Gue(ho)st House de Christophe Berdaguer et Marie Péjus

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    Christophe Berdaguer et Marie Péjus réalisent une remarquable architecture – sculpture aux abords du centre d’art contemporain – la synagogue de Delme : en renforçant la visibilité du centre d’art, en créant de nouveaux espaces d’accueil pour les publics et les artistes, cette oeuvre rend possible de nouveaux usages dans l’espace public.

    Le coeur de leur projet consiste en la transformation d’un bâtiment existant qui fut tour à tour prison, école, et chambre funéraire. Attentifs à ce contexte, les artistes s’emparent de la mémoire des lieux et métamorphosent le bâtiment en maison fantôme, véritable fantasmagorie architecturale dont le titre se fait l’écho. Gue(ho)st House reprend ainsi un jeu de mot de Marcel Duchamp : a Guest + a Host = a Ghost (un hôte + un invité = un fantôme). Déclencheur du projet, il offre une interface entre des hôtes (centre d’art, commune) et des invités (publics, artistes).

    Berdaguer et Péjus recouvrent la maison d’origine d’un voile blanc qui coule sur les abords et crée un corps vivant, une forme en mouvement qui regarde autant vers le passé que vers l’avenir. Projection dans l’espace d’une psyché collective, la maison devient tout autant le lieu des affects, des perceptions et des souvenirs qu’un formidable outil de médiation pour le centre d’art.

    Cette commande publique marque un jalon décisif dans l’histoire de la synagogue de Delme qui s’est toujours positionnée comme un lieu de production et de recherche pour les artistes, ouvert à tous les publics, dans une logique de dialogue et de proximité. Le centre d’art fêtera en 2013 ses vingt ans d’existence et pourra désormais offrir à tous un accueil de très grande qualité.

    Le centre d’art contemporain de Delme est situé dans une ancienne synagogue, construite à la fin du XIXe siècle dans un style orientalisant. Sa coupole, son entrée à arcades, ornée de motifs réticulés, ses fenêtres aux vitraux géométriques ne sont pas les moindres de ses particularités.

    Pendant la seconde guerre mondiale, la synagogue est en partie détruite. Les murs extérieurs subsistent, mais l’intérieur sera reconstruit après-guerre selon des lignes plus strictes. Au début des années 80, la synagogue est fermée définitivement en tant que lieu de culte, faute d’un nombre suffisamment élevé de pratiquants. La première exposition à la synagogue a lieu en 1993. Depuis plus de quinze ans, de nombreux artistes se sont succédé dans ce centre d’art atypique.

    C’est aux artistes qu’il doit son identité et son rayonnement, sur la scène locale mais aussi internationale : Daniel Buren, Ann Veronica Janssens, Jean-Marc Bustamante, François Morellet, Tadashi Kawamata, Stéphane Dafflon, Delphine Coindet, Jeppe Hein, ou plus récemment Katinka Bock, Julien Prévieux, Gianni Motti, Yona Friedman…

    Tous ont porté un regard singulier sur ce lieu par la production d’oeuvres in situ. Outre les trois à quatre expositions temporaires organisées chaque année dans l’ancienne synagogue de Delme, le centre d’art gère un programme de résidences d’artistes dans le Parc naturel régional de Lorraine, au sein du village de Lindre-Basse.

    De dimension modeste, située au coeur de la Lorraine et dans une zone rurale, la synagogue de Delme s’est toujours positionnée comme un laboratoire, un lieu de production et de recherche pour les artistes. Le centre d’art reste soucieux d’établir un réel dialogue avec tous les publics qu’il accueille, dans une logique de proximité.

    Les usages futurs Le bâtiment a pour vocation d’abriter au rez de chaussée une salle d’accueil pour les groupes et les scolaires, ainsi que les animations pédagogiques du centre d’art, mais aussi un bureau de médiation et une salle de documentation. Quant à l’étage il est transformé en studio pour accueillir ponctuellement des artistes, des étudiants, des stagiaires ou tout autre professionnel du monde de l’art.

    NOTE D’INTENTION DES ARTISTES

    « A Guest + A Host = A Ghost » Marcel Duchamp

    Ce jeu de mot de Marcel Duchamp s’est révélé être un déclencheur, une ligne de fuite pour dessiner le projet. En effet, il contient en lui les mots clefs pour appréhender la complexité du cahier des charges. Guest est le dénominateur commun, le point de jonction, l’espace de partage que nous avons imaginé, le fantôme est une métaphore, une fantasmagorie (l’origine de ce terme étant « l’art de faire parler les fantômes en public » ; la fantasmagorie consistait à la fin du XVIIIe siècle à projeter et à animer sur un écran de toile ou de fumée, des tableaux miniatures peints sur des plaques de verre, ou bien gravés sur un support opaque).

    Dans notre proposition, nous avons eu le souci de répondre à la fois à un public local, des utilisateurs a priori sans lien direct avec le Centre d’Art et des visiteurs plus « avisés » venant spécialement à Delme pour voir une exposition, des guests (invités) et des hosts (hôtes), dans un même lieu. Un lieu où l’oeil peut habiter et s’égarer.

    L’histoire du lieu, dans ses transformations et mutations nous parle de fantômes, de la synagogue au Centre d’Art, de la prison à l’école, du funérarium à l’accueil des publics. Il nous semblait important de prendre en considération cette dimension archéologique, ces différentes sédimentations ; les rapports que nous entretenons avec les sites et les différents contextes dans lesquels nous travaillons sont toujours dans cet esprit, travailler avec le lieu et non contre un lieu, prendre en compte ce que le site raconte et l’écouter, c’est s’offrir la possibilité de raconter une nouvelle histoire, tout en offrant la possibilité d’en être l’acteur et non plus le témoin passif.

    L’architecture est pour nous un espace possible pour l’imaginaire, pour raconter et se raconter des histoires, c’est avant tout la matérialisation d’un rêve collectif, d’une communauté de vivants et de fantômes… C’est ce que nous avons essayé de dessiner dans ce projet, à travers des plis, des ambiances, des résurgences dans lesquels l’imaginaire peut venir se projeter.

    Le projet s’est construit d’une part à partir d’une dialectique entre espace public et espace privé, une double architecture faite de plis, de tensions, résultant des usages et des transformations du bâtiment existant ; d’autre part à partir du contexte, du site, des scenarii d’usage et bien évidemment du cahier des charges. Cette proposition relève du geste architectural par sa forme et son parti pris mais aussi d’un questionnement sur la sculpture, le voile générant à la fois des bas-reliefs et des hauts-reliefs.

    Une architecture blanche, poreuse, d’apparence simple, fluide mais dont les plis et les recoins laissent imaginer une autre maison, une vie parallèle, dans les vides des jonctions et des greffes de cette double architecture.

    Nous avons créé une dynamique dans l’aménagement du site afin que l’espace situé derrière la synagogue devienne un espace de vie à la fois pour les habitants de Delme mais aussi pour les visiteurs du Centre d’Art. Les liens que génère le voile blanc entre le jardin et l’ancien préau favorisent l’appropriation des lieux par les visiteurs/usagers.

    Le jardin autour de la Synagogue est pensé comme un espace ouvert, une « place publique » qui crée de potentiels liens entre les habitants. La Gue(ho)st House est la pièce maîtresse de tous ces liens, par sa présence et sa capacité de réaction et de mutation en fonction des stimuli extérieurs. Elle génère la forme du mobilier extérieur qui fait partie intégrante de la sculpture. Gue(ho)st House est un dispositif ouvert et poreux, un «voile» qui contamine l’architecture et le paysage. L’art de ne plus avoir peur des fantômes… Christophe Berdaguer et Marie Péjus

    Christophe Berdaguer et Marie Péjus travaillent à quatre mains depuis une quinzaine d’années. Passionnés par les utopies architecturales qui ont jalonné le XXe siècle, tels des fantômes de l’Histoire, ils appréhendent l’architecture et la ville comme des projections du corps, de la psyché ou de toute organisation sociale.

    Ils convoquent diverses disciplines dans leurs oeuvres : biologie, psychanalyse, neurologie, sociologie… Pour Berdaguer & Péjus, une maison est autant une somme d’affects, de perceptions et de souvenirs qu’une construction purement mécanique. C’est pourquoi à Delme ils travaillent tout naturellement avec la mémoire des lieux.

    Nés respectivement en 1968 et 1969, Christophe Berdaguer et Marie Péjus vivent et travaillent à Paris et Marseille. Pensionnaires de la prestigieuse Villa Médicis et lauréats du prix de la Fondation Ricard en 2007, leur travail a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles et collectives en France et en Europe depuis quinze ans. En 2003, ils participent à l’exposition Unheimlich au Centre d’art contemporain la synagogue de Delme. En 2012, ils bénéficient d’une vaste exposition personnelle à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne, et présentent leur travail au Musée du Quai Branly dans le cadre de l’exposition Les Maîtres du Désordre. Pour plus d’information sur leur travail : www.cbmp.fr

    La commande publique

    Gue(ho)st House a été réalisée selon le dispositif de la commande publique du ministère de la Culture et de la Communication (Direction générale de la création artistique / Direction régionale des affaires culturelles de Lorraine), avec le soutien de la commune de Delme, du Conseil Régional de Lorraine, du Conseil Général de la Moselle, et du Fonds européen agricole pour le développement rural FEADER.

    La commande publique est la manifestation de la volonté de l’État, ministère de la Culture et de la Communication – Direction générale de la création artistique, d’accompagner des partenaires multiples (collectivités territoriales, établissements publics ou partenaires privés), dans l’enrichissement du patrimoine national et du cadre de vie, par la présence d’oeuvres d’art en dehors des seules institutions spécialisées dans le domaine de l’art contemporain.

    Elle vise aussi à mettre à la disposition des artistes un outil leur permettant de réaliser des projets dont l’ampleur, les enjeux ou la dimension nécessitent des moyens inhabituels. La commande publique désigne donc à la fois un objet – l’art qui, en sortant de ses espaces réservés, va à la recherche de la population dans ses lieux de vie, dans l’espace public – et une procédure marquée par différentes étapes, de l’initiative du commanditaire jusqu’à la réalisation de l’oeuvre par l’artiste et sa réception par le public.

    Crédits

    Images 3D © Christophe Berdaguer et Marie Péjus
    Vues du chantier © O.H.Dancy
    Usinage en atelier © CHD Art production

    Centre d’art contemporain la synagogue de Delme