50 ans après, les événements de Mai 68 restent bien identifiés par les Français : 93% affirment en avoir déjà entendu parler. À l’approche du cinquantenaire de Mai 1968, Le Nouveau Magazine Littéraire a confié à Harris Interactive la réalisation d’un sondage.
2018 est l’année du cinquantenaire de Mai 68. Nicolas Sarkozy qui lui voulait, en 2007, liquider l’héritage de Mai 68, cette année encore la droite se dit à nouveau contre la commémoration d’un mouvement qui a marqué, selon elle, le début de la fin, la fin du respect de l’autorité et la fin de la morale. Lancé par les étudiants et les ouvriers contre la société traditionnelle et l’autorité, Mai 68 est mouvement de protestation d’une ampleur sans précédent qui ressemble à un début de révolution. Débats et assemblées générales ont lieu dans les rues, les entreprises, les administrations et les universités. Les étudiants, occupent les facultés, et revendiquent une libéralisation des mœurs. En mai 68, le pays compte 500 000 chômeurs. 2 millions de smicards se sentent exclus de la prospérité. Des barricades et des pavés au quartier latin, des centaines de milliers de personnes dans les rues, une France paralysée par la plus grande grève générale de son histoire, mai 68 restera quoi qu’il en soit, les trente jours qui ébranlèrent la France.
Mai 68 c’est aussi l’art de l’Affiche
Mai 68 c’est aussi des affiches créées par l’Atelier populaire des Beaux-arts de Paris où sont nées plus de 600 affiches. Étudiants, ouvriers, syndicalistes et artistes participent à la réalisation d’affiches où fleurissent en image les mots, les attentes et les révoltes de Mai 68, comme “Engagez-vous” ou “À bas la société de consommation” couvrent de nombreux murs parisiens. L’histoire de l’Atelier populaire qui se se terminera avec son évacuation par la police, le 28 juin 1968. Lire sur artsixMic : https://www.artsixmic.fr/images-en-lutte-1968-1974-aux-beaux-arts-de-paris/
50 ans après Mai 1968, quel héritage ?
À l’approche du cinquantenaire de Mai 1968, Le Nouveau Magazine Littéraire a confié à Harris Interactive la réalisation d’un sondage. Il s’agissait d’interroger la mémoire collective des Français sur cet épisode marquant du XXème siècle dans notre pays. 50 ans après la naissance du Mouvement du 22 Mars à la faculté de Nanterre, cette enquête cherchait à identifier les jugements rétrospectifs sur ces événements de la part des Français. Le nombre de personnes interrogées (plus de 2 000) permet d’observer avec une attention particulière les réponses des personnes aujourd’hui âgées de 65 à 75 ans, qui avaient donc entre 15 et 25 ans en Mai 1968.
50 ans après, les événements de Mai 1968 constituent indubitablement un moment fort de l’Histoire récente : 93% des Français déclarent avoir déjà entendu parler de ce moment. 82% affirment même « voir précisément ce dont il s’agit ». Toutefois, Mai 68 n’est pas identifié de façon homogène dans toutes les classes d’âges. Ainsi, la notoriété de ces événements est quasi universelle parmi les personnes suffisamment âgées pour les avoir vécus eux-mêmes. En revanche, parmi les jeunes générations, les connaissances sont plus éparses : parmi les Français âgés de 18 à 34 ans, seuls 61% estiment bien connaître Mai 68, quand 22% indiquent en avoir certes « entendu parler » mais sans voir précisément de quoi il s’agit. 17% des jeunes déclarent même que cela ne leur évoque rien du tout.
Plus précisément, parmi les 93% de Français ayant déjà entendu parler de Mai 68, quelles représentations sont associées à ces événements ? Lorsqu’ils décrivent ces événements avec leurs propres mots, les Français mobilisent des champs lexicaux riches et variés : les termes les plus utilisés comprennent des évocations descriptives (manifestation, grèves, barricades), la mise en avant de certains acteurs-clés (jeunesse, étudiants, Cohn-Bendit, De Gaulle) ou encore des tentatives de qualifier le mouvement dans son ensemble (révolte, révolution, liberté, changement) mais peu de références aux mobilisations ouvrières voire aux organisations (CGT, PCF, UNEF…).
Alors que les conséquences au long terme de Mai 68 sont régulièrement débattues sur la place publique, les Français expriment dans cette enquête un jugement clair. Ainsi, 79% des personnes interrogées associent les événements de Mai 68 à des conséquences principalement positives pour la société française, quand seulement 17% des répondants considèrent que ce mouvement a eu, dans l’ensemble, un effet néfaste. Sur cette question éminemment sensible, des clivages nets apparaissent. À nouveau, les électeurs de François Fillon se démarquent par leur jugement plus négatif porté sur Mai 68 : une courte majorité (57%) y associe certes un effet relativement bénéfique, mais 40% identifient surtout des conséquences négatives.
Plus généralement, les personnes les plus âgées portent un jugement moins positif que leurs descendants : c’est à la fois le cas des Français âgés de plus de 75 ans (déjà adultes au moment de Mai 68), mais aussi des personnes âgées de 65 à 75 ans. Ces dernières, jeunes au moment de Mai 68, sont 25% à identifier des conséquences négatives à ce mouvement.
Et Mai 68 aujourd’hui ? Les jeunes ont majoritairement (65%) le sentiment que les « soixante-huitards » sont restés fidèles à leurs idées initiales, tandis que leurs aînés (et notamment ceux qui ont vécu Mai 68) se montrent beaucoup plus sceptiques. 37% estiment au contraire qu’elles s’en sont éloignées. Mais au-delà de ces résultats collectés auprès de l’ensemble de la population, des clivages générationnels se font jour. Ainsi, les personnes les plus âgées ont davantage le sentiment que les acteurs de Mai 68 se sont éloignés de leurs idées initiales : c’est le diagnostic porté par 57% des Français âgés de plus de 75 ans. C’est aussi l’avis de 48% des « soixante-huitards » (65-75 ans), au sein desquels les diplômés du supérieur font davantage le constat d’un éloignement idéologique au fil des années.
Harris Interactive a proposé, aux interviewés, un dernier exercice dans le cadre de cette enquête : les répondants se sont vus présenter des slogans datant de Mai 68. Ils devaient indiquer si chaque slogan leur plaisait ou pas. Dans l’ensemble, 2 slogans suscitent une réaction largement positive : plus de 7 Français sur 10 se disent aujourd’hui séduits par « Faites l’amour, pas la guerre » (79%) et par « Fermons la télé, ouvrons les yeux » (72%). À l’inverse, un slogan suscite un rejet massif : l’équation « CRS… SS ! » déplaît aux trois quarts (74%) des personnes interrogées.Dans une moindre mesure, une majorité rejette également « Quand les parents votent, les enfants trinquent » (54%) et « on ne peut pas penser librement à l’ombre d’une chapelle » (49%).
De façon générale, les électeurs de François Fillon se montrent plus sceptiques que la moyenne envers la plupart des slogans testés, sauf l’idée que « tout est politique » – que certains sympathisants de droite se réapproprient sans doute en se remémorant la couverture médiatique de la campagne présidentielle. Enfin, l’électorat de Marine Le Pen se reconnaît dans des slogans revendiquant une lucidité accrue face à une supposée naïveté : « Fermons la télé, ouvrons les yeux ! », « Élections, piège à con », « Tout est politique » et « On ne peut plus dormir tranquille une fois que l’on a les yeux ouverts ». C’est peu dire que Mai 68, ses conséquences et ses slogans restent encore d’actualité.
Enquête réalisée en ligne les 5 et 6 février 2018. Échantillon de 2 007 personnes, représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).
Photo : Crédits : Getty
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