© Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac
© Kiana Hayeri pour la Fondation Carmignac

La 14e édition du Prix Carmignac du photojournalisme est consacrée à la condition des femmes et des filles en Afghanistan depuis le retour des talibans au pouvoir en août 2021.

La 14 eme édition du Prix Carmignac du photojournalisme est consacrée cette année à la condition des femmes et des filles en Afghanistan depuis le retour des talibans au pouvoir en août 2021. Le Prix a été attribué au projet du duo composé de la photojournaliste canado-iranienne Kiana Hayeri et de la chercheuse française Mélissa Cornet, qui ont réalisé leur reportage sur une période de six mois avec le soutien de la Fondation Carmignac.

De janvier à juin 2024, Kiana et Mélissa ont parcouru sept provinces de l’Afghanistan pour enquêter sur les conditions de vie imposées aux femmes et aux filles par les talibans qui, selon les recherches d’Amnesty International, pourrait constituer un possible crime contre l’humanité de persécution fondée sur le genre. Elles ont rencontré plus de 100 Afghanes, interdites d’école et enfermées chez elles, des femmes journalistes et activistes luttant obstinément pour leurs droits, des mères horrifiées de voir l’histoire se répéter pour leurs filles, et des membres de la communauté LGBTQI+. Elles ont documenté la manière dont les talibans, dans le cadre d’une société profondément patriarcale, ont systématiquement éliminé les femmes de la vie publique en leur retirant leurs droits les plus élémentaires : aller à l’école, à l’université, travailler, s’habiller comme elles le souhaitent, fréquenter les bains et les parcs publics, et même les salons de beauté. À la fin du mois d’août 2024, le régime taliban a encore renforcé son contrôle en promulguant une nouvelle loi obligeant les femmes à se couvrir le visage d’un masque et leur interdisant de faire entendre leur voix en public, y compris de chanter, de réciter ou de lire à haute voix.

Le changement le plus frappant que Kiana et Mélissa ont observé depuis août 2021 est la perte générale d’espoir parmi les femmes que leur situation puisse s’améliorer : leurs rêves d’éducation et d’intégration dans la société se sont évanouis sous leurs yeux, elles sont devenues les premières victimes des crises économiques et alimentaires, et de l’effondrement du système de santé. Comme le dit une militante féministe qui, ne se voyant plus aucun avenir en Afghanistan, a quitté le pays : « Nous avons oublié toute joie, nous ne savons pas où en trouver. J’ai perdu toute ma motivation, je pleure toute seule en cachette. C’est comme si on m’avait enfermée dans une pièce dont je n’ai pas le droit de sortir. Je ne trouve même plus de goût à la nourriture. »

Pour documenter cette situation extrêmement sensible, Kiana et Mélissa ont eu recours à divers médias, photos, dessins, vidéos, mais aussi à des œuvres d’art créées en collaboration avec des adolescentes afghanes.

Exposition à Paris jusqu’au 18 novembre 2024 

Le reportage “No Woman’s Land” de Kiana Hayeri et Mélissa Cornet font l’objet d’une double exposition cet automne dans le cadre du festival Photo Saint Germain à Paris. L’exposition intérieure au Réfectoire des Cordeliers, conçue par la scénographe Alice de Bortoli et son collectif Ortiche, mêlera photographies, archives, vidéos, textes et dessins. Une seconde exposition, en extérieur, se tiendra sur le Port de Solférino, face au Musée d’Orsay, en partenariat avec la Ville de Paris.

Kiana Hayeri, née en 1988 à Téhéran, a déménagé adolescente à Toronto. Pour s’adapter aux défis de ce nouvel environnement, elle a choisi la photographie comme moyen de combler le fossé linguistique et culturel. En 2014, un mois avant le retrait des forces de l’OTAN, Kiana a déménagé à Kaboul et y est restée pendant 8 ans. Ses travaux s’attachent à des sujets complexes, les migrations, l’adolescence, l’identité et la sexualité dans des sociétés en conflit.

En 2020, Kiana a reçu le Tim Hetherington Visionary Award, pour son projet sur les dangers du journalisme amateur “hit & run”, et la même année, elle a été la sixième récipiendaire du prix James Foley pour la couverture des conflits. En 2021, elle a reçu la prestigieuse Médaille d’or Robert Capa pour sa série “Where Prison is a Kind of Freedom” qui documente la vie de femmes afghanes dans les geôles d’Hérat, en Afghanistan. En 2022, Kiana a fait partie de l’équipe de journalistes du New York Times dont l’enquête “The Collapse of Afghanistan” a été couronnée par le prix Hal Boyle et sélectionnée pour le prix Pulitzer du reportage international. La même année, elle a remporté le prix Leica Oscar-Barnack pour son reportage “Promises Written On the Ice, Left In the Sun”, plongée dans l’intimité d’Afghans de tous les horizons. Kiana Hayeri, TED Fellow, exploratrice National Geographic et collaboratrice régulière du New York Times et du National Geographic, est actuellement basée à Sarajevo, où elle produit ses reportages sur les Balkans, l’Afghanistan et d’autres régions.

Mélissa Cornet

, chercheuse en droits des femmes, a vécu et travaillé en Afghanistan entre janvier 2018 jusqu’après la chute de Kaboul. Avant août 2021, elle a enquêté entre autres sur l’émancipation économique des femmes, leur implication dans les élections et le processus de paix, et la violence exercée contre elles. Demeurée dans le pays après la chute de Kaboul, elle a continué à voyager dans une douzaine de provinces, offrant une perspective unique depuis l’intérieur du pays sur la dégradation continue des droits des femmes et des filles. Elle a depuis publié des articles sur l’impact de la crise alimentaire sur les femmes et les filles, sur leur intégration possible dans les programmes d’aide humanitaire, sur la santé mentale des travailleuses humanitaires, et sur les programmes d’émancipation économique des femmes dans un pays où elles ne sont plus autorisées à étudier ou à se déplacer sans chaperon.

Experte reconnue des droits des femmes en Afghanistan, Mélissa Cornet a été interviewée par de nombreux journaux français et médias internationaux, dont The Guardian, la BBC, Voice of America, The Times ou PBS (Frontline). Présente sur ABC News, MSNBC, France 24, BFM TV ou Arte, conférencière invitée à la Chambre des communes au Royaume-Uni et à l’Institut des États-Unis pour la paix (USIP), elle est titulaire de masters en relations internationales, et en droit international des droits de l’homme. Elle est actuellement basée à Istanbul en Turquie.

 No Woman’s Land

Réfectoire des Cordeliers

–  5 rue de l’école de Médecine, Paris – Du lundi au dimanche, 11h-19h -Entrée libre ! Jusqu’au 18 novembre 2024

Port de Solférino, 75007 Paris – Exposition extérieure, ouverte au public – Jusqu’au au 18 décembre 2024