Jérôme Zonder au château de Chambord : Le projet de l’exposition consiste, à interroger la question lancinante de la mémoire et de la trace, selon une visée croisant l’anthropologie, l’éthique et le politique.
Après avoir organisé l’été dernier l’exposition “Georges Pompidou et l’art, une aventure du regard“, afin de célébrer les 40 ans du Centre Pompidou et qui a attiré plus de 500 000 visiteurs, Chambord renoue cette année avec les expositions monographiques qui ont fait de lui l’un des lieux patrimoniaux les plus dynamiques dans le champ de l’art contemporain depuis une dizaine d’années, en accueillant Jérôme Zonder, l’un des meilleurs dessinateurs d’aujourd’hui.
Diplômé en 2001 de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, et dessinant essentiellement des scènes concentrationnaires inspirées du camp d’Auschwitz, c’est le directeur du centre de dessin de Diepenheim aux Pays-Bas qui découvre Jérôme Zonder au cours du salon du dessin Drawing Now, et qui lui consacre aussitôt une exposition.
Contemporain, Jérôme Zonder dessine le monde qui l’entoure, et comme il l’expliquait à Studio visit, lors d’une interview en 2012 : « Notre espèce est ultra-violente et suicidaire au dernier degré. Faire le portrait de l’espèce humaine, c’est faire des charniers. (…) Je construis mes dessins comme des sortes de piège dont on ne sort pas. (…) Je suis entré dans le dessin par une violence très excessive parce que ça me correspondait à ce moment-là. (…) Donc ça rend le spectateur encore plus voyeur et pervers. La question de la responsabilité est importante dans mon travail. Disons que je mets en place toutes les conditions pour que le spectateur puisse se faire l’histoire ou pas et après c’est lui qui décide de se placer en tant que victime ou en tant que bourreau »
La même année il expose à Nantes au Lieu unique dans le cadre d’une exposition collective « La Belle peinture est derrière nous ». En 2013, il est en résidence au Leipzig International Art Programme, expose à titre personnel en 2015 à La Maison rouge, fondation Antoine-de-Galbert des dessins sur Garance, son personnage référant à Arletty dans Les Enfants du Paradis de Marcel Carné, et qui s’inspire de la photographe, commissaire d’exposition et militante féministe Julia Javel, puis présente l’année dernière un « parasitage entre les souvenirs et les faits relevant de l’actualité » autour de l’ex-figure de proue des Femen inspirée par le livre de Virginie Despentes, King Kong Théorie, à l’occasion de l’exposition Garance, dernier volet, à la Galerie Eva Hober. La même année, Léopold Meyer, collectionneur et membre du jury du salon du design contemporain de la Fondation d’art contemporain Daniel et Florence Guerlain, est fasciné par son talent et tombe sous son charme. Au Musée Tinguely de Bâle, il expose une oeuvre aux côtés des sculptures-machines de Jean Tinguely, intitulées Mengele, danse macabre.
Après des dizaines d’expositions, on le retrouve donc cette année au château de Chambord pendant les résidences de Jasser Haj Youssef et Olivier Baumont, le projet de l’exposition consistant, dans un lieu qui célèbrera très bientôt son 500ème anniversaire, à interroger la question lancinante de la mémoire et de la trace, selon une visée croisant l’anthropologie, l’éthique et le politique. Qu’il ait recours au fusain, à la mine de plomb ou au travail à l’empreinte, Jérôme Zonder laisse exploser son imagination créatrice et la virtuosité de son talent à travers des dessins réalistes ou plus suggestifs.
Dessinateur dans l’âme et par passion, les dessins de Jérôme Zonder s’imposent face au flot d’images numériques qui nous submergent constamment et qui se trouvent transformées par la dimension à la fois organique et temporelle que l’artiste leur confère.
Le château accueillera dans l’exposition des superpositions de temporalités, comme autant de sédiments questionnant la mémoire collective. Avec plus de 130 œuvres, dont près de la moitié produite pour l’occasion, l’exposition montrera notamment une forêt de 30 mètres courant sur les murs, sur laquelle seront accrochés les « fruits de l’histoire », 89 dessins au format identique et normatif (24 x 32), issus de collections privées, qui formeront comme une narration en accéléré de l’espèce, de l’empreinte rupestre à la greffe bionique opérée en 2014 sur un soldat américain. A cet ensemble s’ajouteront une galerie de portraits de « blessés », révélant autant d’accidents de l’histoire, mais également des foules de mains sur de très grands formats, hésitant entre révérence et idolâtrie, tendresse du contact et hystérie collective… Une bien belle exposition en perspective qui ne manquera surement pas de recevoir un accueil chaleureux de la part du public.
Photo : ©Jérôme Zonder, Les fruits du cinéma #4, 2013, 24 x 32 cm, fusain et mine de plomb sur papier
Jérôme Zonder s’expose à Chambord
Exposition du 10 juin au 30 septembre 2018
Château de Chambord & Domaine
https://www.chambord.org/fr/
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