Devenue actrice à 28 ans en commençant au théâtre, la comédienne originaire du Nord s’est taillée une solide réputation au sein du 7è art. Nommée au César de la Meilleure actrice en 2013 pour son premier rôle dans « Louise Wimmer » Corinne Masiero accède aux portes de la reconnaissance et enchaîne depuis les projets. Sur le petit écran, elle incarne le Capitaine Marleau, gendarme déjantée aussi franche et attachante que l’actrice elle-même.
C’est votre dixième collaboration avec Josée Dayan, qu’est-ce qui fait qu’on ne se lasse pas d’une telle réalisatrice ?
T’as vu le personnage ? Haut en couleur ! Déjà c’est quelque chose, alors imagine sur un plateau la première fois : c’est impressionnant. Quand il y a des gens comme ça autour de toi tu suis le mouvement, ça t’amènes à aller plus loin. Elle me fait marrer sur un tournage. Je lui ai même dit que j’aimerais vraiment jouer son rôle si un jour on réalise un portrait d’elle. Je l’adore, c’est une nana qui joue les durs alors qu’en réalité il n’y a pas plus généreux que Josée Dayan. Quand elle fait une bonne action elle ne va jamais s’en vanter donc ça ne se sait pas mais je t’assure que c’est l’une des personnes les plus généreuses que je connaisse.
Qu’est-ce qui vous a plu dans ce projet ?
De retravailler avec Josée une nouvelle fois et c’était un personnage qu’on avait déjà bossé ensemble dans « Entre vents et marées ». Elle m’a dit qu’elle souhaitait le développer et j’ai trouvé ça super ! Elle a cent mille idées à la minute alors elle a parlé du lieu, elle a ajouté que ce serait comme « Colombo », à chaque épisode il y aurait un guest qui serait soit l’assassin soit la victime… La proposition était géniale et en plus j’en ai bouffé du « Colombo » quand j’étais môme ! Avec elle j’ai aussi la possibilité de proposer plein de trucs donc c’est super. Dans le boulot c’est ma manière de concevoir les choses, de toute façon je ne demande pas la permission je le fais, je tente. Après on voit avec le réalisateur si on garde ou pas. Dans toutes les personnes avec qui j’ai bossé il n’y en a que deux qui m’ont reproché de ne pas avoir dit le texte tel qu’il était écrit. D’ailleurs une fois quelqu’un m’a dit : « Non mais vous savez que j’ai mis du temps à écrire ce que vous jouez » et j’ai répondu : « Bah moi j’ai mis du temps à le réécrire ! ». S’il dit non c’est non c’est son film, si ça ne lui plaît pas c’est évidemment le réalisateur qui décide.
« Il y a très peu de gens comme ça, surtout dans ce métier, et je l’apprécie pour ça »
Comment s’est passée votre première rencontre ?
Comme tout le monde j’avais entendu dire des tas de choses sur Josée Dayan donc je ne savais pas à qui j’avais à faire. On m’avait dit : « Tu verras elle peut être très cassante » et s’il y a quelque chose que je n’apprécie pas dans ce métier c’est les gens irrespectueux. Je suis arrivée au casting un peu sur mes gardes et finalement je suis tombée sur une femme très gentille mais qui ne voulait pas me prendre car j’étais trop mince pour le rôle. Je lui ai répondu : « Mais si y’a que ça je peux grossir ! ». Au fur et à mesure ça s’est fait et ça a été une belle rencontre pour moi. Je me suis rendue compte que tout ce qu’on racontait sur elle c’était beaucoup de conneries. Josée c’est une gonzesse qui à l’époque a commencé dans un milieu d’hommes et elle ne se laisse pas faire, quand elle a quelque chose à dire ou qu’elle n’aime pas quelque chose elle le dit. Il y a très peu de gens comme ça, surtout dans ce métier, et je l’apprécie pour ça.
Elle a une personnalité qui nourrit les fantasmes.
Quand tu ne connais pas quelqu’un tu t’imagines tout et n’importe quoi et les rumeurs vont très vite. Il y avait très peu de femmes réalisatrices, maintenant un tout petit peu plus, donc elle a dû s’imposer, ça demande du courage. D’un point de vue artistique c’est tapis rouge quand t’es comédien ! Elle s’intéresse toujours à ses acteurs, nous demande si la prise nous convient, ce qu’on en pense… Cet aspect casse avec son image de tyran que tout le monde a, très peu de gens la connaissent réellement et c’est quelqu’un de très pudique. C’est aussi impressionnant le nombre de films qu’elle fait par an. J’ai rarement vu quelqu’un comme ça, en train de tourner, finir le montage d’un autre film, préparer un troisième et écrire le quatrième !
Vous étiez le lieutenant Violette Retancourt, maintenant Capitaine Marleau, existe-t-il des similitudes entre ces personnages ?
On peut dire que j’ai pris du grade ! J’ai aussi été nommée Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2013, j’ai reçu un beau diplôme et ça a fait beaucoup rire mes potes. Il y a quelques similitudes entre les personnages mais Retancourt était beaucoup moins barjot, moins décalée que Marleau. Et puis c’était l’assistante d’Adamsberg, tandis que là le capitaine s’en fout elle est toute seule ! Je fais ce que je veux et ce qui est super c’est de se retrouver avec ce casting aussi, en compagnie de ces grands acteurs.
« Ce sera passionnant évidemment, je signe encore pour des années j’espère ! »
Comment vous êtes-vous mise dans la peau de ce personnage totalement décalé ?
Je ne me mets pas dans la peau du personnage, je ne sais pas ce que ça veut dire. Pour moi, que ce soit au cinéma ou au théâtre le personnage n’existe que parce que je l’interprète. C’est mon visage, c’est ma peau, c’est mes yeux, c’est mon cul, ma façon de parler, de bouger… Ce que je fais c’est que je travaille une séquence, une action, il se passe telle chose ou il se dit telle chose, je raisonne de cette manière. Je ne comprends pas l’expression « rentrer dans le personnage », pour certains acteurs c’est clair mais ce n’est pas ma façon de faire. Quand tu rentres dans un déguisement c’est bien toi à l’intérieur du déguisement, c’est toi qui le fais bouger. Du coup je fais ce que j’ai à faire, je fais ce que je peux !
« Capitaine Marleau » sera une série, vous souhaitez continuer à travailler sur ce projet dans le temps ?
Ce sera passionnant évidemment, je signe encore pour des années j’espère ! T’imagines si dans dix ans on y est encore, qu’on sort un coffret, qu’il y a toujours des guest qui arrivent, que l’action se passe dans différentes régions ! Le principe de la série c’est aussi qu’on change de région à chaque épisode et on reste sur place pendant au moins dix ou quinze jours, on en a profité pour voir des belles choses. On a fait la Bretagne, les Pyrénées-Orientales, c’était magnifique et ça permet de faire découvrir aussi aux spectateurs. On pourrait même dériver la série en « Guide du Marleau » ! (rires)
Envisagez-vous une carrière à l’international ?
J’ai travaillé sur un long-métrage coréen et ça a été une super expérience. A l’étranger ce n’est pas la même façon d’apprécier les choses, de parler des choses, les thèmes ne sont pas les mêmes, les intérêts non plus, et l’accent… C’est quelque chose de terrible ! Et puis il y a la manière de tourner aussi, à un moment j’ai demandé quand était la journée off, on m’a répondu : « Quelle journée off ? ». Donc c’est une manière d’ouvrir l’esprit aussi que j’aime beaucoup, tu vois le monde avec un filtre différent. Propos recueillis par Camille Lambert et Jean-Marc Lebeaupin
Diffusion le mardi 15 septembre 2015 à 20h50 sur France 3
Photo : Leny Stora/Passions Film