Un concours national est lancé en 1893 pour la réalisation de dix verrières relatant la vie de Jeanne d’Arc pour orner la nef de la cathédrale d’Orléans, l’un des plus prestigieux de la fin du XIXe siècle, ce concours voit s’affronter tous les grands noms du vitrail dont Albert Maignan.
Peintre et illustrateur français né en 1845, Albert Maignan étudie le droit à Paris tout en s’adonnant à sa passion pour la peinture. Elève de Jules Noël, il expose dans le cadre du Salon des artistes français, dont il devient un fidèle, dès 1867, salon qui lui octroie en 1874 une troisième médaille pour Le Christ appelle à lui les affligés, puis une seconde place deux ans plus tard, et enfin la première médaille en 1879. Mais sa notoriété ne s’affirmera qu’en 1892 avec la médaille d’honneur du Salon pour La Mort de Carpeaux, acquis par l’État pour le musée du Luxembourg et désormais dans les collections du musée de Picardie. Albert Maignan acquiert enfin une place légitime dans le Paris de cette fin de siècle en recevant une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1889 et la Légion d’honneur en 1895. Enfin, en 1905, il devient membre de l’Institut de France.
Peintre insaisissable, oscillant entre un naturalisme très prisé en cette fin du XIXème siècle et une peinture mélancolique aux accents symbolistes, l’oeuvre d’Albert Maignan fait preuve d’une grande richesse et une extraordinaire liberté. Si la plus grande partie de ses créations est consacrée à la peinture d’histoire, il peint aussi des portraits et des sujets espagnols et orientaux sous l’influence d’Henri Regnault.
De la peinture, il évolue dans le seconde partie de sa carrière vers le grand décor inspiré par ses nombreux voyages en Italie et son nom devient indissoluble des grands chantiers monumentaux de cette époque, témoins aujourd’hui de son œuvre magistrale : murs et plafonds peints au restaurant Le Train Bleu à la gare de Lyon et à l’Opéra-Comique, tapisseries pour le Sénat, écoinçons pour l’Hôtel de Ville de Paris, vitraux pour l’église Saint-Philippe-du-Roule…Il sera de plus en plus sollicité pour ce type de travaux à partir du début des années 1890 en raison des peintures murales qu’il avait réalisé en décorant le Salon des Lettres de l’Hôtel de ville de Paris et la Salle des fêtes de l’Exposition Universelle en 1889.
Tout sembla donc sourire à cet artiste qui laissa derrière lui de nombreuses œuvres d’une qualité et d’un esthétisme indiscutables. Cependant, Albert Maignant vécut la fin de sa vie avec un regret, celui de n’avoir pas été le lauréat du grand concours national lancé en 1893 pour la réalisation de dix verrières relatant la vie de Jeanne d’Arc qui devaient orner la nef de la cathédrale d’Orléans, concours qui, sans nul doute, fut l’un des plus prestigieux de la fin du XIXe siècle.
Remporter ce concours assurait à l’artiste de voir son nom inscrit en lettres majuscules parmi les plus grands noms du vitrail, art à cette époque en plein renouveau. Pour faire face à cette imposante commande, Albert Maignan, peintre d’histoire alors au sommet de sa gloire, se jette à corps perdu dans l’aventure, multipliant les détails archéologiques et pittoresques. Il est alors considéré comme grand favori ainsi qu’Eugène Grasset, grande figure de l’art nouveau. Aucun des deux ne remportera ce concours ; Albert Maignan vivra cet échec comme un rêve brisé, lui qui comptait ainsi marquer un tournant dans sa carrière en passant des formats colossaux aux grands décors.
Le prix est finalement décerné à Jacques Galland et Esprit Gibelin à qui échoue la commande. L’exposition que propose aujourd’hui le musée des Beaux-Arts d’Orléans est inédite en ce qu’elle présente pour la première fois les dessins de ce cycle, révélateurs du génie créatif de ce peintre qui avait trouvé en Jeanne d’Arc l’une de ses plus puissantes sources d’inspiration.
Présentant une centaine d’oeuvres, l’exposition bénéficie des prêts de tous les dessins et cartons connus pour ce concours historiques, d’Eugène Grasset à Lionel Royer en passant par Maignan, du Musée d’Orsay, du musée de Picardie, du musée Mandet de Riom, de la Société Historique et Archéologique du Maine, des archives de Tours et de la Fondation Taylor.
Malgré ce rendez-vous manqué à Orléans, Albert Maignan demeure de nos jours des plus réputés pour sa peinture ainsi que pour le rôle décisif qu’il a joué dans la vie artistique du tournant du siècle, œuvrant avec générosité à la promotion et à la protection des artistes.
Albert Maignan et Jeanne d’Arc : Un rendez-vous manqué à la cathédrale d’Orléans
Exposition du 4 février au 7 mai 2017Musée des Beaux-Arts d’Orléans
1 rue Fernand Rabier,
45000 OrléansSites Internet : www.orleans-metropole.fr (rubrique culture/musée)