Premier long-métrage de la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Erguven, « Mustang » est un film beau, libre et sauvage, à l’image de ces chevaux fougueux du Nord-Ouest américain qui vivent en troupeaux familiaux.
Lale et ses 4 sœurs, orphelines, soudées comme les cinq doigts de la main, habitent avec leur grand-mère paternelle un petit village reculé de Turquie. Le qu’en-dira-t-on s’abat sur ces jeunes filles considérées comme « trop libres », trop insouciantes, trop pleine d’en-vie et trop pleine de rire. En ces lieux, en ces temps, il n’y a pas de place pour leur turbulence, leur audace, leur joie de vivre et surtout leur féminité assumée. La grand-mère paternelle, voulant protéger leur réputation, c’est-à-dire leur virginité, érige autour d’elles grilles et murs transformant la maison familiale en une sorte de prison. Les cours à fabriquer de bonnes épouses remplacent l’école, et les réunions pré-mariage s’organisent. Les prétendants se succèdent, les familles et les demandes se ressemblent… La course aux convenances et à la bien-pensance commence, mais ces filles n’y courront pas. Empruntant les chemins de traverse, les sens interdits, elles résistent, font le mur, tentent de s’échapper par toutes les ruses. Lale, la petite dernière, des cinq est celle qui ne cèdera devant aucun compromis. Surprenant le « secret de famille », sa décision sera irrévocable. La liberté ni ne se demande ni ne se donne ; Lale s’en empare, on n’enferme pas les chevaux sauvages.
Deniz Gamze Erguven nous présente dans ce très beau film des portraits de femmes. Femmes prisonnières de règles qu’une société leur impose sous prétexte de tradition, de conformisme : mise sous tutelle du père, de l’oncle en l’absence du père, ou du mari. Liberté sous condition d’appartenance en quelque sorte. Le patriarcat règne en maître absolu. Regards oppresseurs des autres, voisins ou membres plus ou moins rapprochés de la famille, toujours prompts au jugement, à la sentence facile. Le couperet est fatal, nulle place pour les électrons libres, la dissidence, le libre-arbitre. Marche droit en rang serré au rythme des injonctions ou… le « ou », l’alternative n’existe pas. Le pas de côté n’est ni permis ni même envisagé. Il est toujours plus facile de juger que de tenter de comprendre, de suivre aveuglément que de s’opposer, d’être mouton que loup ou encore… cheval sauvage. « Mustang » est un film coup-de-poing, une ode à la liberté, lancée à grand galop ! Laetitia Lormeau pour artsixMic
« Mustang » de Deniz Gamze Erguven – Présenté à la Quinzaine des réalisateurs 2015 – En ce moment dans les salles
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