Quand l’histoire de l’or bleu s’écrit sous la plume de l’écrivain Daniel Bernard
Daniel Bernard, auteur de plusieurs ouvrages dont Le Saunier de Saint Clément, Les Magayantes, Sonate pour le saxo d’Octave, La scandaleuse baronne de Tencin et Les Flamboyants distingué par le Prix André Chénier, Daniel Bernard, passionné de mer et d’écriture, nous livre en ce mois de juin 2016 son dernier opus, La route de l’or bleu.
Plus cher que le caviar de Pétrossian, la truffe noire du Périgord ou le parfum Dior, l’or bleu du pastel est beaucoup plus qu’une couleur. S’il est certes moins voyant que le rouge et le jaune, le bleu est synonyme de mer, d’horizon, de rêve, de sagesse et de sérénité. Il est l’une des couleurs préférées des Occidentaux quelques soient les générations.
Symbole de vérité, l’Europe l’a choisi pour unir les hommes sous son étendard étoilé. Echo de vie, il représente l’humanité qui travaille en blue-jeans et bleu de chauffe. Tel un parfum venu d’Orient, il a inspiré voire obsédé certains artistes qui lui ont consacré des oeuvres entières tels Picasso et Klein qui ont traversé des périodes bleues, et Delacroix qui déclarait que les notes bleues ont des tonalités que seuls les peintres et les musiciens savent reconnaître.
Daniel Bernard nous en raconte l’histoire, nous entraînant à Byzance, Venise, Bruges, vers l’opulence et les chemins du Pays de cocagne. Il nous apprend ainsi que depuis l’Antiquité, les bleus s’apprivoisent. Des bleus extraordinaires se côtoient à Constantinople : le bleu des caravanes de la soie, le cobalt de Samarkand, l’anil qui donnera son nom au Nil bleu d’Égypte, et l’indigo de Grèce qui en grec ancien se disait indikon provenant des Indes.
Puis, bizarrement, ces bleus s’arrêtent aux portes de l’Europe. Au Moyen Âge, le bleu rivalise avec l’étendard de l’Islam triomphant ; la cour de France s’habille de “bleu roi”, la Vierge de “bleu marial” et l’improductif désespoir des peintres et des écrivains se transforme en “bleu à l’âme” fécond. Au XVIe siècle, des volets bleus apparaissent aux fenêtres des îles de l’Atlantique. Partout, sauf dans l’île de Ré où les volets restent verts.
Le pastel voit le jour à Toulouse. Unique en Europe, ce bleu féerique va offrir aux navigateurs bretons l’occasion de se sublimer. Les Bigoudens de Penmarc’h vont ainsi braver les océans de par le monde pour ouvrir et révéler le mystère de La route de l’or bleu.
Daniel Bernard écrit, « L’or bleu fait partie de la famille des pigments. Appelé bleu pastel, il s’exile à Toulouse. Véritable personnage de roman, cet «être de couleur» est un héros malheureux. Son univers est glauque. Il connaît la noirceur des pressoirs, la puanteur des cuves. Submergé d’urine humaine, il émerge pourtant vers la luminescence d’un bleu absolu. Pour lui, le pape bouscule la symbolique des couleurs. Faire-valoir de son siècle, il « prend chair » à la cour de France. Un matin de juillet 1562, le pastel est terrassé. Le héros meurt en pleine gloire. Aujourd’hui, en Bretagne, à Toulouse, on continue à appeler l’indigo le pastel. Les pastellistes continuent de le faire rayonner. Comme le héros du roman, le Phoenix de la tragédie grecque, le pastel renaît de ses cendres. »
Ecrit avec le concours de François Blanchard, photographe grand reporter, et d’Alain Gaudillat, spécialiste des cartes anciennes, Daniel Bernard esquisse les contours de cette couleur oubliée de l’Histoire et dont la portée romanesque est toujours présente six siècles plus tard. Un très beau livre pour colorer l’été.