Chante ton bac d’abord raconte l’histoire tumultueuse d’une bande de copains de Boulogne-sur-Mer, une ville durement touchée par la crise. Un an entre rêves et désillusion. Imaginées par ces adolescents issus du monde ouvrier ou de la classe moyenne, des chansons font régulièrement basculer le réel dans la poésie, le rire et l’émotion.
À quoi rêve-t-on quand on a 17 ans dans une région de France frappée par la crise économique ? En débarquant à Boulogne-sur-Mer il y a deux ans, je n’avais qu’une idée encore imprécise de ce que ce film serait, lorsque j’ai croisé une « bande » au lycée public Auguste Mariette. L’hilarant Alex, l’innocente Gaëlle, l’émouvante Caroline, le mystérieux Nico et la fière Rachel. Des copains inséparables, qui souvent tenaient les murs du lycée et qui me « tapèrent dans l’oeil » lors des repérages autorisés par un proviseur compréhensif – qu’il en soit ici remercié ! Inséparables donc, idéalistes, un peu rebelles aussi : du genre regard en dessous, accrochés à leurs clopes roulées dans les petits matins brumeux, gloussant devant les grilles du lycée, d’un rire vachard à rendre parano les passants.
En les approchant, je leur ai expliqué mon idée encore vague : « Vous filmer toute l’année jusqu’au bac, mais surtout raconter l’histoire d’une bande dans une région en crise, vos rêves, vos parents, vos vies. » Non seulement ils étaient pour la plupart dubitatifs (un euphémisme), mais je ne leur avais pas tout dit et l’entreprise s’annonçait périlleuse : j’imaginais en effet depuis le commencement que ces adolescents pourraient interpréter au fil du documentaire des chansons inspirées par leurs vies ou par leurs rêves. Une manière de faire basculer le réel dans une autre dimension et, pour eux, de s’approprier le dispositif du film. Je voulais leur offrir la possibilité de « jouer » avec le regard du spectateur : celui d’adultes parfois nostalgiques d’un monde ancien – le discours « décliniste » selon un néologisme à la mode en France ces temps-ci.
Cet univers désenchanté et enchanté à la fois, je l’imaginais proche des films sociaux anglais, sombre et drôle à la fois. À un détail près : c’était un documentaire. Sans scénario. Sans acteurs. Et sans l’assurance que cette bande, qui me plaisait tant, serait d’accord pour me suivre pendant des mois dans ce projet fou. J’avais aussi besoin de l’accord de leurs parents, que je projetais de filmer dans leur travail et à qui je voulais réserver une grande place dans le film. J’ai soigneusement caché au départ mon intention de faire un film musical. Je craignais que cette idée suscite l’incrédulité ou au contraire attire les apprentis chanteurs, ce qui n’était pas le projet du film. De leur côté comme du mien, cette période fut celle des questions et des craintes.
Ce qui s’est passé ensuite, comment le décrire ? Comme un rêve. Un moment qui a duré un an, où le réel a semblé épouser mon imaginaire. Au fil des saisons, la complicité s’est installée. Et le rêve s’est déployé. J’ai vu ces adolescents s’approprier ce que j’avais fini par leur avouer après quatre mois de tournage : l’écriture de chansons sur leur vie, mises en scène dans de petites « virgules » au milieu du réel. Je craignais le sarcasme, la peur, l’incapacité vocale ; ils m’ont offert l’enthousiasme, la créativité, l’émotion. L’histoire de Chante ton bac d’abord, c’est 100 jours de tournage, 200 heures de rush dans lesquels nous avons voulu saisir la « fragilité » du monde adolescent, avec une caméra mouvante, peu de profondeur de champ, la lumière naturelle. C’est aussi onze scènes chantées, enregistrées dans la chambre d’un appartement loué non loin du lycée pendant un an. Des mois de montage à chercher l’équilibre entre le réel et la chanson. Et la production musicale à Paris, l’enregistrement des cordes, le mixage.
À l’origine, le projet a été soutenu et financé par l’Unité documentaire de France 2. Aujourd’hui, l’accueil réservé au film dans les festivals et le soutien de Bodega Films lui ouvrent les portes des salles de cinéma, après une diffusion unique sur France 2 en octobre 2014.
Tout au long de cette histoire, nous nous sommes attachés à ces adolescents qui nous ont confié une partie de leur vie, de leurs rêves, de leurs doutes. Pour ces familles et pour ces bacheliers, une nouvelle aventure commence avec la sortie du film.
Photo : David André – Gaëlle Bridoux
Gaëlle Bridoux
Caroline Brimeux
Nicolas Dourdin
Alex Margollé
Rachel Motte
Alice Dutertre
Et leurs parents
Réalisation : David André
Production : Emmanuel François
Photographie : Thibault Delavigne
Chante ton bac d’abord
À quoi rêvent les jeunes filles ? Dans un pays où on vous répète chaque jour que tout fout le camp, il n’est pas facile de croire en son avenir.
AU CINÉMA LE 22 OCTOBRE
www.chantetonbacdabord-lefilm.com