Aurélie Filippetti
ministre de la Culture et de la Communication à fait un Point Presse lors du MaMa après son discours auprès des professionnels du monde de la Musique.
Le discours :
Ce soir, la première chose que je veux affirmer, devant vous tous, c’est que je suis convaincue que la Musique doit être accompagnée et soutenue par une politique publique réaliste et structurante.
On évoque souvent la « filière musicale ». Mais le terme me semble réducteur, parce qu’il implique un début et une fin, une matière première et un produit fini ; mais la sémantique est toujours difficile. On parle aussi souvent d’ « écosystème » : le terme est un peu barbare. Il témoigne de la complexité d’un ensemble qui doit être accompagné et soutenu face aux mutations qui l’agitent et interrogent son avenir. C’est ce qui motive la réflexion que j’ai engagée depuis mon arrivée au ministère de la Culture et de la Communication.
L’essentiel est de parler de nos objectifs ; le mien est de veiller jalousement et amoureusement à la dynamique musicale dans notre pays. Vous le savez, mais rappelons le tout de même : la Musique est la première pratique culturelle des français. La vitalité de nos festivals atteste indéniablement de l’appétence du public pour la musique, qu’elle soit classique, jazz, rock, du monde… La Musique est un secteur essentiel de la création artistique et de l’économie culturelle en France qui est forte de ses artistes et de ses entreprises, reconnus dans le monde entier. Redéfinir, appuyer le rôle d’une politique publique dans ce secteur, c’est d’abord prendre en compte la plasticité des relations entre les différents acteurs, leurs interactions. La multiplicité des acteurs. Il est ainsi important d’appréhender le rôle des collectivités territoriales dont la contribution est déterminante pour se secteur. Et je le rappelle, il est indispensable que les collectivités territoriales soient pleinement associées à la réflexion. Mais je veux surtout insister sur le « coeur » de cette dynamique. Il faut redonner aux artistes leur place pleine et entière et toute leur légitimité à participer à la réflexion que nous devons conduire.
Face aux mutations qui nous conduisent à refonder la politique culturelle en matière musicale, je suis convaincue qu’une de nos priorités, la première peut-être, réside dans la structuration de l’ensemble professionnel que vous constituez.
Le travail de la mission conduite par Didier Selles, engagé sous l’égide du ministère de la Culture et de la Communication, dans lequel beaucoup d’entre vous se sont fortement impliqués, a permis de rendre saillant ce besoin de structuration.
Ce travail est un acquis important qu’il nous faut maintenant consolider et poursuivre car vous et moi savons l’importance de la structuration dans le contexte actuel.
J’ai d’ores et déjà demandé aux directions de mon ministère, c’est-à-dire la Direction générale de la création artistique (DGCA) et la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), de renforcer leur collaboration au sein d’une mission « musique » que j’installerai prochainement J’ai la volonté de mettre en cohérence le fonctionnement du ministère avec celui de la musique au sein duquel, aujourd’hui, la dichotomie entre spectacle vivant et musique enregistrée a largement perdu de son sens. Il est essentiel que le ministère de la Culture et de la Communication et ses services offrent un support pertinent à la création musicale dans toute sa complexité et sa diversité.
Face à l’urgence et au besoin de rationalisation des dispositifs, je vais donc proposer aux associations d’intérêt général soutenues par le ministère de la Culture et de la Communication de conduire, avec cette nouvelle mission « musique », une réflexion dynamique de fédération de nos outils et de concertation permanente avec l’ensemble des acteurs. Cette réflexion s’attachera notamment à la création d’un observatoire qui soit en mesure de nourrir autant l’évaluation des politiques mises en oeuvre que les processus de prise de décisions stratégiques.
Il est indiscutable que l’Etat est d’ores et déjà un acteur majeur de l’écosystème de la musique et je veux rappeler qu’il sera in fine le garant de sa structuration.
J’ai pour ambition que l’Etat assure ses fonctions de régulateur et de stimulant de la nouvelle économie de la création musicale. Je le répète, je suis consciente de vos inquiétudes et attentives à vos interpellations, je réaffirme ici la volonté résolue du Président de la République et du Gouvernement de soutenir l’ensemble des acteurs de la musique.
Aujourd’hui, l’Etat à travers différents outils pour la défense desquels je suis totalement engagée.
Dès ma prise de fonctions, constatant la gravité objective de la situation des labels indépendants, en très large majorité des TPE, impactés par le redressement judiciaire d’un distributeur, j’ai agi pour mettre en oeuvre un plan de soutien spécifique et exceptionnel.
J’ai ainsi pris toute la mesure de la difficulté de la situation et de l’urgence dans laquelle se trouvaient certaines entreprises parmi les plus fragiles en adoptant dès juin dernier, un décret permettant de débloquer une aide exceptionnelle et rapide à un ensemble de maisons de disques contribuant à la création originale et à la diversité des répertoires.
Au titre du plan d’urgence en faveur des entreprises phonographiques impactées par le redressement judiciaire de ce distributeur, plus de 200 000 ont déjà été versés à une douzaine de € TPE, leur permettant ainsi de franchir un cap difficile et de poursuivre leur activité. Je me suis personnellement impliquée pour obtenir la prolongation de 3 ans et l’intensification du crédit d’impôt en faveur de la production phonographique dont la disparition était programmée le 31 décembre 2012. Cela a été un combat difficile, le contexte budgétaire étant extrêmement contraint et sans précédent, et je me réjouis de l’adoption de l’amendement gouvernemental dans le cadre des débats en cours sur la loi de finance initiale pour 2013, même si cet amendement doit encore être entériné dans la suite du débat parlementaire et voté définitivement en décembre. J’y serai, personnellement, extrêmement attentive. C’est un premier signal envoyé par le gouvernement.
Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, je suis déterminée à maintenir le plan SMAC, label du ministère de la culture, qui permet aujourd’hui de disposer sur tout le territoire d’un réseau qui joue un rôle majeur dans l’accompagnement des artistes en développement et qui constitue un objet d’intérêt pour nos voisins européens.
Je suis totalement engagée pour obtenir le maintien du taux de TVA ultra réduit (2.10%) pour la billetterie des festivals qui est remis en cause par la Commission européenne.
Dés demain, il nous faut prendre à bras le corps la question de la survie de nombreuses très petites et micro-entreprises qui sont une richesse pour la musique.
Ces structures se caractérisent par leur fragilité financière liée à leur taille et à leur modèle économique et le système actuel des aides financières dans la filière musicale est inadapté et/ou inaccessible pour ces très petites et micro-entreprises.
A titre d’exemple, je suis particulièrement attentive aux difficultés et à l’urgence que vivent certaines plates-formes de musique en ligne. L’intervention de l’État auprès de ces acteurs les plus fragiles apparaît déterminante pour éviter que ne subsistent à court ou moyen terme sur le marché français que quelques acteurs globaux.
De même, le développement de l’offre légale suppose de donner les moyens à une pluralité d’acteurs, notamment nationaux, d’exister, pour permettre au secteur de la musique de trouver de nouveaux modèles économiques rentables reposant sur une offre suffisamment large, de qualité, diversifiée et accessible économiquement.
Je réfléchis actuellement, avec mon cabinet et mes services, à la manière la plus pertinente d’intervenir pour répondre aux besoins, spécifiques, de ces TPE.
Je vous exposerai prochainement un plan de soutien concret séquencé dans le temps, et dont plusieurs volets pourront être engagés à court terme.
Pour l’avenir, j’ai le souci que les dispositifs d’aide soutiennent la diversité, la création et l’émergence de talent et qu’ils irriguent les territoires et répondent à l’exigence de proximité.
Le projet de création d’un outil cohérent de soutien à la diversité des besoins demeure plus que jamais une priorité de mon ministère et la finalité de mon action.
J’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, cette réflexion passe avant celle qui consiste à créer ou ne pas créer un nouvel établissement public : cette création n’est pas une finalité en soi ; elle ne peut être que la résultante des solutions retenues.
Comme je l’ai indiqué en juillet dernier, je souhaite que les propositions de l’association de préfiguration du CNM relatives aux mécanismes d’aide soient l’objet d’une concertation transversale.
L’ensemble des propositions me sera transmise au début du mois de novembre et je souhaite donc que cette concertation soit organisée rapidement.
Le projet de création d’un outil cohérent de soutien n’est pas abandonné, je souhaite seulement que l’on se donne le temps qu’il faut pour qu’il puisse aboutir dans les meilleures conditions.
A ce titre, je pense que les travaux de la mission Lescure et de la mission Colin et Collin sur la fiscalité numérique seront éclairants afin de savoir quelles suites peuvent être données à un projet d’ensemble.
Je suis convaincue que les bouleversements apportés par le numérique dans notre approche de la création ne doivent pas nous faire renoncer à une conviction politique forte : nos oeuvres et nos entreprises culturelles ont des spécificités qui nécessitent que nous favorisions l’émergence, le financement et la diffusion la plus large, dans des cadres juridiques adaptés.
Parce que la culture est une quête de sens et un élément de citoyenneté et d’identité, elle ne peut être considérée comme une monnaie d’échange ou comme n’importe quel bien.
Le seul fonctionnement du marché n’est pas satisfaisant pour les oeuvres de l’esprit. Ce sont donc les politiques culturelles qui, sans s’opposer à l’échange, doivent permettre d’en rééquilibrer les termes. C’est l’Etat qui est le garant de l’intérêt général face aux dynamiques de concentration qui traversent l’écosystème de la musique.
A ce titre, l’enjeu global de la refondation de l’exception culturelle est un horizon essentiel à l’action de l’Etat et une nécessité absolue si l’on veut continuer à défendre et à soutenir les créateurs.
La mission Lescure doit permettre de déterminer les modalités d’adaptation des différents outils pour préserver l’exception culturelle et la faire fructifier. Le périmètre est très large et couvre tous les phénomènes d’adaptation, les phénomènes légaux et la régulation économique à l’ère du numérique.
La mission Lescure, au titre de l’acte II de l’exception culturelle, doit permettre d’inventer une régulation adaptée en faveur de l’offre légale, de la protection des droits et des mécanismes de soutien financier. Au coeur de la réflexion se trouve la question du partage de la valeur issu de la création artistique.
A ce titre, je veux souligner que j’ai confié la coordination de la mission Lescure à Jean-Baptiste Gourdin qui comme beaucoup d’entre vous le savent est particulièrement au fait des enjeux pour la musique étant le directeur de l’association de préfiguration du CNM.
Plus largement, comme je l’ai indiqué à l’occasion de mon audition devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, je suis favorable à une révision de la fiscalité du numérique. Il s’agit de faire participer les grandes entreprises et les agrégateurs au financement de la création.
Voici donc posée la feuille de route pour laquelle je suis totalement engagée. Depuis mon arrivée au ministère de la Culture et de la Communication, je suis déterminée à ce que l’Etat soutienne et conforte la Musique par les mesures nécessaires de court terme et par les outils et les modes de financement adaptés et pérennes pour son avenir. Et je souhaite que nous continuions à travailler ensemble en ce sens.
Je vous remercie.
(Source ministère de la Culture et de la Communication)
Le point presse :