Après avoir étudié l’architecture et la psychologie à Ottawa puis la philosophie à Aix en Provence, Alix Cléo Roubaud s’est consacrée à la photographie durant les quatre dernières années de sa vie qui fut brève.
Née au Canada au début des années cinquante, elle disparut en 1983, laissant plus de 600 tirages dont son mari, l’écrivain Jacques Roubaud, a fait don à de grandes institutions dont la BnF. Certains autres figurent dans de grandes collections publiques, telle celle du Centre Georges Pompidou, de la Bibliothèque municipale de Lyon et du Musée des Beaux-Arts de Montréal.
Alix Cléo Roubaud a axé sa recherche photographique sur l’obsédant rituel du portrait
«Pourquoi la photo? (…) Peut-être une esthétique de la ruine…», écrivait-elle dans son journal.
On ne peut l’affilier à aucune tendance, à aucun style, Alix Cléo Roubaud est aussi unique qu’énigmatique; la photographie est pour elle non seulement une passion mais un mode de vie dans lequel elle recherche sans cesse à allier esthétisme et perfection aussi bien dans sa manière de cadrer que dans sa méthode de développement qu’elle pousse à l’extrême de l’éblouissement ou de l’obscur, détruisant les négatifs qu’elle juge indignes et ne s’autorisant que des pièces uniques; son travail photographique allait de paire avec la rédaction d’un “Journal” et les recherches philosophiques qu’elle ne cessa jamais de poursuivre..
En disparaissant à l’âge de 31 ans, Alix Cléo Roubaud a ouvert la voie à une légende, la sienne; elle avait écrit quelques temps auparavant:
«Je mérite la mort stupide, inutile, amoureuse. Tu me verras morte Jacques Roubaud. On viendra te chercher. Tu identifieras mon cadavre.»
Gravement asthmatique depuis l’enfance, ce fut effectivement son mari qui la trouva morte à 5 heures du matin, emportée par une embolie pulmonaire.
Quelques années plus tard, il évoqua sa disparition dans “Quelque Chose Noir” et publia son “Journal”.
Alix Cléo Roubaud fut une amie intime de Jean Eustache qui lui rendit hommage dans le film “Les Photos d’Alix” en 1980; ses photos furent exposées à titre posthume aux Rencontres d’Arles de 1983 et en 2010, le Centre international de poésie de Marseille organisa une exposition de ses écrits et photos.
La BnF présente en cet automne 2014 la première rétrospective de son œuvre, avec quelques deux cents photographies, des textes inédits et des documents de travail de l’artiste dont la célèbre série “Si quelque chose de noir” présentée dans son intégralité.
Artiste singulière et unique, aussi talentueuse que mystérieuse, Alix Cléo Roubaud a cherché tout au long de sa carrière la réponse à la question qu’elle se posait et qu’elle nous posait :
“Dans quelle mesure ce qui “sort du noir”, naît du “rien” est-il conforme au souvenir de l’image prise. Car le photographe n’a pas seulement vu le monde, il l’a au même moment rencontré plus ou moins simultanément avec les autres sens; il l’a entendu, respiré, goûté, touché même”, écrivait-elle dans son journal.
Cette exposition devrait nous donner la réponse.