Alors que certains voient déjà en lui un nouveau Nasser, Abdel Fatah al-Sissi, tombeur des Frères Musulmans, vient d’inaugurer le nouveau Canal de Suez, voie de passage stratégique et essentielle de 193km entre l’Europe, le golfe Persique et l’Asie. Après 4 ans de secousses politiques post révolutionnaires, l’Egypte tourne enfin une nouvelle page de son histoire, page qu’elle entame avec le mot Fierté.
Fierté patriotique d’avoir, en l’espace d’un an, accompli le travail pharaonique qu’ont représenté l’élargissement et l’approfondissement de 37km et la création d’une nouvelle tranche de 35km du Canal, fierté ressentie dès le début des travaux par les égyptiens qui se sont empressés d’acquérir les bons émis à cette occasion, finançant ainsi le projet à hauteur de 8 milliards de $, le restant ayant été pris en charge par l’Etat.
Feux d’artifice, fêtes fastueuses, jour décrété férié et payé pour tous les fonctionnaires du pays, la cérémonie d’inauguration a été célébrée avec faste par Ismaïlia, Port-Saïd et Suez, les trois villes qui s’articulent autour du Canal. Il faut dire que l’enjeu est de taille, tout comme les espoirs qui reposent sur lui : les dirigeants égyptiens comptant sur le Canal pour attirer les investisseurs étrangers afin de relancer l’économie dans une Egypte où l’effondrement du tourisme a été synonyme de chômage.
Le gouvernement attend une augmentation du trafic maritime de 49 à 97 bateaux par jour espérant 13,2 milliards de $ de recettes avant dix ans, ce qui représente plus du double que son rapport actuel qui est d’un peu plus de 5 milliards. Il caresse par ailleurs le projet d’une « Suez Canal Economic Zone », zone accueillant tout projets portuaires, industriels et immobiliers et pouvant générer des centaines de milliers de nouveaux emplois.
Cependant, les experts internationaux en transport maritime ne suivent pas cette frénésie. Sceptiques sur les suppositions optimistes du gouvernement égyptien et sur le fait que la demande mondiale suive l’offre, ils soutiennent que pour atteindre les chiffres avancés, il faudrait que la croissance mondiale rivalise avec les 9%….. Et comme ils le soulignent, dédoubler le Canal ne veut pas forcément dire en doubler le trafic… D’ailleurs, lors de la fermeture de celui-ci de 1967 à 1975, suite à la guerre des six jours, le commerce maritime international s’était adapté…
Mais, la question sécuritaire reste le point le plus sensible dans ce pays. Victime d’un attentat mi-juillet en plein cœur du Caire contre l’ambassade italienne et d’un tir de missile de la part du groupe Province du Sinaï, branche de l’EI, sur un navire marchand égyptien au large du Sinaï, l’Egypte est sans cesse déstabilisée par des attaques islamistes de djihadistes à l’est et possède à l’ouest une frontière sensible commune avec la Libye, devenue un repère de terroristes et de trafiquants. Par ailleurs, la guerre syrienne qui s’enlise, l’Irak devenu des plus instables et l’éternel conflit israélo-palestinien ne font qu’accroître les menaces terroristes dans cette région du monde. La prudence reste donc de mise quant aux répercussions réelles de ce nouveau Canal sur l’économie égyptienne à venir…
Photo : Canal de Suez ». Sous licence CC BY 2.5 via Wikimedia Commons