Emmanuel Macron et sa Conférence de presse

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 Emmanuel Macron a pris la parole jeudi soir pour défendre les mesures avec lesquelles il espère relancer son quinquennat : “Je n’avais rien de spécial à vous dire mais je tenais tout de même à vous le faire savoir“. 

Après le début de la crise des Gilets jaunes, Emmanuel Macron a pris la parole jeudi soir pour défendre les mesures avec lesquelles il espère relancer son quinquennat. Mais comme l’indique le chat de Geluck on peut ainsi résumer la conférence de presse du Président de la République : “Je n’avais rien de spécial à vous dire mais je tenais tout de même à vous le faire savoir“. C’est en gros ce qui ressort ce matin dans les commentaires de la presse nationale. Entre les revendications portées par les “gilets jaunes” et les annonces d’Emmanuel Macron jeudi soir, la synthèse a-t-elle été faite ? Après une allocution de près d’une heure, il a répondu aux questions des journalistes. Démocratie, fiscalité, éducation et immigration ont notamment été évoquées, en conclusion du grand débat national.

  • Notre croissance est supérieure à celle de bien de nos pays voisins, a assuré le chef de l’Etat. Ce n’est pas vrai, comme en attestent les données d’Eurostat. En 2018, la croissance de la France a été de 1,5%, mais celle de l’Union européenne était de 2% et celle de la zone euro de 1,9%. Cette année-là, seuls la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la Norvège ont fait moins bien que la France.

 

  • Emmanuel Macron a promis que l’impôt sur le revenu – actuellement payé par 43 % des foyers fiscaux – allait baisser. Tout en affirmant que ce serait au gouvernement de définir précisément le montant de cette réduction fiscale, le chef de l’État a estimé qu’une baisse de « 5 milliards d’euros » serait « un geste significatif ».  Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, affirmait le 9 avril que la baisse devait d’abord concerner « ceux qui ont les niveaux de revenus les plus modestes ».

 

  • Le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF) était l’une des principales revendications des “gilets jaunes”. Sur ce point, le chef de l’État oppose une fin de non-recevoir aux manifestants depuis le début du mouvement. Il l’a répété jeudi soir, présentant sa décision de supprimer cet impôt, prise dès le début de son quinquennat, comme une “réforme pour produire, pas une réforme pour les plus fortunés”. Il a toutefois souligné que l’impact de cette suppression serait “évalué en 2020”, en vue d’éventuelles corrections. Selon un sondage Ifop pour le JDD publié en janvier, deux tiers de la population y étaient favorables.

 

  • Le président a aussi a écarté l’une des principales revendications des “gilets jaunes”, demandeurs de plus de démocratie directe. En janvier, lors du lancement du “grand débat national”, le président de la République avait déjà indiqué craindre “une situation de concurrence entre les formes de démocratie”. Ainsi, en lieu et place de cette mesure attendue, il a indiqué vouloir “aller plus loin sur le référendum d’initiative partagée, et a proposé d’abaisser à un million le nombre de signatures nécessaires pour saisir le Parlement.

 

  • Quand je nous compare à nos voisins et aux autres pays de l’OCDE, on travaille moins rapporté à l’année, a déclaré le président de la République. C’est faux. Selon les données de l’OCDE, le travailleur français a passé en moyenne 1 526 heures à son travail en 2016, loin devant son équivalent allemand (1 356 heures en 2017) et juste derrière le travailleur britannique (1 538 heures en 2018).

 

  • Emmanuel Macron s’était dit prêt à ouvrir le débat sur la prise en compte du vote blanc, l’une des autres revendications des “gilets jaunes” qui souhaitaient ainsi se voir accorder la reconnaissance d’un bulletin contestataire dans les urnes. Jeudi, face à la presse, Emmanuel Macron a finalement écarté cette possibilité. “Blanc, ça ne décide pas. C’est trop facile, c’est l’agrégation des rejets”, a-t-il déclaré.

 

  • Le chef de l’État s’est dit jeudi “favorable” à l’introduction d’une dose de 20% de proportionnelle à l’Assemblée nationale (contre 15% jusqu’ici). Selon Emmanuel Macron, c’est ce pourcentage qui permettra de “représenter toutes les familles politiques sans créer une situation ingouvernable.” Il a par ailleurs évoqué une baisse du nombre de parlementaires (577 députés et 348 sénateurs actuellement), qui serait de l’ordre de 25% à 30%, ainsi qu’une limitation des mandats dans le temps.

 

  • Les pensions des retraités les plus modestes – moins de 2.000 euros par mois – vont recevoir un petit coup de pouce : Emmanuel Macron a confirmé jeudi soir qu’elles seraient à nouveau indexées sur l’inflation. La revalorisation n’était pas la seule revendication des “gilets jaunes” : ils réclamaient aussi un abaissement de l’âge de départ à la retraite, et la mise en place d’un niveau “plancher” pour les pensions. Aucune annonce n’a été faite concernant le premier point. Sur le second, Emmanuel Macron a dit jeudi souhaiter la mise en place d’une “retraite minimale” à 1.000 euros pour “ceux qui ont eu une carrière complète”.

 

  • La pérennisation et l’amélioration des services publics figuraient au cœur des 42 revendications des “gilets jaunes”. En réponse, le président s’est engagé jeudi à ne fermer aucune école ni aucun hôpital sans l’accord du maire, et ce jusqu’à la fin de son mandat en 2022. Le chef de l’État a également annoncé vouloir limiter à 24 le nombre d’enfants par classe en grande section de maternelle, CP et CE1, défendant un “investissement dans nos enfants dans lequel (il) croit profondément”.

 

  • Je pense qu’il faut supprimer l’ENA“, a indiqué le chef de l’Etat, «Non pas pour se donner plaisir de supprimer», mais pour «bâtir quelque chose qui fonctionne mieux». «Est-ce que notre haute fonction publique ressemble à la société? La réponse est non. Il a plaidé pour la suppression des “grands corps” de la fonction publique et pour une réforme plus globale du recrutement des fonctionnaires et de leur carrière.

 

  • L’idée d’un deuxième jour férié travaillé pour financer la dépendance n’a finalement pas été retenue. 
Les réactions politiques aux annonces de Macron

Ingrid Levavasseur

, ancienne “gilet jaune”, s’est dit ce vendredi sur franceinfo “très déçue” par les mesures annoncées par Emmanuel Macron. “À quel moment on va réellement parler du prix de l’essence qui flambe de nouveau aux pompes ? À quel moment est-ce qu’on parle réellement des familles monoparentales ?” Selon elle, les annonces d’Emmanuel Macron ne devraient pas calmer les “gilets jaunes” : “Je ne pense pas que ça va s’éteindre. Au vu de ce qui se passe sur les réseaux et de ce que j’entends et évidemment de l’insatisfaction des Français, je pense que ça ne va pas s’éteindre. C’est une évidence”, a-t-elle assuré.

Plusieurs figures du mouvement des “gilets jaunes”ont exprimé leur déception. “Il n’a pas écouté ce qu’on a dit dans la rue depuis cinq mois”, a déclaré à l’AFP Maxime Nicolle“Il a commencé son allocution par dire que ce qu’il avait fait depuis deux ans c’était très bien et qu’on ne l’avait pas compris. Nous, on a très bien compris, il est incapable d’un mea culpa.”

Si le chef de l’Etat « n’a rien compris aux attentes des Français, on lui réexpliquera le 26 mai ! », a lancé de son côté la tête de liste du mouvement pour les européennes, Manon Aubry.

Raphaël Glucksmann, tête de liste du PS aux élections européennes, a pour sa part écrit, sur Twitter : « Où est la vision à la hauteur de la crise sociale et de l’apocalypse écologique ? Certaines mesures sont bienvenues, d’autres non. Mais rien n’est au niveau du moment que nous traversons. Tout était dit à la 5e minute : pas de fausse route, pas de nouveau cap. »

« Tout ça pour ça ! », dit Yannick Jadot, tête de liste Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pour les européennes : « On attendait un plan Marshall sur le climat (logement et renouvelables), une sanctuarisation des services publics (gares, maternités…) et des infrastructures vitales (aéroports, barrages…) », et à la fin, « rien ! ou si peu ».

Laurent Wauquiez, a déploré sur France 2 une accumulation de « petits gestes, de petites corrections des lourdes erreurs commises », assurant que « des compartiments entiers de Français ne sont pas concernés ».

Les « gilets jaunes » appellent à de nouvelles manifestations, l’opposition lui donne rendez-vous dans les urnes pour les élections européennes le 26 mai.

Tout ça pour ça !

Toutes ces mesures vont avoir un coût pour les finances publiques : les baisses d’impôts, les pensions de retraites. Au total, la facture devrait donc se chiffrer en milliards d’euros. Auxquels s’ajoutent les 10 milliards d’euros annoncés en décembre. D’autant que le gouvernement a promis qu’il ne voulait pas laisser filer la dette. Mais à part quelques petites nouveautés, le président a livré peu de détails, s’en remettant au travail futur du gouvernement ou du Parlement. La séance de questions-réponses avec les journalistes n’a pas non plus réservé de surprises.

Selon une enquête Harris Interactive / Agence Epoka pour LCIRTLet LeFigaro, réalisée en ligne le après les annonces du chef de l’Etat, 63% des Français ne l’ont pas trouvé convaincant. Seuls 30 % d’entre eux l’ont trouvé “convaincant” et 7 % “très convaincant”. 65 % des Français sont contre l’augmentation du temps de travail. 58% sont contre l’allongement de la durée de cotisation pour avoir une retraite à taux plein; 59% pensent que le non rétablissement de l’ISF est «une mauvaise chose».

Photo : ©Philippe Geluck