Connaissez-vous le groupe Lo’jo ? Ce groupe aux trente ans de carrière qui vient tout juste de sortir son treizième album, « Cinéma El Mundo », à l’automne 2012 ? Soyons honnêtes, je faisais partie de cette grande foule ignorante jusqu’à ce fameux concert à la Maroquinerie. Je peux désormais affirmer que cette méconnaissance n’est pas le pire des maux, car d’une part, il n’est pas incurable ; le meilleur des remèdes à prescrire est d’assister à l’un de leurs concerts et en une soirée, vous serez totalement guéris. Le pire : la prise de conscience de cette ignorance, de ce que l’on a forcément manqué. Les ignorants sont finalement bien heureux dans leur malheur…
Mais alors, comment est-ce possible, dans un monde dont l’instantanéité et la connectivité sont les matrices, que je puisse ainsi savoir, moi petite parisienne d’adoption, que telle starlette reconnue mondialement pour son non-talent, a ouvert son septième magnum de champagne à 2h28 dans un bar à Los Angeles et a contrario, que ma culture musicale soit amputée pendant tant d’années de ces saveurs sensorielles offertes par un groupe d’Angers. Une ville qui se trouve à 1h30 des gares parisiennes ; une distance géographique apparemment suffisamment grande et puissante pour créer une ellipse temporelle et musicale dans mon monde.
Il a suffi d’un concert dans un petit amphithéâtre parisien pour me convaincre, pour me convertir à la Lo’jo mania. La simplicité du lieu et la sincérité de chacun des membres se sont finalement révélé dans une convivialité très contagieuse. Un vieil homme, à la longue barbe blanche et aux lunettes roses qui se trouvait à deux pas de la scène (et à deux pas du bonheur vu son sourire) était transporté encore un peu plus à chaque morceau et ne pourra me contredire car cette « poésie cosmophonique » doit encore résonner dans ses oreilles.
C’est d’ailleurs comme cela que Denis Péan, le parolier-interprète au chapeau vissé sur la tête, a évoqué la musique de Lo’jo. Cet homme voue un véritable culte au langage, à travers tous les morceaux il offre un éloge au mot, remet au goût du jour des termes oubliés de la langue française ; il nous fait presque croire que manier la langue française est un jeu d’enfant. Justement, en parlant de ces petits êtres capricieux et baveux pour qui tout le monde craque ou plus communément appelés « enfants » dans un langage politiquement correct, je me laisse à penser, que ceux qui étaient présents ce soir-là ont forcément renoncé à leurs rêves de devenir footballeur pour s’atteler à être poète et remplaceront leurs soirées à idolâtrer leurs héros de pacotille aux valeurs douteuses que sont Benzema et autres Ribéry pour se délecter de sonnets, d’odes, de prose… de Villon à Apollinaire en passant par Denis Péan.
Mais ces histoires qu’il nous conte, comme avec « Deux bâtons » inspirée d’une tradition canadienne, emmènent notre esprit aux quatre coins du monde sans même que notre corps s’exile du XXème arrondissement (et contredit ainsi notre cher Platon qui affirmait si véhément que « le corps est le tombeau de l’âme » car finalement, avec Lo’jo, l’âme a les moyens de s’en échapper). Que ce soit en chantant, en parlant, en mi-chantant/mi-parlant, ces histoires ne seraient pas aussi « parfaites » sans la magie qu’apportent les autres membres du groupe et leur musique à la fois personnelle et universelle.
Comment résister à cette danse endiablée de Yamina, une des deux figures féminines du groupe ? Comment ne pas apprécier ce mélange de sonorités asiatiques ou berbères que nous lancent des instruments plus étonnants les uns que les autres ? Comment rester de marbre face cet emmêlement de français et de mots venus d’ailleurs? Il est tout bonnement impossible pour un être normalement constitué d’un point de vue émotionnel de ne pas être touché, de ne pas succomber.
L’influence de ces chansons sur une spectatrice ordinaire et anonyme comme moi fut telle que je ne peux m’expliquer ce sentiment de mélancolie qui m’a envahi avec le titre « El Cabo blanco », comme une sorte de nostalgie de l’Argentine alors même que je n ‘ai jamais posé un pied dans le pays de Cristina Kirchner.
Au-delà même de nous transporter dans d’autres contrées, Lo’jo nous emmène avant tout dans son monde, qu’il a créé par une action, celle de la fusion, la fusion de différentes cultures. Ces morceaux apparaissent alors comme une mosaïque musicale, langagière et humaine. Un monde cosmopolite vivant dans une harmonie mélodieuse dont il faudrait peut-être plus s’inspirer…
Bon voyage avec Lo’jo !
Aurore RICHARD, pour artsixmic
LO’JO Teaser CINEMA EL MUNDO
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