Si une artiste n’a plus besoin d’être présentée, c’est bien Cécile Reims, elle qui après cinq décennies de gravure reflétant un talent et une recherche artistique uniques, s’est imposée comme une des artistes phares de notre temps. Après l’extermination de sa famille lors de la rafle du Vel d’Hiv et dans le camp d’Auschwitz, elle s’engage dans l’armée clandestine juive et rejoint la Palestine. De retour en France, elle devient l’élève assidue de Joseph Hecht, trouvant dans la pratique de la gravure au burin une ascèse et un mode d’expression.
« Car graver m’est plaisir, jouissance, quand mon burin poussé délicatement, avec force et retenue de ma main droite, pénètre et incise le cuivre que, de la main gauche, je fais pivoter sur lui-même afin que la pointe de l’outil en excise une ligne, creuse un sillon qui obéit à mon désir… »
[/vc_contact_info]
Son recueil « psaumes » paraît en 1950 et l’année suivante est celle de sa rencontre avec le dessinateur et écrivain Fred Deux qui deviendra son compagnon, l’art étant leur point de fusion. Dans les années qui suivent, l’œuvre de Cécile Reims perd de son réalisme, faisant place à une vision du monde anthropomorphique, où la condition humaine se confond avec celle de l’animal dans une nature minérale et mélancolique comme le prouvent Les Métamorphoses, Bestiaire de la mort en 1957-1958 et Cosmogonies, ensemble gravé en 1959 et publié en 2002.
Puis, l’artiste délaisse momentanément la gravure pour se consacrer au tissage et à l’écriture. Elle y revient en 1966 après avoir rencontré Georges Visat, l’éditeur de Hans Bellmer et des surréalistes, qui est à la recherche d’un buriniste capable de graver des dessins de l’artiste sans trahir sa subtilité et sa sensibilité. Cécile Reims se lance alors dans la gravure d’interprétation et, entre 1967 et 1975, grave au burin et à la pointe sèche près de 250 dessins.. Elle revient ensuite à une gravure personnelle, alternant avec les gravures d’interprétation des œuvres de Fred Deux, de Léonor Fini et d’autres artistes, puis exclusivement de Fred Deux. Les estampes sont généralement éditées en livres et recueils : Kaddisch en 1982 d’après Fred Deux, Histoires naturelles, L’Exil des roches, L’Herbier charnel, L’Élan vital, Loin du temps, La Grande Muraille, Anatomies végétales.
« L’œuvre de Fred Deux, quand j’y suis entrée, et pas seulement par le regard, m’a fait aller plus loin, plus profondément dans cette réalité irréelle que je pressentais et qui, à présent, à la fois double et infirme ce que mes yeux perçoivent.»
Au fil du temps, l’oeuvre de Cécile Reims s’est faite plus abstraite, s’éloignant des représentations « figuratives » d’êtres hybrides et fantastiques. Le temps a suspendu son vol, empreint de spiritualité et de profondeur intemporelle. Pourtant la vie continue, fidèle à un destin auquel elle ne peut échapper, prouvant du peu d’importance de l’homme par rapport aux forces mystiques qui peuplent son for intérieur.
La galerie Margaron, connue pour son soutien et sa défense aux artistes dont la création recèle une recherche de l’être à travers un travail assidu et spirituel, nous propose une promenade à travers l’évolution artistique de Cécile Reims, une promenade qui pour refléter son univers se devait d’être accompagnée d’une sélection de 25 importants dessins de Fred Deux. Une très belle exposition pour célébrer une très grande artiste.
L’ouvrage Cécile Reims – Livres d’artiste, publié par les éditions Alain Margaron à l’occasion de l’exposition, reproduit intégralement les quatre derniers livres d’artiste de Cécile Reims : Forteresse de paille, printemps 2006 ; Plaies d’arbres, juin 2009 ; Calligraphies végétales, printemps 2011 ; L’Elan vital, septembre 2013.
Les gravures et les textes qui les accompagnent livrent, sous une forme épurée et poétique, les méditations de l’artiste sur la nature, la vie et notre destin.
Cécile Reims
Exposition du 27 au 31 décembre 2014
Galerie Alain Margaron
5, rue du Perche – 75003 Paris
galerieamargaron.com