Fabrice Le Hénanff signe avec Wannsee un album remarquable, pointilleux, vrai et d’une rare violence. L’horreur est banalisée par ces gens, normaux quoiqu’on en dise, qui décident de la mort atroce de millions d’autres sans émotion notable.
La « Solution finale » était le nom de code nazi pour la destruction délibérée, programmée, des Juifs d’Europe. La conférence de Wannsee détermina la façon dont la solution du « problème juif » selon Hitler, par des assassinats de masse, serait transmise aux ministères et fonctionnaires concernés.
Il est décidé que les juifs d’Europe en état de travailler seront transférés dans des camps de travaux forcés. Pour ceux incapables de travailler, l’élimination pure et simple est décrétée. Certains camps seront bientôt essentiellement consacrés à cette extermination de masse : Belzec, Sobibor, Treblinka puis Auschwitz.
Le 20 janvier 1942, une quinzaine de dignitaires nazis et d’officiers SS se réunissent, sous la présidence de Reinhard Heydrich dans une villa d’un faubourg huppé de la capitale allemande. Ils mettent au point la déportation des Juifs de l’ouest de l’Europe vers les camps d’extermination situés en Pologne. En moins de deux heures, ils vont mettre au point l’organisation de la « solution finale de la question juive ». Le génocide du peuple juif est clairement amorcé.
Fabrice Le Hénanff ou l’horreur banalisé
signe avec Wannsee un album remarquable, pointilleux, vrai et d’une rare violence. L’horreur est banalisée par ces gens, normaux quoiqu’on en dise, qui décident à Wannsee la mort atroce de millions d’autres sans émotion notable. Ce n’est pas un hasard si c’est, le journaliste Didier Pasamonik qui en signe la préface. Ses mots sont pesés, forts, intelligents.
Wannsee relatée et dessinée par Fabrice Le Hénanff transmet en effet une mémoire, celle que révisionnisme, négationnisme voudrait détruire. Certes il y a une part de fiction dans le propos, obligatoire, mais les faits sont là, incontournables. On peut prévoir une solution finale, méthodiquement, en solidarisant tous les services d’un état.
Avec un graphisme et un découpage qui ne cachent rien de l’horreur des faits ou du mépris des dirigeants nazis envers leurs victimes désignées, Fabrice Le Hénanff rejoint les précurseurs « Maus » de Spiegelman ou « Auschwitz » de Croci ; l’importance du témoignage sur la Shoah – aussi terrible soit il -, marque la sombre démonstration des possibles historiques.
Avec un dessin qui force l’imagination, des traits et un découpage travaillé, qui restitue morgue et mépris des dirigeants nazis, leurs destins aussi, Wannsee rejoint Maus de Spiegelman ou Auschwitz de Croci. Un témoignage important qui démontre que tout est possible historiquement et peut se répéter.
Fabrice le Hénanff : « Je voulais donner au lecteur l’impression d’être à la même table qu’eux…“
Le lecteur plonge dans l’univers sordide de cette assemblée, assiste de manière effective à une réunion qui ressemble à celle d’un Conseil d’Administration. « Des éléments de la solution finale sont déjà en place, mais la conférence de Wannsee démontre, justement, en impliquant différents ministères, que l’on y travaille et que l’on est prêt à passer au stade industriel. » explique Fabrice Le Hénanff.
Et, nous le savons cette réunion va sceller le sort de millions de personnes ! De plus, on en a une trace écrite, rédigée peu après en comité restreint, et aujourd’hui conservée à la villa qui est devenue un lieu de mémoire et d’enseignement.
La technique de Le Hénanff : un rayonné assez fort, de la couleur directe, et des jus colorés. Pratiquement pas d’encrage. « J’ai utilisé un papier de couleur crème, beaucoup de couleur rouge pour pouvoir développer des fonds sépia et bruns… » précise l’auteur
Pendant plus de 80 planches, Fabrice Le Hénanff nous présente le déroulement d’un huis-clos qui, en temps réel, a duré moins de deux heures. Un défi pour un auteur de BD…
- Album: 88 pages
- Editeur : Casterman
- Langue : Français
- ISBN-10: 2203149639
- ISBN-13: 978-2203149632
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