CHIEN le nouveau film de Samuel Benchetrit

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CHIEN de Samuel Benchetrit
CHIEN de Samuel Benchetrit

Samuel Benchetrit : Un jour, alors que je me promenais avec mon fils et le chien que je lui avais offert, je suis tombé sur un SDF qui pleurait à chaudes larmes. C’est assez rare qu’un homme à terre comme on en voit trop souvent pleure de toutes ses forces.

Cet été, Samuel Benchetrit épousera Vanessa Paradis. Tout a commencé pour eux sur un plateau de tournage en octobre 2015, lorsque Samuel Benchetrit demande à Vanessa Paradis de jouer dans son film, “Chien“. Adaptée d’un de ses romans, l’histoire raconte le quotidien d’un homme sans ambition qui finit par se transformer en chien pour se soumettre entièrement .

Le synopsis :

Jacques Blanchot perd tout : sa femme, son travail, son logement. Il devient peu à peu étranger au monde qui l’entoure, jusqu’à ce que le patron d’une animalerie le recueille.

Questions à Samuel Benchetrit

Avant d’être un film, Chien a été un livre publié en 2015. Comment en est née l’idée ?

Samuel Benchetrit : C’est mon éditeur Olivia Nora qui m’a poussé à l’écrire alors que je sortais d’une période assez difficile de ma vie, une dépression. Du moins, je lui avais raconté un peu de cette histoire, rien de bien précis, mais elle évoquait des mystères en moi et une sorte de spiritualité. J’avais alors le sentiment de ne plus faire partie de la société à laquelle j’appartiens depuis toujours. Et même une fois sorti de l’œil du cyclone, je voyais le monde comme un immense mécanisme, dont je n’étais qu’une pièce éjectée qui ne servait plus à rien. J’étais frappé d’absurdité ! Un jour, alors que je me promenais avec mon fils et le chien que je lui avais offert, je suis tombé sur un SDF qui pleurait à chaudes larmes. C’est assez rare qu’un homme à terre comme on en voit trop souvent pleure de toutes ses forces. Là-dessus, un groupe de femmes fonce vers mon fils et moi pour câliner le chien sans un regard pour le SDF ! Le point de départ du livre se situe quelque part ici. A travers lui, j’ai eu envie de parler de notre société actuelle où on nous demande à tous beaucoup et de plus en plus : l’argent, la séduction, la beauté… Et pour cela, est arrivé un personnage à qui, à l’inverse, on ne demanderait absolument rien ! Un homme qui deviendrait un chien. Donc qui n’a pas de problème d’argent et à qui on ne demande pas d’avoir de l’humour, de la conversation ou de la répartie… Une idée un peu naïve sans doute mais derrière laquelle point, selon moi, un évident fond politique et social.

Pourquoi avoir voulu adapter de ce livre au cinéma ?

Samuel Benchetrit : J’ai écrit Chien sans jamais penser à faire un film. C’est mon producteur d’Asphalte, Julien Madon qui en a eu l’idée. Ca m’a d’abord surpris car ce roman me paraissait totalement inadaptable, en particulier sa deuxième partie où mon personnage se métamorphose en chien. Mais on commence à en discuter ensemble. Et là, il m’explique qu’à ses yeux, l’idée centrale du livre est cette notion de déclassement, sa plus grande angoisse au monde. Alors, je relis mon livre et je découvre que dès le départ, Jacques Blanchot se comporte comme un chien. Il est d’emblée dans une totale soumission. Il ne réagit pas une seconde au fait que sa femme se gratte et devienne soi-disant allergique à sa présence. Or, pour avoir vécu ces périodes de dépression, je sais que la soumission constitue une porte de sortie, un radeau au milieu de la tempête. On se met dans le sens du vent et on attend que ça se calme. Le véritable courage peut aussi se cacher dans le fait de ne pas résister. Porter à l’écran cette histoire ne me paraît donc plus impossible et je me lance dans son adaptation avec mon complice habituel, Gabor Rassov.

Qui est alors Jacques Blanchot à vos yeux ?

Samuel Benchetrit : Avant tout un homme totalement dénué de cynisme. A l’image des animaux qui n’ont aucune revanche à prendre et ne cherchent pas a priori à se venger et à manipuler. La métaphore nous paraissait donc assez simple. Prenez le héros de La métamorphose de Kafka qui se transforme en cafard : à aucun moment, il ne se pose la question de pourquoi et comment il devient un cafard. La seule chose qui l’intéresse est de savoir ce que vont dire et voir les autres : les voisins de son immeuble, ses collègues de travail… Donc en creux, Chien parle du monde dans lequel on vit, dominé par l’apparence et le paraître. Jacques est d’emblée porté vers le ciel. Le ciel et les hélicoptères qui y passent parfois, le ciel au-dessus de la ville industrielle où l’on confond les nuages et la chimie. Jacques croit les gens. Il ne prend rien contre lui. Il est automatiquement dans la démarche de comprendre l’autre et de se dire qu’il a une bonne raison de ce conduire de telle ou telle façon. Il est aussi dégagé du lendemain. Il n’est pas dans la prévoyance. Il ne se dit pas que sa vie va s’arranger puisqu’il ne se sent ni trahi, ni dans l’injustice.

Vous voyez Chien comme un film politique ?

Samuel Benchetrit : Oui car il parle à sa manière de fascisme, d’autorité et de pouvoir. Vincent Macaigne y voit même un rapport au djihadisme. Comme dans tous les films qui sont des abstractions ou des dystopies, chacun peut en fait y mettre ce qu’il ressent. J’aime que l’on me parle d’une réalité sans ne jamais perdre le rêve. C’est ce que sont les hommes, je crois. Je veux être proche de mon personnage, ne pas non plus chercher à forcer le spectateur à une idée ou une pensée unique. Aussi, pour moi, Chien est un film sur des gens en colère, à bout, à bout de force au cœur d’un monde qui s’effondre. Des populations de plus en plus nombreuses que l’on sollicite chaque jour davantage, ce qui les conduit à une plus grande crise identitaire et à une solitude.

Vanessa Paradis
Vanessa Paradis – ©JO VOETS – UMEDIA – SINGLE MAN PRODUCTIONS

Pour compléter le trio central du film avec notamment Vincent Macaigne et Bouli Lanners, vous avez fait appel à Vanessa Paradis dans le rôle de la femme de Jacques. Pourquoi ce choix ?

Samuel Benchetrit : Vanessa est la première à qui j’ai pensé. Cela fait longtemps que je voulais travailler avec elle. Car il se dégage d’elle depuis toujours une humanité incroyable et une grâce peu commune. Soit deux éléments essentiels pour ce rôle de femme que j’ai beaucoup adouci par rapport au roman mais qui va tout de même abandonner son mari, au fil de scènes franchement complexes à interpréter. Je savais que cette sympathie immédiate qui émane d’elle et la popularité chaleureuse qui l’entoure depuis des années allaient apporter énormément à ce personnage. Mais j’avais aussi conscience qu’il s’agissait d’un petit rôle et je pensais franchement qu’elle déclinerait la proposition. Pourtant, quasi immédiatement, elle m’a dit oui. Là encore, comme pour Vincent et Bouli, par goût du jeu. Parce que ça l’amuse. Au sens premier du terme. Et parce qu’elle avait envie de voir ce film.

Comment se sont passées les premières projections dans les festivals ?

Samuel Benchetrit : Contrastées ! Certains adorent. D’autres ont quittés la salle pendant les scènes plus violentes de la fin. Mais je comprends, enfin, je sais qu’un film comme Chien ne peut pas faire l’unanimité. Et tant mieux. Je crois que ce film a besoin de se digérer. C’est difficile d’en parler après la projection. J’ai fait quelques rencontres avec le public après des séances en festivals. Jamais je n’ai eu de rencontres aussi passionnantes et même aussi longues après un film. L’impression que les gens reprenaient leurs esprits au fur et à mesure. On m’a dit plusieurs fois « Pourquoi cette violence ? » Mais je n’ai pas l’impression que ça l’est plus qu’au journal de 20h sur TF1. Sauf que cette violence à 20h est dans le réel, on l’accepte, on la démocratise. On m’a dit « Je vais au cinéma pour me divertir ! ». Moi aussi ! Mais j’y vais pour des milliers de raisons. Pour avoir peur. Pour rire. Pour pleurer. Pour être secoué. Les films des autres, à toutes les périodes de ma vie m’ont secoué, dérangé, et surtout fait changer. Ils m’ont donné de la force, de l’amour, de la colère. Ils m’ont montré mon monde, d’autres mondes, d’autres mondes dans mon monde. Ils m’ont fait me demander.

CHIEN de Samuel Benchetrit
Avec : Vincent MACAIGNE, Vanessa PARADIS, Bouli LANNERS
Durée : 1h34
Au cinéma le 14 mars 2018

CHIEN : Teaser 1

CHIEN : Teaser 2