120 battements par minute de Robin Campillo secoue la croisette

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Robin Campillo - 120 Battements par minute
Robin Campillo - 120 Battements par minute

Robin Campillo : “Si on fait tel film plutôt qu’un autre à un moment particulier, c’est sans doute parce que cela répond à une nécessité. Si j’ai voulu évoquer cette histoire, c’est que j’éprouvais un manque, qui ne se résume pas à de la nostalgie.

120 Battements par minute de Robin Campillo : Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d’Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l’indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean.

Dans 120 Battements par minute, ce sont Nahuel Pérez Biscayart et Arnaud Valois qui incarnent deux militants d’Act Up, qui tombent amoureux en pleine guerre contre le sida. Sean est séropositif, Nathan non. Nathan accompagnera Sean jusqu’au bout de la vie. Le jeu des deux acteurs, aux côtés d’Adèle Haenel, est brillant, les propulsant d’office parmi les premiers nommés pour le prix. Les comédiens Felix Maritaud, Nahuel Perez Biscayart, Aloise Sauvage, Arnaud Valois, Antoine Reinartz et Adèle Haenel ont assuré la montée des marches avec beaucoup d’envie et de  plaisir. Écrit par Robin Campillo avec la collaboration de Philippe Mangeot, le scénario est un autoportrait intime du groupe activiste Act Up au début des années 90, avant les trithérapies. Robin Campillo, ancien militant d’Act Up, dresse dans un portrait collectif émouvant, nous livre un film sur la difficulté de vivre son amour durant ces terribles années où le sida est totalement un tabou dans la société. Premier des quatre long-métrages français de la compétition cannoise, “120 battements par minute” sera sur les écrans le 23 août.

En pleine polémique Hanouna, la croisette elle, à été secoué par 120 Battements par minute. Une comédie dramatique et politique qui arrive sur les écrans, au moment même où l’animateur Hanouna, piège en direct et par téléphone des homosexuels en se faisant passer pour un bisexuel nommé Jean-José. Un canular diffusé lors de l’émission spéciale TPMP, Radio Baba! Le CSA ayant reçu depuis plus de 14 000 signalements dénonçant, outre le procédé, la caricature de la communauté LGBT.

Des Revenants, dévoilé à Venise en 2004 qui a inspiré la série TV du même nom, puis Eastern Boys, avec lequel il a remporté le prix du meilleur film à Venise avant trois nominations aux Césars 2015, Robin Campillo a fêté sa première sélection cannoise en compétition officielle, sur la plage Magnum.

Photo :  ©Les Films de Pierre-France 3 Cinéma-Page 114-Memento Films Production-FD Production

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Avant de faire ce film, qu’est-ce qu’Act Up-Paris représentait pour vous ?

Robin Campillo : J’ai rejoint Act Up en avril 1992. C’est à dire 10 ans après le début de l’épidémie. En tant que gay, j’avais vécu les années 80 assez difficilement dans la peur de la maladie. Au début des années 90, je tombe sur une interview télévisée de Didier Lestrade, l’un des fondateurs de l’association. Il y parle de « communauté sida » composée, selon lui, des malades, de leurs proches et du personnel médical qui affrontent cette épidémie dans une forme d’indifférence de la société. Ce discours rompait un silence qui avait duré presque dix ans. C’est à ce moment-là que je décide de rentrer à Act Up. Dès ma première réunion, j’ai été stupéfait par l’espèce de jubilation du groupe, alors que nous vivions les années les plus dures de l’épidémie. La parole était libérée. Les gays qui pendant les années 80 avaient subi l’épidémie, devenaient, collectivement et publiquement, les acteurs de la lutte. Et avec eux d’autres personnes touchées par le sida qui pouvaient penser l’épidémie depuis leur expérience personnelle d’usager de drogues, d’ancien prisonnier, d’hémophile, etc. Ils s’étaient formés à la maladie, à la technicité des discours médicaux et politiques, dans un travail collectif d’empowerment. Mais Act Up, c’étaient surtout des personnalités très fortes qui auraient eu peu de raisons de se rencontrer dans d’autres circonstances. La force du groupe venait sans doute de l’électricité qui existait entre des personnes qui apprenaient à forger un discours commun malgré leurs différends. À Act Up, j’ai été un militant de base, mais assez actif. Je participais à la commission médicale mais j’ai surtout fait beaucoup d’actions, dont certaines ont inspiré le film. Il faut bien comprendre qu’à l’époque, l’idée même de parler de préservatif dans les lycées ou de plaider pour l’échange des seringues chez les usagers de drogues n’allait pas de soi. L’homophobie était encore presque une norme. On l’a oublié : quand une société évolue, comme elle l’a fait depuis, elle développe une sorte d’amnésie sur ce qui l’a précédée.

Comment qualifieriez-vous le film ? Est-il autobiographique ? S’agit-il d’une reconstitution ?

Robin Campillo : Le film est clairement une fiction. Et même si j’ai essayé de reconstituer pas mal de débats et d’actions qui avaient eu lieu alors, je les ai agencés librement par rapport à la vérité historique. On peut reconnaître ici ou là différents traits de caractère de personnalités qui ont marqué l’histoire du groupe. Pour construire les personnages, l’inspiration est moins venue de telle ou telle personne réelle que des tensions qui les opposaient. Je voulais aussi confronter cette histoire à une nouvelle génération, et composer avec les personnalités des acteurs que j’avais choisis. C’est ce qui m’a permis d’échapper définitivement à la tentation de singer les personnages réels. Avec Philippe Mangeot, ancien membre d’Act Up qui a collaboré à l’écriture du scénario, nous nous sommes dit que le plus important était de retrouver la musique des voix et l’intensité des débats pendant les réunions. Et quand c’était trouvé, je laissais filer les personnalités, sans les contraindre à l’imitation. La mécanique d’Act Up avait glissé vers eux sans gommer leur singularité.

120 Battements par minute revient à une époque sans téléphone mobile, sans internet, sans réseaux sociaux. Une époque avec des fax et des minitels. Une époque où les associations n’avaient pas, comme aujourd’hui, la possibilité de diffuser massivement leurs propres images, et où la télévision conservait une place centrale – ce qui engageait largement la façon dont Act Up mettait en scène ses actions. Avec internet et les réseaux sociaux, on peut avoir aujourd’hui le sentiment de se retrouver dans une sensibilité ou une lutte communes, mais ce type de convergence peine à s’incarner. À l’époque du film, pour se retrouver, il fallait se réunir et se confronter. Act Up-Paris est l’une des rares associations à avoir rassemblé chaque semaine tous ses membres, dans une réunion publique et ouverte à tous.

Y avait-il une urgence particulière à faire ce film aujourd’hui ?

Robin Campillo : Si on fait tel film plutôt qu’un autre à un moment particulier, c’est sans doute parce que cela répond à une nécessité. Si j’ai voulu évoquer cette histoire, c’est que j’éprouvais un manque, qui ne se résume pas à de la nostalgie. Je ne crois pas que le cinéma puisse avoir une incidence politique directe. Il ne s’agit pas de prétendre remédier à ce qui ne va pas aujourd’hui. Je le dis sans nostalgie : impossible de regretter la violence de ces années. À l’arrière-plan du film, il y a la tristesse d’avoir perdu ces personnes qu’on admirait, qu’on aimait, avec qui on riait. Mais je pense encore plus à ceux d’entre nous qui ont survécu, et qui se battent toujours aujourd’hui contre la maladie.

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Une partie de l'équipe du film 120 Battements par minute sur la plage Magnum

Robin Campillo Magnum plage

Photos MAGNUM & Matthew Oliver // MAGNUM & Victor Malecot