Bettina passe les premières années de sa vie à Rouen, dans la région d’Elbeuf en Haute-Normandie. Son père ayant quitté la maison familiale alors qu’elle avait six mois, elle est élevée, avec sa soeur Catherine, son aînée de trois ans, par leur mère, institutrice d’école maternelle dans la région. Auprès de cette femme aimante et chaleureuse, Bettina connaît une enfance heureuse.
La guerre survient, et l’exode : elle part avec sa soeur pour Angers où vit leur grand-mère,qui est tuée au cours d’un bombardement. Il faut fuir de nouveau. Elles partent alors pour Agen puis retournent à Elbeuf, jusqu’à la Libération, quatre ans plus tard. De ces années difficiles, où elle a maintes fois frôlé la mort, Bettina sort indemne, peut-être plus forte même, consciente que la peur lui est étrangère.
Son caractère s’est révélé, affirmé, et elle fait preuve d’un exceptionnel équilibre. Sa foi dans l’existence, sa vitalité sont des atouts qui favoriseront un parcours hors du commun. Cependant Bettina aime trop la vie pour se préoccuper du destin. Comme toutes les jeunes filles de son âge, Bettina rêve. Mais déjà, elle fait partie de celles qui vivent leurs idéaux. Un jour au cinéma, voyant Janine Charrat danser La Mort du cygne, elle décide de devenir danseuse. Elle se confectionne des chaussons avec des espadrilles rembourrées et se met à travailler la danse avec une amie tout aussi passionnée, mais aussi dépourvue d’expérience qu’elle. Au bout de quelques mois, elles réussissent à faire une apparition sur scène lors d’une fête de patronage. Bettina est alors remarquée par une danseuse américaine, qui lui offre ses premiers véritables chaussons de danse. C’est elle qui lui enseignera le travail à la barre et les claquettes. Bettina affirme déjà un port de tête sans égal et un sens de la pose instinctif.
À 18 ans, elle décide d’aller vivre à Paris. Elle l’a toujours voulu, depuis que sa soeur Catherine y habite. Chaque fois que Catherine revient, elle est vêtue comme une Parisienne, et sa petite soeur aime ces tenues, qui sont pour elle le comble du chic. Elle essaie les robes, les souliers et les bas de soie avec un bonheur évident. Jugeant qu’il n’y a pas d’avenir pour elle à Elbeuf, c’est avec plus d’espérances que de ressources qu’elle se lance dans l’aventure : elle part pour la capitale, décidée à devenir dessinatrice de mode.
Gordon Parks, Paris, 1951 © The Gordon Parks Foundation
« Si M. Lelong ne vous prend pas, moi, je vous engage car je vais ouvrir ma maison de couture. » C’était Christian Dior ! Elle ne reste que peu detemps chez Lelong parce qu’elle s’y ennuie. Son choix se porte alors sur Jacques Fath.
Lorsqu’elle se présente dans sa maison de couture, Fath l’accueille avec sa gentillesse habituelle et l’engage instantanément. C’est Fath qui la baptisera Bettina. Leur rencontre est le début d’une métamorphose. C’est une période joyeuse où tout lui réussit, où la vie change une fois encore.
Dans ces années-là, les mannequins faisaient obligatoirement partie d’une maison de couture. Ils étaient attachés à un couturier qu’ils représentaient exclusivement, ne défilant que pour lui. La rencontre de Bettina avec Fath est l’amorce d’un style nouveau.Elle devient la muse de Fath. Sa carrière commence dans la photo. Elle est sollicitée par tous les magazines de mode. Naturellement douée, Bettina devient en quelques mois la première cover-girl de France.
Elle travaille beaucoup pour des séances de photos. Tous le plus grands photographes de le monde se la disputent : Irving Penn, Dick Dormen, Norman Parkinson, Erwin Blumenfeld, Henry Clarke, Gordon Parks, Jean-Philippe Charbonnier… jusqu’à Henri Cartier-Bresson qui refuse normalement toute idée de photos de mode. Pourtant, séduit par la personnalité de Bettina, il la photographiera au naturel, réussissant des images magnifiques. A 22 ans, elle est devenue le plus célèbre des modèles.
Invitée aux États-Unis par Vogue à la demande du grand photographe américain Irving Penn, pour qui elle a posé un an auparavant à Paris, Bettina entre dans la célèbre et toute nouvelle agence d’Eileen Ford, en 1950.
En 1952, elle entre chez Hubert de Givenchy et l’aide à lancer sa maison de couture. Travailler avec Givenchy est pour Bettina un véritable bonheur car elle participe à tout. Lorsqu’il l’emmène à New York, où elle présente ses modèles comme mannequin, mais fait aussi office d’attachée de presse au cours du célèbre bal de bienfaisance April in Paris, qui a lieu au Waldorf Astoria, le réalisateur Edward R. Murrow lui propose de travailler pour la télévision et un producteur de cinéma lui offre un contrat à Hollywood.
C’est pour elle l’occasion de découvrir un nouveau monde, celui du cinéma, des acteurs, metteurs en scène et producteurs. Elle rencontre Greta Garbo, Liz Taylor, Gregory Peck, Les Bogart, Ava Gardner, John Huston, Irving Shaw, Charlie Chaplin…
L’année 1955 marquera le sommet de sa carrière. Les photos de Bettina sont dans la presse du monde entier et elle n’arrête pas de travailler. Le tarif de pose de Bettina atteint alors des sommets : sept mille francs de l’heure ! Du jamais vu à cette époque.
C’est à cette époque-là que Bettina va rencontrer l’amour de sa vie et pour lui, elle va quitter la mode, décidant d’abandonner les maisons de couture et cessant de poser pour les magazines du jour au lendemain. Malgré son départ prématuré de la grande scène de la mode et cet arrêt net de sa spectaculaire trajectoire de mannequin, Bettina est toujours restée présente dans le monde de la mode. Preuve en est, ces photos d’elle où l’on ne distingue souvent pas le cliché privé de l’image de magazine, et ces « retours » fréquents à ce monde qui n’arrive pas à l’oublier : en 1969, Coco Chanel lui demande de poser pour une collection entière qu’elle va inspirer et présenter, puis c’est Emanuel Ungaro qui l’appelle pour s’occuper de sa couture… les magazines, intrigués par cette silhouette archiconnue, qui désormais ne s’expose plus, continuent de s’intéresser à elle régulièrement. Bettina aime la mode ; elle en joue, elle s’en sert, elle suit ou la précède, depuis toujours elle baigne dedans avec délectation. Reconnaissant d’instinct le talent des couturiers avant tout le monde, celle qui porte aussi bien Balenciaga, Chanel, qu’Yves Saint Laurent a très tôt jeté son dévolu sur Azzedine Alaïa, l’un des rares talents incontestés de notre époque, qui l’habille depuis quelques années. Extrait du texte de Guy Schoeller
Photo : Paris, 1953 © Georges Dambier
Exposition du 13 Novembre 2014 au 11 Janvier 2015
Galerie Azzedine Alaïa
18, rue de la verrerie 75003 Paris
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