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, c’est le temps qu’il aura fallu à l’oeuvre peinte en 1955 par Picasso « Les femmes d’Alger » pour s’emparer du titre enviable et tant convoité de « peinture la plus chère au monde », qui était détenu jusqu’alors par le tableau de Francis Bacon « Trois études de Lucian Freud », vendue à 127 millions d’euros il y a deux ans par Christie’s. Démarrées à 100 millions, « Les femmes d’Alger » ont donc été adjugées à 179,3 millions de dollars, pulvérisant tous les records.
Le bronze longiligne d’Alberto Giacometti quant à lui, estimé à 130 millions de dollars et dont il n’existe que six moulages au monde, a été adjugé en trois minutes 141,28 millions de dollars. Il a ainsi battu le précédent record détenu par un autre Giacometti, « L’homme qui marche I », qui avait été adjugé 65 millions de livres (103,93 millions de dollars) en 2010 chez Sotheby’s à Londres, devenant la statue la plus chère jamais vendue aux enchères.
Si l’on se souvient que cette toile de Picasso avait été mise en vente en 1997 pour 28 millions d’euros et adjugé à 31,9 (seulement!) , on peut à juste titre en conclure que le marché de l’art contemporain à New York n’a jamais été aussi florissant, ce tableau enregistrant une plus -value de 147,7 millions en 18 ans !!! Quelques jours plus tôt, un Van Gogh avait déjà été adjugé 59 millions d’euros…
Il est certain que le nombre de richissimes collectionneurs de par le monde a bien augmenté et que la plupart d’entre eux, néophytes dans le domaine artistique, s’en remettent à Christie’s, achetant pour des sommes monstrueuses des toiles dont ils ne connaissaient même pas le nom de l’artiste quelques mois plus tôt…De plus, le secteur de l’art étant des plus rentables, les fonds d’investissement s’y intéressent sans oublier les demandes des nouveaux musées du Qatar ou de Chine, demandeurs d’ œuvres… Tous ces différents facteurs contribuent à provoquer cette envolée des prix.
Mais il faut rester conscient que cette vente, comme certaines autres, n’ont pour but que de pousser le marché ; composée de 35 lots estimés au total à 500 millions de dollars, au moins sept estimations dépassaient largement toutes les adjudications jamais enregistrées pour les artistes cités, et Christie’s avait garanti au vendeur que sa toile ne serait pas vendue en dessous d’un certain prix…
HBJ, ou plus exactement Hamad bin Jassim bin Jaber Al Thani, l’ancien ministre des Affaires étrangères qatari, serait l’acquéreur “secret” du tableau “Les femmes d’Alger” d’après The New York Post , la famille Al Thani achète frénétiquement des œuvres d’art en prévision de a coupe du monde de football qu’accueillera le Qatar en 2022 ; mais le journal rapporte également que “Les femmes d’Alger” ne pourra jamais être exposé publiquement au Qatar à cause des formes féminines qu’il représente et que l’oeuvre restera probablement sur l’un des murs des luxueuses résidences acquises par le Cheikh à New York ou à Londres.
Certes de par sa patte reconnaissable entre toutes, Picasso a toujours été une valeur sure dans le marché de l’ art, mais en vendant l’art à prix d’or, en en falsifiant les règles du jeu, le marché de l’art fait figure de château de cartes, un château que les vrais amateurs et collectionneurs, aussi puristes que passionnés, rêvent de voir s’effondrer un jour, redonnant à l’art sa vraie valeur.
L’argent fait-il le bonheur de l’art? on est en droit d’en douter, mais une chose est certaine, c’est que les artistes ainsi détournés de leurs fonctions de l’imaginaire et de la créativité font, à leurs corps défendant, une piteuse richesse acquise de force par quelques uns !