Dalila Dalléas Bouzar mêle l’intime et le social en inscrivant la critique de la condition actuelle de la femme au sein d’un cheminement entre les vides et les pleins qui fondent son identité́ plurielle.
Innocente est la deuxième exposition personnelle de l’artiste franco-algérienne Dalila Dalléas Bouzar à Abidjan. Elle s’attache au pouvoir de la femme comme transmission, objet de contestation et aujourd’hui de revendication. Elle partage une réflexion sur la place des femmes dans la société, en choisissant de faire de leur corps l’élément central de ses toiles. Véhicules du patriarcat et des dominations qui l’accompagnent, les corps entrent sous les traits de Dalila dans un processus de déplacement et donc de libération, tant physique que symbolique.
« J’ai l’impression qu’il y a comme un secret que je cherche et qu’il me faut révéler, comme si quelqu’un d’une génération antérieure me parlait. Un peu comme quelque chose qui tape à la porte de façon continue. » Extrait d’un entretien entre Dalila Dalléas Bouzar et Elsa Guily
Si elle soulève la question de l’identité, elle la laisse se dire par la voix de la chair, de la trace à même la peau. La peinture est pour elle, le moteur d’une réflexion née de sa révolte face à la condition des femmes et à l’histoire des dominations.
Suite à une résidence en Algérie aux côtés de brodeuses traditionnelles, son oeuvre textile Adama a été présenté en Algérie au Musée du Bardo. Elle l’est aujourd’hui à la Galerie Cécile Fakhoury.
La tapisserie, Adama, est inspirée d’une technique de broderie à fil d’or traditionnellement utilisée en Algérie lors des mariages, comme vêtement porté par la future mariée. Cette pièce illustre le renversement d’une dépendance verticale arbitraire vers un nouvel ordre des choses. Adama charrie avec elle toute une lignée de femmes : celles qui composent la famille algérienne de l’artiste, les brodeuses et les couturières qui l’ont confectionnée et plus largement la femme, dans sa pluralité et sa globalité, inévitablement concernée par la question de la symbolique de son corps. Technique de broderie à l’origine destinée et réservée aux chefs de guerre, le karakou est devenu une tenue rituelle de mariage portée par la mariée.
Aujourd’hui, Dalila Dalléas Bouzar souhaite à nouveau en détourner la fonction symbolique pour en faire un outil de pouvoir au service de la libération de la femme. Un déplacement a ainsi lieu, d’une situation de soumission à un retour vers une position de puissance.
La peinture de Dalila Dalléas Bouzar est une parole profonde et plurielle, faite de savoirs invisibles et d’un héritage transmis en pointillés, qu’il est nécessaire de se réapproprier. En écho à cette tapisserie, qui constitue le coeur de l’exposition envisagée comme un corps – le corps étant à son tour envisagé comme un lieu –, répondent les nus féminins, aux couleurs contrastées. L’artiste vient renverser les codes de la peinture classique : certains traits restent inachevés, le genre de la peinture à l’huile est bousculé par des couleurs fluorescentes en arrière-plan et la perspective est déconstruite avant d’être subtilement recréée par le placement des volumes. Née en 1974 à Oran en Algérie, Dalila Dalléas Bouzar vit et travaille à Bordeaux.
Dalila Dalléas Bouzar : Innocente
Exposition du 13 décembre 2019 au 29 février 2020
Galerie Cécile Fakhoury
Boulevard Latrille
Cocody, Abidjan – Côte d’Ivoire
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