“Les secrets de pierre de la cathédrale”
La cathédrale de Strasbourg célèbre son millénaire en évoquant l’arrivée du style gothique à Strasbourg au début du XIIIe siècle à travers une exposition regroupant 70 à 80 oeuvres provenant de collections publiques et privées européennes qui témoignent de ce bouleversement artistique : sculpture, vitrail, orfèvrerie, enluminure… Les nombreuses commandes faites aux ateliers de la ville et l’influence hors frontières des travaux propulsent Strasbourg sur le devant de la scène artistique.
Le transept sud de la cathédrale de Strasbourg est la première manifestation de ce nouveau style et les travaux de sculpture qui vont de paire, en particulier les statues de l’Église, de la Synagogue et du Pilier des Anges, comptent parmi les plus célèbres réalisations de l’art occidental du Moyen Age et manifestent l’influence des cathédrales de Chartres et de Sens.
Avant 1200, Strasbourg n’a connu ni le style de l’Antiquité gréco-romaine, ni l’architecture gothique déjà vieille de plus d’un demi-siècle, mais encore fortement liée à la monarchie française. Le style demeure roman, comme en témoignent la reconstruction des parties orientales de la cathédrale et les nouvelles portes des fortifications, et la peinture est fortement imprégnée par les modèles byzantins. Personne ne peut alors se douter du bouleversement qui va intervenir dans les deux décennies suivantes, sinon l’intensification des relations commerciales et politiques avec les régions avoisinnantes.
Malgré qu’elles soient rarement prises en considération par l’histoire de l’art, bien qu’elles soient le plus souvent des chefs-d’œuvre d’orfèvrerie, ce sont les croix-reliquaires perdues de la cathédrale et du couvent de Niedermunster,la croix Böcklinà Fribourg-en-Brisgau et la croix d’Engelberg, l’une et l’autre parvenues jusqu’à nous, puis les sceaux des évêques et enfin les bulles impériales de Frédéric II qui témoignent de l’ ouverture aux nouveaux courants.
Les changements architecturaux furent plus longs à intervenir car l’arrivée d’ équipes formées ailleurs aux nouvelles techniques s’imposait. Cela se produisit à la cathédrale et à Saint-Thomas, avec l’arrivée d’un architecte et sculpteur qui avait visiblement travaillé sur les chantiers français, probablement dès la fin des années 1210. On l’appelle “le Maître du transept sud” car aujourd’hui on a perdu son nom et on ne le connait que sous ce surnom.
Son style de sculpture est radicalement neuf, égal à celui des plus belles cathédrales françaises. Il va peu à peu initier les sculpteurs de pierre au travail de dentelle de pierre que sont les statues gothiques. Il fait ainsi apparaître sur le transept sud le style gothique ce qui sera la première manifestation de cette école architecturale en terre germanique, ancrant définitivement l’art strasbourgeois dans les courants les plus modernes, l’impact apparaissant immédiatement dans les vitraux, tout en rejaillissant sur l’orfèvrerie. Les chefs-d’œuvre qui ornent la cathédrale sont immédiatement imités dans l’Empire, avec la Porte du Prince de la cathédrale de Bamberg, puis les vitraux de Sainte-Elisabeth à Marburg et les œuvres bourguignonnes de même style à Besançon, Dijon et Semur-en-Auxois.
Les statues romanes traditionnelles et massives laissent place à la légèreté des sculptures gothiques aux plis et drapés tout en souplesse, et les monuments se parent de flèches élancées que l’invention les arcs-boutants ont rendus possible. A Strasbourg, la représentation la plus significative de ce travail est le superbe pilier des Anges. En l’espace d’une génération, Strasbourg est devenu l’un des chefs d’oeuvre de l’art religieux occidental, passant au premier rang. De nouveaux courants concurrenceront le style du maître du transept sud dès les environs de 1240 à Strasbourg même, avec l’arrivée de sculpteurs rémois.
“Strasbourg 1200-1130, la révolution, gothique”
Jusqu’au dimanche 14 Février 2016
Musée de l’Œuvre Notre-Dame
67000 Strasbourg
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