Antoni Clavé, exposition du 19 juin au 27 novembre
Depuis plus de vingt ans, l’Espace Paul Rebeyrolle consacre une partie de ses salles à une exposition temporaire. De nombreux parcours aussi talentueux que singuliers se sont ainsi succédés, parmi lesquels Riopelle, Ernest Pignon-Ernest, Macréau, Léger, César, Pouget, Dubuffet, Miró, Picasso, Chagall et bien d’autres encore.
Pour sa saison estivale 2016, l’Espace accueillera les œuvres d’Antoni Clavé, l’un des grands artistes contemporains de Rebeyrolle. L’exposition couvre une période allant des années 70 à 90, elle se concentre sur les collages et assemblages, les trompe-l’œil et comprend l’installation de quelques sculptures importantes.
Adolescent, Antoni Clavé Sanmarti est commis dans une maison de tissu qu’il quitte rapidement avec l’accord de sa famille, au profit des cours du soir de l’École annexe des beaux-arts de Barcelone, sa ville de naissance. Nous sommes en 1930. Il intégre ensuite une entreprise de peinture en bâtiment en tant qu’apprenti, et se passionne bien vite pour le côté artisanal du métier, apprenant à faire du minium, à peindre du bois, à manier les brosses et à dessiner les lettres. C’est à cette époque que Clavé réalise en peinture à l’huile le portrait de sa grand-mère ; admiratif des primitifs catalans, son patron lui apprend également à copier des Diego Vélasquez.
En 1931, il remporte le deuxième prix à un concours d’affiche de la Caisse d’épargne de Barcelone, et deux ans plus tard, il abandonne la peinture en bâtiment pour se lancer dans une carrière artistique et vivre de ses dessins, de travaux de décoration, d’affiches de cinéma notamment pour la Metro-Golwyn-Mayer qui lui passe des commandes. Se faisant rapidement un nom, ses amis se nomment Emilio Grau Sala, Apelles Fenosa, Manolo…
La guerre civile espagnole éclate en 1936, et un an plus tard, Clavé est mobilisé sur le front républicain d’Aragon, fantassin, dessinateur. Mais en janvier 1939, il est contraint de suivre la retraite de l’armée républicaine et il franchit la frontière française.
Interné au camp des Haras à Perpignan il en sort grâce à l’action de Martin Vivès, peintre perpignanais. Dès le 5 avril 1939, il a sa première exposition chez Vivan, pâtisserie-salon de thé tenu par Marie Martín. Quelques mois plus tard, il quitte Perpignan pour Paris où le médecin catalan Enguera de Sojo lui offre une chambre de bonne à Neuilly.
Il vit d’illustrations, fréquente des réfugiés catalans, expose rapidement à Montparnasse et devient décorateur de théâtre et illustrateur : Carmen, Gargantua.
1944 sera une année charnière pour Clavé, celle de sa rencontre avec Pablo Picasso, ce qui constitue pour lui une révélation. Les deux hommes seront liés par une profonde amitié jusqu’à la fin de leurs vies. Tout comme Picasso, Antoni Clavé est très inspiré par la corrida. Sur ce sujet, il produit un grand nombre de lithographies, notamment La Corrida et des Toreros dont il interprète le costume (Torero en costume rouge) pour le chorégraphe Boris Kochno, dont le ballet est donné en 1943 par la compagnie les Ballets des Champs-Élysées dirigée par Roland Petit.
Si Clavé avait quitté Barcelone avec un style surréaliste, caractéristique de l’avant-garde européenne des années 30, après avoir été influencé par Vuillard et Bonnard, Paris va lui offrir une nouvelle famille artistique : Zurbaran, Le Greco, Picasso.
En 1946, Clavé voyage à Prague, à l’occasion de l’exposition des peintres espagnols parmi lesquels Picasso, Borès, Domingues, Florès, Lobo, Fenosa…
Au début des années cinquante, Antoni Clavé réalise de nombreux décors de théâtre et de ballets. Dès 1949 il travaille avec Roland Petit : Carmen (Ballet des Champs Elysées au Théâtre Marigny), Ballabile (Royal Opera House, Covent Garden, Londres) et accepte de suivre ses amis Petit et Jean maire à Hollywood où il sera nommé aux Oscars 1953 pour les décors de Hans Christian Handersen.
En 1954, Clavé décide d’abandonner l’illustration de livres et la décoration théâtrale pour se consacrer entièrement à la peinture, et installe son atelier au 4 rue de Châtillon à Paris. L’atelier lui-même ouvre sur un minuscule jardin, et se trouve vite envahi d’objet hétéroclites, d’une tête de taureau naturalisée, de mannequins, de décors rappelant les coulisses d’un théâtre et d’une reproduction de Guernica.
Clavé déploie une énergie peu commune, travaillant avec acharnement. Unique et inclassable, ni figuratif, ni abstrait et les deux à la fois avec sa puissance et son mystère, il suit le cours de son inspiration, de son imagination créative, réalisant également de nombreux collages et épisodiquement des sculptures surtout en fin de carrière.
À la fin des années 1950, Clavé connaît le succès.
Ses expositions, notamment à la Galerie Creuzevault, se multiplient, amorçant une reconnaissance internationale : Rome, Milan, Londres, Bâle (Galerie Beyeler en 1957) mais aussi Barcelone, Sao Polo et Genève (1ère rétrospective au musée Rath en 1961). Ses toiles sont recherchées dans le monde entier.
Mais Clavé opère un virage en 1963 ; il a 50 ans, il est inquiet, s’interroge : Il décide de quitter Paris et la société qui fait la mode, le monde du spectacle et se retire à Saint-Tropez où Il se fait construire un atelier et une maison au Cap Saint-Pierre qu’il décore avec un soin méticuleux, aidée de sa femme Madeline, qui est artiste-peintre elle aussi. Tous deux réalisent un Palais de couleurs avec des tentures. C’est là qu’il composera ses plus grandes toiles et ses trompes l’œil qui seront exposés en 1977.
Le musée d’art moderne de la ville de Paris lui consacre une rétrospective en 1978 et en même temps le Centre Georges Pompidou présente ses œuvres « En marge de la peinture ».
La Biennale de Venise expose plus de cent œuvres au pavillon espagnol en 1984. La même année, il reçoit la médaille d’or du mérite des beaux-arts par le ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sports8. Une exposition César/Clavé est présentée en 2007 à Montélimar. Pour le centenaire de la naissance de l’artiste en 2013, la Fundación Vila Casas à Barcelone organise une rétrospective de son œuvre.
En 1984, le pavillon d’Espagne à la Biennale de Venise est consacré à Clavé. 126 œuvres : peintures, sculptures, maquettes et projets de costumes de théâtre, retracent l’essentiel de la vie du peintre. La même année, il reçoit la médaille d’or du mérite des beaux-arts par le ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sports.
La ville de Barcelone organise une rétrospective de son œuvre sculptée en 1988 puis lui commande une sculpture monumentale pour commémorer l’Exposition Universelle de 1888. Clavé réalise une série de peintures murales pour le palais du Gouvernement de la Catalogne.
Clavé continue d’exposer jusqu’en 2005, année de son décès à 92 ans. Depuis 2008 des expositions rétrospectives sont organisées en France et à l’étranger. En 2011, le premier lieu entièrement dédié à l’œuvre d’Antoni Clavé, conçu par Tadao Ando a été inauguré près de Tokyo.
Grâce aux volumes exceptionnels de l’Espace Rebeyrolle, de grands formats rarement exposés seront proposés aux yeux du public, certains n’ayant pas été montrés depuis la Biennale de Venise de 1984 pour laquelle l’Espagne avait consacré son pavillon entier à Clavé. L’exposition propose également une sélection d’œuvres sculptées, originaux en bois et fontes en bronze.
Une exposition qui se veut une invitation à entrer dans le monde de Clavé l’artisan. Clavé lui-même revendiquait ce titre :
« Oui c’est un terme formidable… Artisan c’est magnifique, très noble» disait-il.
L’Espace Rebeyrolle proposera tout au long de l’été des concerts, soirées, visites, ateliers et conférences.
Renseignements pratiques
espace-rebeyrolle.com