Gilbert du Motier Marquis de Lafayette : de l’indépendance des Etats-Unis à la Révolution française en passant par l’Empire et la Restauration, à la révolution de 1830, à la défense des valeurs de la république.
Aussi charismatique que l’Empereur et pourtant moins connu, Lafayette n’a eu de cesse, durant la période couvrant l’indépendance des Etats-Unis à la révolution de 1830 en passant par la Révolution française, l’Empire et la Restauration, de défendre les valeurs de notre république.Il est présent, et son rôle est décisif, dans toutes les étapes cruciales de cette page d’histoire, aussi bien dans la constitution de la démocratie américaine, la convocation des Etats généraux de 1789, la création du drapeau tricolore, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que dans la suppression de l’esclavage.
C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’il était indispensable que le département de la Haute-Loire, là où Lafayette naquit voici bientôt 260 années, rende hommage et fasse l’éloge de ce féroce combattant de la liberté dont la vie même est le plus puissant des messages. C’est sous une forme ludique et originale qu’est présentée l’exposition puisque celle-ci prend la forme d’une série de dix pavillons de 50m², chacun reprenant l’un des thèmes de la vie du grand homme.
Objets et documents de l’intimité, images qui retracent la légende seront mis à l’honneur grâce à de nombreuses images fixes, dessins, gravures et peintures qui permettront au public de comprendre l’intimité du personnage, de se rapprocher de lui, et de le saisir dans ses actes quotidiens qui n’nt jamais été mis sur le devant de la scène. Cette nouveauté sera confortée par de courts extraits de films et vidéos, réalisés avec le comédien Gérard Klein, qui amplifieront la perception légendaire du personnage. C’est donc suivant trois fils conducteurs que Lafayette dans l’Histoire et dans la multiplicité des histoires de sa vie sera révélé : à travers les objets et documents de l’intimité, les images de la posture héroïque, et enfin les documents cinématographiques. Le commissariat général a été confié à Claude Mollard.
Photo : Gilbert du Motier Marquis de Lafayette – Lieutenant General, 1791
Gérard Klein, qui s’est installé en Haute Loire, a accepté volontiers d’incarner dans un bref film le rôle du précepteur de Lafayette, rappelant comment le jeune homme lui révélait, avant même ses onze ans, un destin différent de celui des autres enfants. Il racontera comment Lafayette a en fait passé sa vie à façonner sa propre légende, et ceci dans les actes les plus héroïques comme dans les actions les plus modestes. C’est le caractère du personnage qui sera ici dévoilé.
Lafayette fait partie des êtres de caractère qui ont la chance de recevoir au berceau les conforts d’un héritage et qui savent aussi se forger un destin. Orphelin, il hérite d’un riche patrimoine. Il épouse une femme en vue, Adrienne de Noailles, issue d’une famille puissante. Sa devise « Curnon ? », en français « Pourquoi pas ? » le désigne comme un homme ambitieux et brave. Il arrive à maturité au moment où l’ancien monde bascule vers un monde nouveau. Il sera de cette révolution. Il n’aura pas peur de braver les pouvoirs et les épreuves, au service de la liberté.
L’intime c’est le passé, le patrimoine, la légende c’est l’aventure, la révolution.
Avec panache, Lafayette s’impose en quelques mois comme le « héros des deux mondes ». Il sait parler au Congrès, il séduit le général Washington, il s’impose comme militaire par sa bravoure,
il fait preuve de diplomatie avec les nations indiennes, il sait arracher les victoires, il arrive à convaincre le roi Louis XVI d’envoyer une armée pour soutenir les « insurgents » américains.
Il devient populaire parce qu’il aime le succès et sait le mériter.
La Révolution française couve dès 1787 et Lafayette est un de ses ardents propagandistes. Il rêve d’introduire en France la démocratie qu’il a vu naître en Amérique. Il est animé par les idées de liberté et de fraternité de la franc-maçonnerie. Son prestige l’impose à la tête du bras séculier de la Révolution que devient la Garde Nationale. Face aux hésitations, voire aux trahisons du roi, Il aurait pu, entre 1790 et 1792, prendre le pouvoir et incarner la nouvelle république. Mais il préfère la représentation, les symboles, comme le drapeau tricolore, plutôt que la gestion politique. Préférant démissionner, il ne pourra pas s’opposer à la montée des extrêmes. La légende c’est le combat, l’intime c’est la tentation de la distance.
Lafayette veut le triomphe de la liberté mais sans oser l’abolition de la monarchie. A plusieurs reprises, il sauve le Louis XVI du naufrage. Mais le roi en fait trop quand il ose gagner la frontière pour se joindre aux armées royales ennemies de la jeune nation française. Dès lors l’engrenage est lancé qui conduit tout droit à la Terreur. Les aristocrates, même régicides comme Philippe Egalité, ont peu de chance d’y échapper. Sa popularité ne suffit pas à arrêter l’orage qui le menace. Il préfère partir sans pourtant rallier les monarchistes revanchards. De là son ambiguïté qui le conduit à l’exil, victime de l’empereur d’Autriche et des républicains français. La prison n’est-ce pas l’intime apeuré face à une légende en berne ?
L’exil à Olmütz constitue la période la plus noire de la vie de Lafayette. Le héros des deux mondes caracolant à la tête de la Garde nationale est mis à l’ombre, bientôt accompagné de sa fidèle épouse Adrienne et ses deux filles. Les conditions matérielles et psychologiques sont atroces.
Lafayette réussit toutefois le tour de force d’organiser une tentative d’évasion qui faillit réussir. Il fait circuler des gravures représentant la famille en prison qui seront autant d’images au service de la légende du héros. Et pendant ce retrait forcé un autre général acquiert en succès et en popularité : le mythe de Lafayette est supplanté par celui de Bonaparte. Deux personnalités, deux tempéraments et deux destins vont alors s’opposer.
Devenu gentleman farmer dans son château de La Grange, Lafayette ne quitte pas des yeux les mouvements qui agitent le monde. S’il est rentré brisé par la captivité, il résiste mieux qu’Adrienne.
Il a grossi. Il a quarante-deux ans. Bonaparte en a trente. Il se sent plus ou moins contraint au silence. Il refuse toutes fonctions et tous honneurs. Il se drape dans son personnage incorruptible.
Il reste populaire et se voit dans la position du recours. Cela advient en 1815 avec l’abdication de Napoléon et son propre exil à Sainte Hélène. Il revient sur le devant de la scène, exerçant des mandats de député. Mais là encore il refuse de collaborer avec une monarchie qui veut rétablir les privilèges anciens.
Il incarne toutes les résistances en France et dans le monde, dans l’esprit de ce que fera, vingt ans plus tard, Garibaldi, aussi révolutionnaire individualiste que lui, adulé par les peuples et, dans l’intimité, aimé des femmes.
En 1830, Lafayette combat la monarchie absolue depuis trente ans, de moins en moins discrètement. Sa meilleure défense reste son immense popularité. Il en prend la mesure aux Etats-Unis en 1824, quand il y parcourt 10 000 km. Ses déplacements sont souvent le prétexte à des hommages chaleureux.
Habile, il dirige des sectes d’opposition qui ont recours à l’attentat, sans jamais se faire prendre. Certain que les excès de l’absolutisme royal conduiront naturellement à sa perte, il joue un rôle décisif lors des journées de juillet 1830. Le voici de nouveau à la tête de la Garde nationale. A 72 ans, il se garde une fois encore de prendre le pouvoir que le peuple est prêt à lui remettre. Il intronise Louis Philippe. A défaut de république, il aura accouché d’une monarchie constitutionnelle. Son désintéressement intransigeant aura toujours été sa meilleure arme et sa plus grande faiblesse.
La vie active de Lafayette, dans ce qu’elle garde de splendeur et de bravoure, n’aura guère duré que quatre ans en Amérique, trois ans pendant la Révolution et quelques jours en 1830 : 10 %
d’une vie de 74 ans. Et pourtant il est au coeur de toutes les mutations politiques, sociales et culturelles du pays. Il incarne une forme de droiture, d’intégrité et de constance dans les valeurs respectées qui garantissent sa longévité politique. Trop radical, il a peu exercé le pouvoir. Homme d’exigence et de combat sans merci, il se range parmi les grands témoins de l’esprit républicain, comme un Garibaldi ou un Pierre Mendès-France. Manière de démontrer qu’il n’est pas nécessaire de gouverner beaucoup pour agir profondément. La vertu républicaine consiste alors à faire comme Cincinnatus et à se retirer pour cultiver son jardin, comme disait le héros de Voltaire et comme fit le grand Washington. Et c’est tout au long de ces décennies que se révèle l’intimité du grand homme.
Lafayette est plus populaire aux Etats-Unis qu’en France et plus en France qu’en Haute Loire ! Nul n’est prophète en son pays, dit l’adage. Il est pourtant l’enfant de la Haute Loire. Mais un enfant encore mal connu. Ses descendants se sont consacrés à la bonne administration du département, comme en témoignent les figures de d’Edmond et d’Oscar Lafayette. Son château est resté debout grâce à des Américains qui l’aimaient. Il est l’ambassadeur de son pays, notre Haute Loire, auprès de la plus grande démocratie du monde occidental. Il est nôtre enfant comme il est aussi leur enfant. A nous de ne pas l’oublier : dans l’intime et dans sa légende.
la chambre de Gilbert du Motier Marquis de Lafayette
Chavaniac Lafayette
Lafayette, L’enfant du pays, L’intime & la légende
Exposition du 4 juillet au 25 septembre 2016
Hôtel du Département de la Haute-Loire
1, Place Monseigneur de Galard
43000 LE PUY-EN-VELAY
Le site du Château Lafayette : www.chateau-lafayette.com
Au château de Versailles : Au-château de Versailles en 2016
A lire : Mémoires imaginaires d’Adrienne de La Fayette