Il y a des vies marquées par le destin ; ce fut le cas de l’enfance de Théo Tobiasse qui, né en Palestine de parents juifs, et arrivé en France en 1931, doit successivement faire face à la disparition de sa mère, au déclenchement de la seconde guerre mondiale et à l’occupation nazie, au port de l’étoile jaune, à un refus d’inscription à l’école nationale supérieure des Arts Décoratifs pour raisons raciales…
A la rafle du Vel d’hiv en 1942 à laquelle il échappe mais qui le contraint à rester cacher durant deux ans dans un appartement parisien…
Comme Il avait montré très jeune des dispositions pour le dessin et la peinture, et qu’il était émerveillé par le célèbre tableau de Raoul Dufy « La Fée Electricité », il démarre à la Libération une carrière de graphiste publicitaire puis quitte la capitale pour Nice.
Dès 1960, ses premières toiles sont exposées au Salon des peintres du Sud-Est et Il est lauréat en 1961 du « prix de la jeune peinture méditerranéenne » et du Prix Dorothy-Gould. Armand Drouant lui propose dans la foulée un premier contrat et l’expose à la Galerie du Faubourg Saint-Honoré à Paris.
Il décide alors de se consacrer uniquement aux arts plastiques.
Les expositions dans le monde entier se multiplient, à Paris à la galerie Drouant, à Genève, Montréal ou Tokyo, puis Londres, Zurich, Lausanne, Los Angeles, Kiev, et puis une première exposition personnelle à New York (1968).
Autodidacte, Théo Tobiasse apprend beaucoup en observant, au cours de ses voyages, les toiles des grands maîtres, notamment celles de Rembrandt. Il expérimente techniques, couleurs, glacis et textures à travers les sujets narratifs de ses premières toiles avant de se consacrer à une iconographie plus personnelle relatant son enfance en Lituanie, les errances d’une famille qui cherche une terre d’asile et de la Shoah. Le train, celui qui conduit sa famille de Kaunas à Paris, ou les Juifs vers les camps, devient un motif récurrent, et la mémoire un thème majeur dans son œuvre. Ses sujets le rapprochent de ses origines juives, et ses premiers vitraux destinés au Centre communautaire juif de Nice, épousent le thème des « Fêtes Juives ».
Théo Tobiasse voyage beaucoup, s’imprégnant du jazz de la Nouvelle-Orléans, des sites archéologiques mexicains et des totems amérindiens. Ses expositions sont nombreuses tant en France qu’à l’étranger, à la galerie Passali à Paris, au Musée de l’Athénée à Genève et à la Galerie Nahan de la Nouvelle-Orléans ; puis en 1983, le Musée d’art contemporain de Ponchetes à Nice organise une grande rétrospective de son œuvre.
Mais Théo Tobiasse n’est pas seulement peintre, ses outils d’expression se multiplient et se diversifient au fil du temps, et c’est ainsi qu’ il aborde avec talent la gravure au carborundum, la lithographie, les vitraux, la poterie et la sculpture. Il ira jusqu’à élaborer une technique pour réaliser des lithographies de dix-huit à vingt couleurs qu’il réalise pour de nombreux éditions originales éditées en France, en Suède et aux États-Unis.
Si l’œuvre de Théo Tobiasse a été marquée par les errances et exodes de sa famille et du peuple juif, il a également consacré un certain nombre de gouaches aux villes qu’il aimait, dont Paris, Jérusalem, New York et Venise, certaines de ses œuvres ont représenté les drames de la Bible et d’autres ont été consacrées à une approche érotique de la femme, pour lesquelles l’artiste a adopté le dessin au mine de plomb, à l’encre de chine et au pastel sur papier.
Encouragé par le marchand américain, Kenneth Nahan Sr., a rejoindre les artistes français installés aux Etats-Unis, Théo Tobiasse s’installe à New York en 1984 et y partage dorénavant son temps avec sa maison de Saint-Paul-de-Vence.
Les tableaux peints en Amérique sont d’une échelle et d’une luminosité différente et l’artiste y créera sa célèbre sculpture Myriam, qui servira de modèle pour la Venus, sculpture monumentale en bronze qui sera installée à l’entrée de Saint-Paul-de-Vence en 2007.
Théo Tobiasse abandonnera ensuite la peinture à l’huile et la gouache pour l’acrylique. Ses techniques mixtes sur papier ou sur toile conjugueront des collages, de la peinture à l’acrylique et des pastels gras. Il développe des panneaux en bois ou en acier découpés et peints pour les grands formats et réalise des commandes publiques.
En 1992, une exposition rétrospective de son œuvre est organisée au château-musée de Cagnes sur Mer, puis Tobiasse s’envole pour le Japon ou il y est exposé et où il y réalise de grandes sculptures en panneaux de bois découpé et peint . Il découvre un peu plus tard le travail de scénographie avec la création de décors et de costumes pour le théâtre de marionnettes, crée un album de lithographies pour le cinquième centenaire de l’expulsion des Juifs d’Espagne et enchaîne avec la création de douze vitraux monumentaux pour la synagogue de Nice.
En 1994, il participe avec d’autres artistes de la région niçoise à la création de chars pour le Carnaval de Nice, et s’envole pour Jérusalem en 1999 où il travaille sur des éditions graphiques.
La vie de Théo Tobiasse fut donc une perpétuelle recherche artistique, aussi riche que diverse, et qui va apparaître sous un nouveau jour puisque sa fille, Catherine Faust-Tobiasse, accepte pour la première fois d’entrouvrir l’atelier de son père, disparu en 2012, et confie le privilège à la c de présenter 150 œuvres de son père, inédites et inconnues d’elle -même et du monde de l’art.
Huiles sur toiles, gouaches, pastels dessins, gravures, céramiques, sculptures… Autant d’oeuvres qui, en apparaissant au grand jour, vont révéler de nouvelles facettes de l’artiste, cet artiste qui a puisé son inspiration dans tant de drames, d’émotions mais aussi de passions.
Infos pratiques
galerie Perahia
Au cœur de Saint-Germain-des-Prés
24 rue Dauphine 75006 Paris.