Marine Le Pen, l’inéligibilité et l’exécution provisoire
Marine Le Pen, l’inéligibilité et l’exécution provisoire - Photo : DR

Laurent Neumann reçoit Anne Levade, professeur de droit public, ancienne présidente de l’Association française de droit constitutionnel et de la Haute Autorité chargée d’organiser la primaire de la droite et du centre en 2016, dont l’analyse était très attendue sur le jugement condamnant Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire.

Cette semaine, dans Quid Juris, le podcast du Club des Juristes, Laurent Neumann reçoit Anne Levade, professeur de droit public, ancienne présidente de l’Association française de droit constitutionnel et de la Haute Autorité chargée d’organiser la primaire de la droite et du centre en 2016, dont l’analyse était très attendue sur le jugement condamnant Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire. Une décision inédite, à la frontière du droit pénal, du droit électoral et des principes constitutionnels.

 Une peine encadrée par la Constitution 

L’inéligibilité, explique la Professeur Levade, est « une peine complémentaire, qui peut être prononcée à l’issue d’un procès pénal. Depuis la loi Sapin II, elle est devenue obligatoire pour certains délits, mais le juge peut toujours y renoncer s’il le motive ». Elle souligne que c’est « précisément parce qu’une peine automatique serait contraire au principe d’individualisation des peines qu’elle doit rester facultative ». Dans le cas présent, la loi Sapin II ne s’applique pas, « mais le tribunal s’inscrit dans son esprit ».

 Une décision à part, rendue dans un contexte de forte tension politique 

La Professeure Levade souligne que ce jugement se distingue par son caractère exceptionnel : « Ce qui est frappant, c’est l’écart entre ce jugement-là et la pratique judiciaire habituelle. Ce n’est pas une jurisprudence d’ensemble, mais une décision située ». Relevant qu’il y a eu, chez les juges : « le souci de prévenir des critiques qu’ils pourraient entendre demain du type : “Pourquoi n’avez-vous pas jugé à temps ?” », elle conclut « qu’il faut être vigilant à ce que la justice ne devienne pas réactive à l’ambiance générale ».

 Une prise en compte du contexte juridique et électoral

Contrairement aux critiques formulées, la Professeur Levade souligne que les juges n’ont pas ignoré les principes constitutionnels : « Contrairement à ce qu’on entend, le jugement tient compte d’une décision du Conseil constitutionnel rendue trois jours avant ». Elle observe également que les juges ont tenu compte des échéances électorales, en renonçant à l’exécution provisoire pour certains prévenus : « Elle n’a pas été prononcée pour Louis Aliot, car elle aurait empêché sa candidature aux municipales de 2026 ».

 Une critique croissante de l’institution judiciaire

Face aux réactions politiques, la Professeur Levade alerte : « Ce qui m’inquiète, c’est qu’on ne conteste plus une décision, mais la légitimité même du juge. » Et de conclure : « Le juge ne crée pas la règle de droit. Il ne fait que la mettre en œuvre. Cette règle a été votée par le Parlement (…) le reproche que l’on fait au juge, en réalité, par ricochet, touche le législateur ».

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