaise, allemande et espagnole
Tarif : 30 € – Tarif réduit : 20 €
À l’unité : Tarif : 6 € – Tarif réduit : 4 €
Sur réservation uniquement. Nombre de places limité. Tél. : 01 41 87 29 71
Commissaires de l’exposition :
- Dominique Brême – Directeur du Domaine départemental de Sceaux
- Ariane James-Sarazin – Directrice des musées d’Angers