Si les fameuses et célébrissimes toiles de l’artiste font partie de l’exposition, le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris nous permet surtout de découvrir la fameuse installation qui date de la fin des années soixante-dix et qui n’a jamais été exposée en dehors des Etats Unis.
C’est la salle à ne pas manquer de cette exposition. Dans cette espace interminable, qui ressemble un peu à un tunnel de périphérique, le visiteur est cerné par les “Shadows” d’Andy Warhol, série de 102 toiles qui se succèdent au mur sur plus de 130 mêtres de long. Ici pas de Marilyn, d’Elvis ou de Mao, mais des formes abstraites, ce qui est rare chez Warhol. A la base, il s’agit de photos d’ombres prises dans l’atelier de l’artiste à New York. Deux motifs différents. Là-dessus il a peint à coups de balai. Le résultat c’est « Shadows » cette installation, cette gigantesque frise composée de 102 toiles sérigraphiées de 17 couleurs différentes, qui se répètent, se ressemblent mais tous uniques. Qui alternent entre le noir et les couleurs les plus vives, jusqu’au rose, vert, jaune fluo. Et on déambule, dans les sept cents mètres carré de cette salle, sans s’arrêter car les toiles forment une boucle. Andy Warhol Unlimited dit de l’expo. “Quelqu’un m’a demandé si je pensais que c’était de l’art et j’ai dit non“… Vous voyez il y avait de la musique disco durant la fête du vernissage. Je suppose que cela en fait un décor disco”.
Lors de sa première exposition, Warhol avait chargé ses assistants d’accrocher les toiles, comme ils le voulaient. Ici, leur ordre, et donc celui des couleurs, est aléatoire : elles ont été accrochées comme elles venaient au déballage, expliquent les commissaires. Il y a des successions de couleurs différentes ou parfois des mêmes couleurs. Pour Hervé Vanel, les “Shadows” est une œuvre “qui répond à l’espace dans lequel elle est exposée et parfois même, c’est le cas ici, révèle cet espace”.
Photo : Andy Warhol (1928-1987), Self-Portrait, 1966, peinture acrylique et encre sérigraphique sur 9 toiles de 57,2 x 57,2 cm, dimension totale : 171,7 x 171,7 cm , New York, Museum of Modern Art (MoMA), Gift of Philip Johnson. Acc. n.: 513.1998.a-i. © 2015. Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / ADAGP, Paris 2015
C’était il y a un peu moins de quarante ans, deux mécènes, Heiner Freidrich et Philippa de Menil, commandent à Andy Warhol une série de 100 toiles. L’artiste en réalise 108 et ses commanditaires en prennent 102. Cette série des “Shadows” est exposée incomplète pour la première fois à la Heiner Friedrich Gallery à New York en janvier 1979, car il n’y a pas la place. De son vivant, Warhol ne l’a jamais vue en intégral. Aujourd’hui, elle est conservée à la Dia Art Foundation aux Etats-Unis. “Pour nous, il s’agissait de s’interroger sur l’identité de cette œuvre“, explique le co-commissaire de l’exposition Hervé Vanel. “On pourrait parler d’installation ou d’environnement.” Pour l’appréhender, “il faut la parcourir du regard, se mettre en mouvement”, car on ne peut l’embrasser d’un coup d’œil.
Au départ, il était question d’exposer les “Shadows” seuls. Puis les organisateurs ont pensé qu’il fallait, pour comprendre la série et la démarche d’Andy Warhol, montrer d’autres œuvres. “Andy Warhol a beaucoup produit dans différents champs. On voulait essayer de montrer cette diversité, et aussi montrer Warhol comme il avait été reçu dans les années 1960, retrouver sa présentation d’origine. A l’époque, son œuvre était présentée en séries. On a essayé de regrouper des séries et de jouer sur cet usage de la répétition”, explique l’autre commissaire, Sébastien Gokalp. C’est donc à une exposition aussi vivante que ludique que nous convie le Musée d’art moderne.
Les vaches en papier peint qui couvrent la façade, accueillent les visiteurs, et rappellent l’intervention de l’artiste au Moderna Museet de Stockholm en 1968. L’exposition ensuite voit se succéder des séries d’autoportraits, des boites de soupes puis des “Screen tests” (bouts d’essai), petits portraits filmés de gens, connus ou non, qui défilaient à la Factory. C’est ensuite le tour des chaises électriques, des portraits de Jacky Kennedy sérigraphiés, avant et après l’assassinat de Kennedy, puis Warhol se fait sculpteur en reproduisant entre autre les cartons de boites de ketchup. Tel Marcel Duchamp, il magnifie le banal.
Puis sont exposées les fleurs, de toute taille, uniques ou groupées par 4 et présentées serrées comme Warhol aimait les exposer. “Elles font penser à un store bon marché. Elles sont incroyables“, disait-il.
Viennent enfin les Mao sérigraphiés dont il travaille le fond à la main, tournant en dérision du même geste l’icône Mao et les expressionnistes abstraits. Il y a l’art éphémère avec la musique du Velvet Underground, en 1966, raconté par des planches contact de Nat Finkelstein agrandies et le film de Ronald Namuth autour du spectacle “The Exploding Plastic Inevitable”, projeté sur quatre écrans, et les “Silver Clouds”, ces ballons argentés en forme d’oreillers, gonflés à l’hélium, flottant dans une pièce peinte de couleur argentée, nous échappent quand on joue avec.
Les “Silver Clouds” ont été imaginés pour “marquer la fin de ma carrière”, écrivait Warhol en 1975, mais “en fin de compte, les Coussins argentés cosmiques ne se sont pas évaporés et ma carrière non plus”, concluait-il. Il faut attendre la fin de l’exposition pour en découvrir l’objet principal : Les “Shadows”.
Avec ces plus de 200 oeuvres, la dimension sérielle de Warhol est mise en valeur, aspect incontournable de son travail, ainsi que sa capacité à repenser les principes de l’exposition.
Commissaires de l’exposition : Sébastien Gokalp, Hervé Vanel
Les visiteurs de l’exposition Warhol Unlimited peuvent télécharger gratuitement une application dédiée à la découverte de l’Art de Warhol. Téléchargeable sur place au musée grâce à une borne de téléchargement ou en ligne sur Apple Store et Play Store, cette application propose une visite guidée de l’exposition par Sébastien Gokalp, commissaire de Warhol Unlimited.
Exposition jusqu’au 7 février 2016
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
11 Avenue du Président Wilson
75116 Paris