Nikola Trumbo : “Aujourd’hui, on retient surtout que Trumbo a été communiste, mais on ne se rend pas compte qu’en réalité c’était un patriote”, dit-elle.
Hollywood, la Guerre Froide bat son plein. Alors qu’il est au sommet de son art, le scénariste Dalton Trumbo est accusé d’être communiste. Avec d’autres artistes, il devient très vite infréquentable, puis est emprisonné et placé sur la Liste Noire : il lui est désormais impossible de travailler. Grâce à son talent et au soutien inconditionnel de sa famille, Il va contourner cette interdiction. En menant dans l’ombre un long combat vers sa réhabilitation, il forgera sa légende..
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les relations entre les États-Unis et l’Union soviétique se dégradent et la peur de la “menace communiste” atteint des sommets sans précédent. C’est dans ce contexte que la Commission des Activités Antiaméricaines (HUAC: House Un-American Activities Committee) enquête sur des dizaines de milliers d’Américains soupçonnés de sympathie procommuniste. Des enseignants, des fournisseurs de matériel militaire et des fonctionnaires, entre autres professions, perdent leur emploi, leur réputation et même leur famille, tandis qu’une vague de suspicion et de paranoïa déferle sur le pays.
La HUAC s’intéresse particulièrement à Hollywood et organise des audiences en octobre 1947 destinées à purger le secteur cinématographique de ses éléments communistes. De nombreux acteurs, réalisateurs, producteurs et scénaristes de tout premier plan sont publiquement critiqués en raison de leur proximité avec des organisations jugées “anti-américaines”. Craignant de perdre leur travail, nombreux sont ceux qui acceptent de témoigner contre leurs amis et confrères. En revanche, dix d’entre eux refusent de répondre à la moindre question, contestant la légitimité de la Commission à les interroger sur leur sensibilité politique et dénonçant les audiences comme une violation de leurs droits civiques. Ces dix personnes sont condamnées à de la prison ferme pour outrage au Congrès. Le plus célèbre d’entre eux est Dalton Trumbo.
Originaire de la petite ville de Montrose, dans le Colorado, Trumbo arrive à Los Angeles en 1925 avec ses parents et sa soeur pour y trouver une stabilité financière. À la mort de son père, c’est désormais lui qui fait vivre sa famille : il n’a que 21 ans. Il travaille dans une boulangerie, mais sa passion pour l’écriture le pousse à publier des articles et des nouvelles dans Vanity Fair, le Saturday Evening Post et le Hollywood Spectator. Contraint de trouver un équilibre entre ses obligations familiales et ses ambitions artistiques, il se découvre très tôt une compassion pour la classe ouvrière et un intérêt marqué pour la question des inégalités sociales et des privilèges de caste.
Après avoir décroché un contrat d’écriture à la Warner, Trumbo s’impose comme le scénariste le plus recherché d’Hollywood grâce à son énergie, sa détermination et son sens de l’humour. Mais on se souvient surtout de lui aujourd’hui comme l’artiste le plus en vue des “Dix d’Hollywood”.
Brillant, ambitieux et polémique, Trumbo se plaisait à dénoncer ce qu’il considérait comme l’hypocrisie et l’injustice dans ses films, à l’instar de VACANCES ROMAINES et des CLAMEURS SE SONT TUES, écrits tous les deux sous des pseudonymes au cours de ses treize ans d’exil, ou encore d’importantes productions comme SPARTACUS et EXODUS, qui ont relancé sa carrière et amorcé le déclin de la Liste noire.
Le scénariste John McNamara a découvert l’histoire de Dalton Trumbo lorsqu’il étudiait l’écriture scénaristique sous la supervision d’auteurs qui avaient eux-mêmes été “blacklistés”, comme Ring Lardner Jr., Waldo Salt et Ian McClellan Hunter, qui avait servi de prête-nom à Trumbo. “J’ai dit à Hunter que j’avais adoré le scénario qu’il avait écrit pour VACANCES ROMAINES”, souligne McNamara. “Il m’a répondu qu’il n’en était pas l’auteur, mais qu’il s’agissait de Dalton Trumbo“.
Hunter a pris conscience que non seulement McNamara ignorait l’impact considérable des audiences de la HUAC et de la liste noire, mais qu’il en était de même des autres étudiants. “Pendant deux jours, ces hommes, qui avaient connu cette époque, nous ont raconté leur histoire de leur point de vue”, se souvient McNamara. “Lorsque Ian m’a conseillé de lire la biographie de Trumbo écrite par Bruce Cook, je me suis empressé de le faire”.
McNamara y a décelé la matière pour un film capable d’évoquer cette période tourmentée de l’histoire politique américaine à travers une trajectoire individuelle. “C’est très rare de tomber sur une histoire vraie qui se termine bien“, note-t-il. “À Hollywood, on élabore des dénouements heureux parce qu’il y en a très peu dans la vraie vie. Cette histoire m’a captivé et n’a cessé de me hanter, mais je n’arrivais pas à couche sur le papier ce que j’envisageais dans mon esprit – jusqu’à ce que je tombe sur un article écrit par la fille aînée de Trumbo, Nikola“. En lisant ce récit dense et poignant, intitulé “Une enfance différente”, McNamara s’est aperçu qu’il considérait son protagoniste comme un scénariste et un militant politique, mais qu’il ne connaissait rien de l’homme. “Grâce à l’article de Nikola, j’ai découvert un être faillible et pétri de contradictions“, reconnaît-il. “Elle parle du type de père et de mari qu’il était, et elle raconte ce qu’elle a ressenti lorsque sa famille a reçu les citations à comparaître. Tout cela m’a ouvert de nouveaux horizons“.
“C’était un marginal et un type opprimé par le système“, déclare le producteur Michael London, qui a très tôt souhaité s’engager dans l’aventure. “Il était à la fois capitaliste et communiste. C’est ce genre de contradictions qui définissent les personnages les plus forts. Par-dessus tout, j’adorais sa volonté d’affronter le pouvoir en place et de sacrifier sa propre carrière au nom d’une cause juste. Trumbo détestait les tyrans. Il refusait de répondre aux questions s’il risquait, chemin faisant, d’être déloyal envers ses amis. Et il l’a payé cher – très cher“.
Nikola Trumbo est toujours extrêmement fière de l’héritage de son père qu’elle tient à préserver : “Aujourd’hui, on retient surtout que Trumbo a été communiste, mais on ne se rend pas compte qu’en réalité c’était un patriote”, dit-elle. “Il était communiste à la fin des années 30 et au début des années 40, à une époque où cela voulait dire qu’on défendait la classe ouvrière et qu’on s’opposait aux lois ségrégationnistes, et qu’on se battait pour les droits civiques accordés aux Noirs américains. Cela n’avait rien à voir avec la Russie : il s’agissait de réfléchir à la manière dont un grand pays comme les États-Unis pouvait encore accomplir des progrès“.
“Il estimait que le Congrès n’avait aucunement le droit de l’obliger à révéler ses opinions politiques”, ajoute-t-elle. “Je crois qu’il a été abasourdi d’avoir perdu ce combat. C’est l’histoire d’un homme qui est resté fidèle à ses propres croyances et convictions. C’est le genre de héros que nous pouvons tous aspirer à devenir, quels que soient nos défauts et nos faiblesses“.
BRYAN CRANSTON Dalton Trumbo
DIANE LANE Cleo Trumbo
HELEN MIRREN Hedda Hopper
ADEWALE AKINNUOYE-AGBAJE Virgil Brooks
DAVID JAMES ELLIOTT John Wayne
ELLE FANNING Nikola Trumbo
LOUIS C.K. Arlen Hird
JOHN GOODMAN Frank King.
Réalisateur JAY ROACH
Scénariste/Producteur JOHN McNAMARA
Directeur de la photographie JIM DENAULT
Chef-décorateur MARK RICKER
Compositeur THEODORE SHAPIRO