Du 30 juin au 13 octobre 2013, le Conseil général de la Vendée présente De Chaissac à Hyber, parcours d’un amateur vendéen, une première exposition d’art contemporain à l’Historial de la Vendée, en partenariat avec le Fonds régional d’art contemporain des Pays de la Loire. De Chaissac à Hyber, parcours d’un amateur vendéen est une carte blanche confiée à Henri Griffon, président du Fonds régional d’art contemporain des Pays de la Loire. Cette exposition raconte l’histoire d’une passion pour l’art avec les oeuvres qui l’ont faite, partagée ainsi avec le public. Mais l’amateur d’art qu’est Henri Griffon, n’apparaît qu’en metteur en scène d’une expérience haute en émotions visuelles.
Volontairement hétérogène, le corpus d’oeuvres présenté court-circuite l’histoire de l’art par d’inédits rapprochements, mettant parfois en lumière certains artistes peu connus, mais assumant la subjectivité pour seule logique curatoriale. L’exposition est cependant traversée par des thématiques majeures de l’art contemporain comme la question de la représentation, du rapport de l’art au réel, de son usage des images existantes, tant dans les médias que dans l’histoire de l’art, avec la récurrence du motif de la mise en abîme, du tableau dans le tableau. L’exposition présente une cinquantaine d’oeuvres de diverses techniques : peintures, collages, photographies, installations … Henri Griffon a connu ses premiers « chocs esthétiques » au musée de l’Abbaye de Sainte-Croix, aux Sables d’Olonne, où il découvre entre autres Gaston Chaissac et Jules Lefranc. Deux figures tutélaires et deux amis qui ouvrent l’exposition en annonçant par ce grand écart stylistique l’amplitude d’un goût et d’une curiosité à longue portée. De Chaissac à Hyber donc, en passant par Hervé Télémaque, Eduardo Arroyo, Erró, Hervé di Rosa, Robert Combas, parmi ceux qui ont démenti l’arrêt de mort de la peinture figurative, libéré le dessin et inventé de nouveaux langages pour raconter des histoires et rester en éveil sur l’état du monde.
La deuxième partie de l’exposition réunit près de trente oeuvres provenant de la collection du Fonds régional d’art contemporain des Pays de la Loire. C’est encore un récit éclaté, celui d’une passion convertie en un engagement fort envers la scène contemporaine et pour la constitution du patrimoine de demain, avec l’excitation toujours vive de « pointer en avance les oeuvres et les phénomènes artistiques de demain ». Ce vaste paysage n’est composé que d’oeuvres puissantes, autant de « coups de coeur » pour la peinture qui n’a eu de cesse de se réinventer chez Jean-Michel Sanejouand, Thomas Huber, Wim Delvoye ou Yvan Salomone, pour citer des démarches absolument divergentes mais qui, pour notre hôte, procurent un plaisir égal des sens et de l’intellect. L’émotion cultivée au contact de la peinture jette aussi son dévolu sur la photographie (plasticienne) d’Eric Poitevin ou (sculpturale) de Philippe Gronon, et sur la sculpture (graphique) de Martin Boyce ou de Nathan Coley, ou encore sur des démarches conceptuelles et formellement inclassables comme celle d’Alain Bublex.
Ce parcours d’amateur qui prend son élan en Vendée devait se célébrer à maturité sur ce territoire, une manière de « rendre la pareille » à une région et à l’institution muséale, avec le désir de faire naître de nouvelles passions parmi un large public. Enfin cette générosité d’humeur excessivement joyeuse ne pouvait trouver plus dignes emblèmes que Gaston Chaissac et Fabrice Hyber, deux figures vendéennes, deux oeuvres débonnaires, l’une inscrite dans l’histoire l’autre qui poursuit sa destinée internationale.
Gaston Chaissac, Jules Lefranc : Les pères
Le parcours de l’exposition commence dans une salle intimiste qui réunit de manière inédite deux peintres découverts par Henri Griffon au Musée de l’Abbaye de Sainte-Croix, avant que leur oeuvre ne fasse l’objet d’une reconnaissance tardive pour Chaissac, et encore attendue pour Lefranc. Les deux artistes, qui nourrissaient une admiration mutuelle, ont affirmé un style pictural à rebours des tendances dominantes de l’art des années 1940, majoritairement tournée vers l’abstraction. Tous deux autodidactes mais très au fait de l’art de leur temps, ils ont été trop tôt qualifiés de peintres naïfs. A apprécier leur oeuvre dans un rapport privilégié et au regard des multiples sursauts et réinvention du langage pictural des années 1960 à nos jours, l’on aperçoit le caractère visionnaire de cette fausse naïveté : le traitement mécanique et la transfiguration des objets industriels en véritables icônes chez Lefranc semble pressentir le Pop Art, tandis que la libération du trait et l’explosion des couleurs en aplat chez Chaissac annoncent la figuration libre.
Figurations, des années 1960 à 2000
La deuxième séquence de l’exposition fait place à des oeuvres de très grand format. Volontairement éclectique, ce parcours témoigne de la vivacité avec laquelle le langage pictural n’a cessé de se réinventer, traversant les mouvements et les décennies, en puisant ses références dans toutes les strates de la culture (la bande-dessiné, l’affiche, le cinéma) et en tirant partie des nouvelles techniques. Il va des représentants de la Figuration narrative – Hervé Télémaque, Eduardo Arroyo –, à la génération suivante, qui a fondé la Figuration libre –Erró, Hervé di Rosa et François Boisrond –, en passant par Jacques Villeglé, figure de proue du Nouveau Réalisme, jusqu’aux grands dessins numériques d’Alain Bublex. Ces démarches singulières retiennent l’attention par la manière dont elles mettent en crise la représentation, questionnent sans cesse leurs moyens pour parler le plus efficacement du monde. Le regard critique porté sur la réalité contemporaine croise à plusieurs endroits les mythologies et les fictions personnelles. La représentation digérée et l’image revivifiée du monde moderne fait émerger, sans surprise, le thème de la ville (chez Villeglé, Bublex ou Gilles Barbier) que l’on trouvait dans les toiles de Jules Lefranc.
Kaléidoscope, coups de coeur au Frac des Pays de la Loire
En devenant président du Fonds régional d’art contemporain des Pays de la Loire en 2000, Henri Griffon poursuit son parcours d’amateur dans une mission publique où il est aux premières loges de l’art s’inscrivant dans le patrimoine. Dans cette sélection toute personnelle, l’on retrouve la peinture contemporaine dans tous ses états, autour de Jean-Michel Sanejouand, Miquel Barceló, Philippe Cognée, Yan Pei-ming, Thomas Huber ou Yvan Salomone, autant d’artistes qui ont inventé leur propre langage pictural (accompagné d’une pratique d’écriture pour ces deux derniers, nous rappelant que Chaissac, lui aussi, magnait la plume). La sculpture est également représentée avec des oeuvres marquantes de Xavier Veillan ou Martin Boyce ; et enjambe les frontières entre la peinture et l’architecture avec la série des Camouflage Church de Nathan Coley. La photographie quant à elle devient objet chez Philippe Gronon, ou reprend sa source dans la peinture chez Eric Poitevin. Enfin, l’on pourra être surpris de trouver en conclusion d’une exposition centrée sur l’art figuratif, deux (prétendus) monochromes. Dans le Mètre carré de rouge à lèvre de Fabrice Hyber et 30 chefs d’oeuvre en 30 figures de François Morrelet, la sensualité et l’humour défient le purisme présumé de l’art abstrait.
Liste des artistes exposés :
Eduardo Arroyo, Gilles Barbier, Miquel Barceló, François Boisrond, Martin Boyce, Alain Bublex, Gaston Chaissac, Philippe Cognée, Nathan Coley, Robert Combas, Wim Delvoye, Erró, Philippe Gronon, Thomas Huber, Fabrice Hyber, Jules Lefranc, François Morellet, Eric Poitevin, Hervé di Rosa, Yvan Salomone, Jean-Michel Sanejouand, Peter Saul, Hervé Télémaque, Patrick Tosani, Xavier Veilhan, Jacques Villeglé, Yan Pei Ming.
- Exposition du 30 juin au 13 octobre 2013
- Le site de Historial de la Vendée : www.historial.vendee.fr