«Serais-tu intéressée pour couvrir le concert des Cranberries au Zénith?» D’accord, coupé, on la refait, la connexion entre mes synapses neuronales s’est brouillée. Deuxième prise, un laps de temps s’écoule pour en faire une vraie scène emprunte de suspense (et surtout, pour que les mots parviennent de mon cerveau 2 Mo à mes lèvres), résolution de l’intrigue avec ma réponse : OUI.
Et dire que je ne devais même pas y assister! Qui a harangué que le hasard n’existait pas? Après un tel événement, je serai éternellement sensible au hasard et aux coïncidences, Amen.
Synopsis de cette histoire rocambolesque : au départ, mon rédacteur en chef devait assister à ce concert mais finalement, il n’est plus disponible. Il envoie un mail vendredi soir à ma collègue et moi-même, mais étant dans les bras de Morphée, je ne soupçonne même pas que ce message dort profondément dans ma boîte de réception. Ma collègue aurait pu répondre positivement et cela m’aurait échappé. On se rencontre tous les trois le lendemain, ma collègue arrive quelques minutes avant moi (oui, je sais, je suis encore en retard, le métro vous savez… il a bon dos le métro parfois!) donc si elle était disposée ce soir-là, c’était une nouvelle occasion de manquer ma rencontre avec The Cranberries. Et finalement, mon rédacteur m’annonce son désistement, celui de ma collègue et donc, je suis l’Élue!
Pour vous décrire mon état à cette annonce, ou pour être exacte, mes états ; il faut se représenter, qu’en apparence, rien de flagrant ne transparaît. Je garde le regard bien droit, engloutit une gorgée de café l’air de rien, seul mon petit rictus aurait pu me trahir car à l’intérieur, mon corps et mon esprit orchestraient une petite orgie! A cet instant, j’étais la ré-incarnation du hobbit frisé le plus fameux de la science-fiction, désormais en possession de mon «précieux» ou plus glamour, en petite Môme frenchy remportant sa statuette dans le pays de Barack ; tout simplement donc…
Le grand soir arrive et dès les premières notes, le public était exalté ; la voix tellement singulière de Dolores O’Riordan fait toujours son petit effet, même après quasiment dix ans d’absence. Je me plais à penser que ce concert était un peu comme une retrouvaille amoureuse. Comme dans un bon film à l’eau de rose, bien niais, que vous regardez entre copines, en mangeant de la glace chocolat-noix de pécan dont je tairai la marque et le nombre de calories (ou entre copains, messieurs, vous ne l’avouerez jamais mais je sais très bien comment vous occupez vos samedis soirs ; même si vous préférez nous faire croire que vous jouez à des jeux vidéos très virils en buvant de la Guinness, mais rassurez-vous on fera encore mine de vous croire pour sauvegarder votre dignité).
«Once upon a time», le public et The Cranberries, ils se sont rencontrés au hasard d’un rayon de disque (toujours le hasard) ou au hasard des ondes et ce fut littéralement le coup de foudre. Ils se sont connus, se sont reconnus, se sont perdus de vue, se sont reperdus de vue, se sont retrouvés, se sont réchauffés… mais ne se sont pas séparés! (rassurez-moi, vous avez lu cette dernière phrase en chantonnant ; même si c’était avec une voix nasillarde et que c’était faux, ce n’est pas grave, je ne vous entends pas de toute façon…)
Ils ont interprété leur tout dernier album «Roses» sorti dans les bacs le 27 février 2012, et je dois avouer que la chanson en hommage à son père décédé m’a particulièrement touchée (le cliché de la fille sentimentale est donc bel et bien sauf). Pour ma défense, sa voix irrésistible, littéralement traversée par l’émotion, palpable même pour les spectateurs les plus éloignés + quelques roses rouges disposées dans un vase sur le devant de la scène et d’autres distribuées aux petits chanceux surexcités de la fosse = une chanson, semblable à une vague de tsunami qui vient se fracasser sur chaque millimètre du Zénith en un temps record et qui parvient à bouleverser chaque spectateur sur son passage. Elle termine pourtant son interprétation sur une phrase qui se veut optimiste : «Some go, some come» ; en effet, son père s’en est allé et elle a mis au monde un enfant peu de temps après.
Pour le plus grand bonheur des Cranberries’ addicts, le groupe irlandais a également entonné ses plus grands succès : «Just my imagination» et surtout, «Zombie». Ces chansons sont atemporelles, ce sont des classiques comme le définissent les spécialistes c’est-à-dire qu’elles ont la capacité d’émouvoir plusieurs générations. Elles sont connues de tous, elles sont d’abord hurlées dans les cours de récré et finissent un jour par être fredonnées dans les salons de maisons de retraite.
La chanson «Zombie» sortie en 1994 a marqué mon enfance. On a tous un morceau fétiche que l’on chante à tue-tête lorsque l’on met la radio en voiture (pour la plus grande joie de mon père qui essayait de se concentrer tant bien que mal). Jamais je ne me serai doutée qu’un jour, je la chanterai (toujours à tue-tête mais cette fois-ci pour la plus grande joie des demoiselles assises à mes côtés dans le public) alors que le groupe était à quelques mètres de moi ; la vie réserve de belles surprises!
Qu’ils interprètent leurs morceaux emblématiques ou leurs derniers titres, le public était visiblement conquis par ce nouveau rendez-vous, pas tout à fait en tête-à-tête ni aux chandelles, je vous le concède mais tout de même dans une ambiance tamisée, et qui ne fait qu’accroître leur passion pour THE Irish group. En même temps, cette formation a des atouts indéniables : Noël Hogan, le guitariste branché sur 220V qui électrise les foules à chaque accord et surtout, une chanteuse, une voix, un charisme qui vous hypnotisent un peu plus à chaque minute. Elle nous a gratifié de quelques petits pas de danse bien à elle, et en tant que stéréotype du français qui brille par l’exercice de son chauvinisme, on aime que les artistes venus d’ailleurs parlent dans la langue de Voltaire alors je vous laisse imaginer l’explosion d’orgueil et l’effusion de guimauve lorsqu’elle a prononcé ces quelques mots teintés par l’accent so irish : «Vous chantez très joli».
Alors évidemment, quand ils quittent la scène, une petite révolution parisienne se met en marche afin qu’ils reviennent ; certes un soulèvement sans barricade et pas à la Bastille mais porte de la Villette et toute aussi bruyante! On applaudit jusqu’à la tendinite (clairement, demain, nous sommes tous chez le kinésithérapeute), et on tape des pieds dans les tribunes. J’avoue qu’à un moment, je me suis quand même demandé si c’était solide ; une image de cette tribune qui s’était effondrée au stade de Furiani m’a traversé l’esprit mais une demie seconde de remise en question suffit, et j’ai tout bonnement continué à taper frénétiquement le sol avec mon petit 37 (d’accord 36, mais seulement les mauvais jours…).
See you soon The Cranberries, we already miss you… Aurore Richard pour artsixmic
The Cranberries – Tomorrow (Official)