Emmanuelle Le Film
Emmanuelle Le Film by Audrey Diwan

Emmanuelle est en quête d’un plaisir perdu. Elle s’envole seule à Hong Kong, pour un voyage professionnel.

Emmanuelle est en quête d’un plaisir perdu. Elle s’envole seule à Hong Kong, pour un voyage professionnel. Dans cette ville-monde sensuelle, elle multiplie les expériences et fait la rencontre de Kei, un homme qui ne cesse de lui échapper. Avec ce film, Audrey Diwan nous livre une libre adaptation du roman d’Emmanuelle Arsan et pose un regard féminin sur la quête intime de celle dont le prénom évoque encore aujourd’hui l’un des personnages les plus sulfureux du cinéma.

NOÉMIE MERLANT 

QU’EST-CE QUI VOUS A PLU DANS LA FAÇON DONT AUDREY VOUS A PRÉSENTÉ LE PROJET ? Noémie Merlant :

Je ne connaissais pas du tout Emmanuelle, ni le livre, ni le film. La seule chose dont j’avais connaissance, c’était le buzz qui avait entouré le film à sa sortie. J’apprends deux jours avant de rencontrer Audrey qu’elle cherche son Emmanuelle et qu’elle a pensé à moi. J’étais très flattée. En lisant le scénario, j’ai été happée par ce voyage intime. J’avais la sensation de faire un voyage intérieur puisqu’il ressemblait un petit peu à mon voyage à moi, celui d’une femme qui tente de se connecter à son corps, de se reconnecter, à sa jouissance et à son plaisir. Quand j’ai rencontré Audrey, c’est justement la première chose qu’elle m’a dite, qu’il s’agissait d’une femme qui cherche à se reconnecter à ses désirs. Et pour moi, c’est un peu LE sujet. Il me touche très personnellement, comme beaucoup de femmes. Après, je ne dis pas que cette quête du plaisir est une obligation, il y a des gens qui n’ont pas d’orgasme, de libido et ça ne les intéresse pas. Mais quand on est dans cette démarche d’avoir envie, c’est vrai que c’est compliqué, car la société nous a longtemps conditionnés à privilégier la satisfaction du plaisir masculin

COMMENT EST-CE QUE VOUS AVEZ TRAVAILLÉ LES SCÈNES DE SEXE ? 

Noémie Merlant : Nous les avons abordées très en amont avec Audrey et Stéphanie Chene, qui est une chorégraphe et coach d’intimité avec qui je travaille depuis Les Olympiades de Jacques Audiard. On cherchait à traduire visuellement cette reconnexion au désir. C’est subtil, quand même, de montrer sans mots, sans explication, le passage d’une sexualité dénuée de plaisir à une véritable exploration de celui-ci. J’ai une confiance absolue en Stéphanie, en Audrey aussi. Et je n’ai aucune pudeur dans mon travail, que ce soit en tant que réalisatrice ou actrice. Parler de la sexualité et plus particulièrement de la sexualité féminine est ce qui m’excite, m’intéresse le plus.

VOUS ÊTES VOUS MÊME CINÉASTE ET ACTRICE DE VOS PROPRES FILMS, AVEZ-VOUS LE SENTIMENT D’ABORDER VOTRE TRAVAIL D’ACTRICE DANS LES FILMS DES AUTRES EN TANT QU’AUTRICE À PART ENTIÈRE ?

Noémie Merlant : Oui, mais c’est aussi grâce à Audrey qui laisse la place autour d’elle. Dès les répétitions, elle travaillait très collectivement, plus horizontalement que verticalement. Je pense que de nombreuses personnes se sont senties très investies et impliquées dans le film. Il y avait aussi Dany Héricourt qui travaillait avec nous, qui était ma coach d’anglais mais qui est aussi une alliée artistique très présente. Et puis Stéphanie naturellement, mais aussi Will Sharpe avec qui j’ai pu avoir de vraies conversations. Elles ont débouché sur des propositions qui ont enrichi le film. Évidemment, Audrey a le dernier mot, puisque c’est elle qui met en scène, mais elle est vraiment dans la volonté de vouloir prendre en considération et se nourrir de l’autre, ce qui est hyper important.

EST-CE QUE FINALEMENT, VOUS AVEZ REGARDÉ LE FILM OU LU LE LIVRE DONT EMMANUELLE EST ADAPTÉ ?

Noémie Merlant : Je n’ai rien lu et je n’ai regardé le film que très récemment. La seule chose qui se passait, c’est que les gens me disaient «Tu n’as pas peur ? Tu sais ce qui est arrivé à Sylvia Kristel ? Tu n’as pas peur après d’être enfermée dans une case et mise au ban de l’industrie ?». En entendant ça, je me suis dit que si j’avais peur, c’est que j’étais au bon endroit. S’il y a de la peur, c’est une prise de risque. Si les gens ont peur, c’est qu’il y a quelque chose d’intéressant à aller fouiller.

AUDREY DIWAN

C’EST LA SECONDE FOIS QUE VOUS ADAPTEZ UN LIVRE QUI PARLE DE SEXUALITÉ EMPÊCHÉE. IL Y A DONC UNE CONTINUITÉ, MAIS AUSSI UNE RUPTURE FORMELLE AVEC CE FILM. Audrey Diwan :

Le pont entre les deux films tient pour moi dans l’impératif de verticalité auquel sont soumises les femmes. J’aimais aussi l’idée de développer encore une fois un personnage féminin pas forcément aimable, parce qu’encore aujourd’hui j’ai le sentiment que ce n’est pas totalement acquis. Je vois encore trop de personnages féminins dont l’existence semble assujettie au fait qu’elles soient sympathiques et gentilles… ça m’agace.

COMMENT AVEZ-VOUS ABORDÉ LES SCÈNES DE SEXE ? IL Y EN A FINALEMENT ASSEZ PEU MAIS DEUX D’ENTRE ELLES OUVRENT ET FERMENT LE FILM. LA FAÇON DONT ELLES SONT MISES EN SCÈNE DIT BEAUCOUP DU TRAJET QUE LE FILM ACCOMPLIT.

Audrey Diwan : Dans la première, Emmanuelle tourne le dos à l’homme avec qui elle couche, avec ce regard vide dans le miroir, qui dit tout de sa dissociation. Il n’y a dans cette scène pas de rapport à l’autre, ni pour elle, ni pour lui. Tandis que c’est l’inverse à la fin. Dans cette dernière scène, j’ai voulu que l’érotisme vienne des mots autant que des images. Elle dit enfin ce qu’elle désire. La représentation juste de l’orgasme féminin a été longue à trouver. Noémie et moi avons cherché sans relâche la note juste. La plupart du temps au cinéma, l’orgasme féminin a pour fonction de rassurer l’homme sur sa puissance sexuelle. La pornographie a produit des centaines de milliers d’images de femmes qui hurlent. Ici, j’ai voulu chercher la vérité dans une forme d’épuisement, de lâcher-prise final qui se résume à un soupir, avec le sentiment que nous avions gravi un genre d’Everest pour cueillir une fleur .

VOTRE ADAPTATION EST ASSEZ LIBRE, NÉANMOINS ELLE S’OUVRE ET SE CLÔT SUR DES SCÈNES QU’ON RETROUVE DANS LE FILM DE 1974, À SAVOIR DEUX SCÈNES DE SEXE, CELLE DANS L’AVION ET CELLE DU PLAN À TROIS FINAL. MAIS LA DIFFÉRENCE EST QUE, DANS VOTRE FILM À VOUS, CE NE SONT PAS DES FANTASMES MAIS DES SCÈNES BIEN VÉCUES PAR L’HÉROÏNE. ÉTAIT-CE POUR VOUS UNE FAÇON DE LA LIBÉRER DES FANTASMES DONT ELLE ÉTAIT L’OBJET POUR VOUS FOCALISER SUR SON EXPÉRIENCE À ELLE ? 

Audrey Diwan : Franchement, j’ai fait table rase du passé. J’ai eu envie de raconter le chemin d’une femme qui ne jouit pas et sa conquête progressive du plaisir. Comment on revient à soi, comment on lâche prise ? Ce qui m’a donné envie de faire le film, c’est d’abord une longue discussion philosophique sur l’érotisme au cœur du livre. Elle m’a fait penser que l’érotisme est avant tout une question de cadre, de restriction, de réflexion sur ce qui est le montré et le caché. Partant de ça, d’autres interrogations plus intimes me sont venues, notamment sur mon parcours de femme et mon propre rapport à la sexualité, à la jouissance, mon désir d’affranchissement face aux normes qui régissent la séduction et le sexe. À notre époque, il me semble que la jouissance est totalement liée à l’impératif de performance, au sens capitaliste du terme. Il faut rentabiliser, optimiser, profiter. Pour moi, la question du film est donc devenue : comment échapper à ce cadre qui exige de nous qu’on jouisse de tout et qu’on performe, tout le temps, au détriment même du plaisir ? La seule chose qu’on puisse opposer à cette injonction, c’est d’avoir le courage de se mettre en danger. De prendre le risque de ne pas « réussir » pour mieux se reconnecter à soi et aux autres.

LISTE ARTISTIQUE

  • EMMANUELLE : Noémie Merlant
  • KEI SHINOHARA Will : Sharpe
  • MARGOT : Naomi Watts
  • ZELDA : Chacha Huang
  • SIR JOHN : Jamie Campbell Bower
  • THE EYE : Anthony Wong
  • L’HOMME DANS L’AVION : Harrison Areval

UN FILM DE Audrey DiwanECRIT PAR Audrey Diwan, Rebecca Zlotowski

  • D’après le personnage « EMMANUELLE » d’Emmanuelle Arsan, propriété d’EMMANUELLE ESTATE Inc.